Philippe Torreton, Dominique Blanc, avec ou sans politique

Le théâtre des Célestins accueille en cette fin de saison deux comédiens d’envergure. Philippe Torreton chaussera le nez de Cyrano tandis que Dominique Blanc incarnera la Locandiera de Goldoni.

La passion de la politique

Donneur de leçons (de morale) pour les uns, comédien justement indigné pour les autres... La tribune que Philippe Torreton a signée dans le quotidien Libération (encore accessible sur le site du journal) lors des palinodies fiscales de son “ami” Gérard Depardieu, a suscité de nombreuses réactions. Souvent partisanes et emportées, peu mentionnaient que cette “vraie fausse” lettre méritait que l’on s’y intéressât en oubliant ses a priori. Plus fine, mieux argumentée que ce qu’en disent ses détracteurs, elle démontre que l’acteur a de la verve et de l’humour. Presque un style. Sans doute parce que l’on ne fréquente pas les plus grands textes de notre répertoire théâtral sans qu’il en reste quelque chose.

Même si une seconde missive, cette fois adressée à Jérôme Cahuzac (“le Lance Armstrong du budget”) et toujours publiée par Libération, paraissait plus convenue... Mais on ne saurait reprocher à Torreton de surfer sur l’actualité pour faire sa promotion. Il a toujours été passionné par la politique, n’hésitant jamais à donner son avis dans les émissions auxquelles il participe. Il s’impliqua aussi dans la campagne de Ségolène Royal pour la présidentielle de 2007, ou de Bertrand Delanoë pour les élections municipales de 2008 à Paris. Lors d’un entretien publié par Lyon Capitale en décembre 2005, à l’occasion de la tournée du Richard III mis en scène par Philippe Calvario où il tenait le rôle-titre, il nous avait confié avoir invité Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn et Nicolas Sarkozy à voir le spectacle. Ce dernier y avait perçu des “messages subliminaux”...

Cyrano en psychiatrie

L’engagement politique, fût-il pleinement assumé, ne doit cependant pas faire oublier le premier talent du quadragénaire, celui de comédien. Il éclate devant la caméra de Bertrand Tavernier qui le révéla au grand public avec L.627, lui permit d’obtenir le césar du meilleur acteur pour Capitaine Conan et l’un de ses rôles les plus bouleversants avec Ça commence aujourd’hui. Mais aussi sur les planches, puisque ce fils d’un pompiste et d’une institutrice a été formé à la Comédie-Française.

Ce qui lui a permis de se frotter aux plus grands rôles (Scapin, Richard III, Hamlet...), dirigé par les plus fameux metteurs en scène (Georges Lavaudant, Jacques Lassalle, Christian Schiaretti, Gildas Bourdet). C’est d’ailleurs encore dans un grand rôle qu’on pourra le voir ce mois-ci à Lyon. Aux Célestins, il incarnera Cyrano dans la mise en scène de Dominique Pitoiset. L’action se déroule dans le foyer d’un hôpital psychiatrique. Ce parti pris original lui permet de se démarquer des Cyrano précédents, notamment celui joué par un certain Gérard Depardieu.

Une incursion rare dans la comédie

Pour Dominique Blanc, aucun danger que l’on attribue sa notoriété à son engagement politique ou à la rubrique people (on a volontairement omis de vous dire que Philippe Torreton fut, un temps, le compagnon de Claire Chazal). C’est uniquement par la qualité de ses interprétations que l’actrice a su gagner les faveurs d’un public fidèle. Et si, contrairement à Torreton, la Lyonnaise échoua à l’examen d’entrée de la Comédie-Française, cela n’empêcha aucunement les plus grands metteurs en scène de s’intéresser à son jeu, à la fois sensible et impeccable. Patrice Chéreau ouvrit le bal, bientôt suivi par de nombreux autres, en lui offrant de grands rôles dès le début des années 1980 dans ses plus importants spectacles (Peer Gynt, Les Paravents).

Leur complicité ne s’est jamais démentie au fil du temps et a même été récompensée par deux molières, l’un en 2003 pour Phèdre et l’autre en 2010 pour La Douleur. Au cinéma, la liste de ses succès est encore plus longue. On évoquera seulement le plus récent, son interprétation bouleversante d’une junkie dans deux volets de la trilogie de Lucas Belvaux, Cavale et Après la vie. Mais c’est dans un registre inhabituel pour elle qu’on la verra aux Célestins, celui de la comédie, puisqu’elle incarne le rôle-titre dans La Locandiera, le classique de Goldoni mis en scène par Marc Paquien.

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La Locandiera, du 7 au 19 mai, et Cyrano de Bergerac, du 22 mai au 1er juin, aux Célestins (Lyon 2e). Spectacle à 20h (dim. 16h, relâche le lundi).

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