Via Katlehong Dance 8

Via Katlehong : danse, jeunesse et mémoire politique…

Pour la seconde fois, la Maison de la danse nous propose d’aller à la rencontre de la compagnie sud-africaine, issue du township de Katlehong, lieu emblématique de la culture contestataire pantsula post-apartheid. Bénéficiant d’une résidence de création et de meilleures conditions de travail, les danseurs affichent une pièce mieux maîtrisée que la première avec une danse plus lisible, incroyablement énergique et revendicatrice.

Via Sophiatown, chorégraphie de la Cie Via Katlehong © DR

Le propos du spectacle Via Sophiatown est simple. Il s’agit de rendre hommage à ce que fut Sophiatown dans les années 1950, un quartier de Johannesburg (détruit en 1955) qui était le berceau d’une importante diversité culturelle, notamment pour la danse et la musique. Un quartier devenu le symbole d’une résistance anti-apartheid menée par de nombreux artistes.

Composée de trois entités – deux musiciens de jazz et une chanteuse, des danseurs et des projections de photos de cette époque –, la mise en scène met en valeur le souvenir d’une histoire politique et d’une grande effervescence artistique, avec des individus qui dansent un hip-hop non acrobatique et impressionnant de rapidité, le gumboot, la danse africaine traditionnelle, le step et autres styles, parfois de manière séparée mais souvent de manière fusionnelle, nous donnant cette agréable sensation de découverte chorégraphique.

Pour la première fois dans l’histoire de la compagnie, les femmes ont rejoint les hommes, souriantes et sans tabous, assumant leurs formes et leur féminité. Elles mènent des danses de couples enrobées d’humour et de séduction, ne lésinant pas sur les déhanchés franchement érotiques et provocateurs, nous permettant de renouer, au passage, avec la vraie vie… sur scène.

Des corps libres

Via Sophiatown, chorégraphie de la Cie Via Katlehong Dance © DR

C’est l’esprit de cabaret, les défis, les jeux qui dominent cette pièce, avec une gestuelle virtuose mais aussi directive et puissante, notamment par des pieds qui frappent fort ou qui bloquent l’énergie au sol pour repartir d’un bond et nous surprendre. Si la musique est en eux tout le temps, elle est présente par les percussions mais surtout par de grands moments de jazz propices à la sensualité ou au vague à l’âme. Ce qui enthousiasme, c’est ce vent de liberté qu’imposent ces corps débarrassés des murs d’une prison et qui – malgré la destruction des maisons et l’évacuation des différentes ethnies qui composaient Sophiatown – trimballent en eux l’envie de rester debout.

Parmi les photos projetées, on remarque que nombre sont prises dans la rue et devant les habitations éventrées. Si elles témoignent de leurs conditions de vie et de la violence du pouvoir de l’époque, elles nous font découvrir l’esprit de solidarité, de groupe, mais aussi une certaine errance, un abandon, terreaux de l’invention d’une nouvelle danse de rue et du quotidien.

Une danse exemplaire

Avec ce spectacle, que voit-on sur scène ? De jeunes danseurs au poing levé pensant à leurs aînés, qui se taisent devant certaines photos et qui repartent pour mieux danser comme si leurs combats d’aujourd’hui étaient les mêmes. Des danseurs qui vivent toujours dans les ghettos et qui transmettent leur savoir-faire à d’autres jeunes toujours embourbés dans la misère.

À travers de nombreux ateliers que la Maison de la danse a organisés, ils ont rencontré d’autres jeunes de la région qui se sont initiés à leurs danses tout en découvrant leur difficile condition d’artistes en Afrique du Sud et leur vie tout court. Alors il est impossible de ne pas penser que, si leur danse est d’une telle vitalité, c’est parce qu’elle est avant tout est exemplaire !

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Via Sophiatown, de Via Katlehong. Merc. 6 novembre à 19h30, jeudi 7 et vendredi 8 à 20h30, à la Maison de la danse, 8 avenue Jean-Mermoz, Lyon 8e.

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