Les musées lyonnais gratuits pour... les Marseillais

Depuis des années, dans la discrétion la plus totale, les musées lyonnais sont gratuits pour tous les habitants de Marseille, et inversement. Un accord politique qui serait aux limites de la légalité.

Il suffit de naviguer sur le site du musée des Beaux-Arts de Lyon et de cliquer sur "Tarifs réduits et gratuité". Dans la liste des exonérés, à côté des étudiants de moins de 26 ans et des personnes handicapées, on retrouve curieusement "les habitants de la ville de Marseille".

Depuis des années, comme l'explique le site Mars Actu, un accord politique entre Lyon et Marseille donne le droit à un échange de gratuité entre les deux communes. Une collaboration qui préfère rester discrète. "La Ville de Lyon ne met pas avant cette clause avec Marseille, et préfère communiquer sur la gratuité pour les personnes handicapés et pour les jeunes", confie un employé de la mairie. "Cette accord pourrait d'ailleurs ne pas durer selon qui sera élu en 2014".

Quelle est la genèse de cette spécificité culturelle ? Pour les uns, les Lyonnais surtout, l'accord daterait de la Charte de coopération entre Lyon et Marseille du 14 février 1997. C'est l'époque du développement du TGV entre Lyon et Marseille et les maires de l'époque, Raymond Barre et Jean-Claude Gaudin, décident d'accélérer le développement économique entre les deux métropoles. Lors de la séance du conseil municipal du 17 février 1997, Raymond Barre explique : "La mise en synergie des deux grandes métropoles dont la complémentarité est beaucoup plus forte que la concurrence à laquelle elles se sont livrées au cours des siècles, permettra le renforcement d'un pôle dynamique au sud de la France". Le 21 septembre 1998, dans une délibération du conseil municipal (archive ci-dessous), la réciprocité de la gratuité des musées entre les deux villes est définitivement actée. Il y est noté : "Marseille sera la seule ville de France concernée".

Mais pour les Marseillais, la gratuité entre les deux villes serait bien plus ancienne, et alimenterait les rumeurs sur le Vieux Port. "D'après ce que l'on m'a dit, cela daterait de l'incendie de 1938 à Marseille", explique Daniel Hermann, adjoint à la Culture de la Ville de Marseille. "Les pompiers de Lyon sont venus nous aider et cette mesure a été créée pour remercier les Lyonnais", ajoute le Marseillais.

"Y-a-t-il un intérêt local à ne pas faire payer les marseillais ?"

Au-delà des querelles historiques, Marseille reste la seule ville de France où ses habitants peuvent entrer gratuitement dans les six musées municipaux de Lyon (Beaux-Arts, Art Contemporain, Gadagne, Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation, Automobile, Imprimerie et Banque). Un tel partenariat existe également avec des villes jumelées avec Lyon, comme Leizpig, Francfort, Montréal ou Birmingham.

Une gratuité à laquelle les Lyonnais eux-mêmes n'ont pourtant pas accès. Et dont les clauses ne sont pas les mêmes entre les deux villes. En effet, si les Marseillais peuvent se rendre gratuitement à toutes les expositions des musées de Lyon, les Lyonnais sont conviés uniquement aux expositions permanentes. Un échange toutefois équitable car les musées marseillais sont deux fois plus nombreux (douze) que les musées lyonnais (six). Les Lyonnais pourront de plus profiter pleinement des musées rénovés dans le cadre de Marseille 2013, capitale de la culture.

Le problème reste que l'accord reposerait sur une des fondements juridiques discutables. "On peut créer une catégorie de contribuable local", explique Sébastien Bracq, avocat au barreau de Lyon. "Mais la difficulté réside dans le fait que la gratuité concerne les habitants d’une autre commune que celle qui prend en charge le service. Si la différence tarifaire pourrait s’expliquer du fait de l’existence d’une catégorie distincte d’usagers, cela pose une autre question qui est celle de l’intérêt local de la mise en place d’un tel tarif. Y-a-t-il un intérêt local à ne pas faire payer les marseillais ?", questionne l'avocat. "Oui, je sais que c'est à la limite de la légalité", avoue Daniel Hermann, à la Ville de Marseille. "Mais tant qu'on ne nous dit rien, il n'y a aucune raison de mettre fin à cet échange."

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