Jojo au bord du monde au TNG

Après ce joli succès, le metteur en scène Nino d'Introna, qui dirige le TNG, et l'auteur Stéphane Jaubertie, ont fort heureusement décidé de poursuivre leur collaboration. C'est ainsi qu'ils donnent aujourd'hui un grand frère à Yaël : Jojo. Ce grand frère est déjà un adolescent ; il est moins loquace et bien plus sombre que ne l'était le candide, enthousiaste et bavard Yaël. Assis sur son ballon dégonflé sur le bout du trottoir d'une grande ville, Jojo est un "solo boy". Ses parents l'ont laissé pour partir en vacances aux Bahamas. Du coup, Jojo attend sur son ballon que la vie daigne s'intéresser à lui. Il attend, mais il a peur... Peur de se lancer dans la vie, d'aborder la jeune fille qui fait battre son cœur, de sortir de son quartier... Surgissent deux bonnes fées déjantées, Anita et Jilette, sa mère, qui perd les pédales dans son fauteuil roulant. Pour une fois qu'elle décrochait un contrat, Anita, qui galère au RMI (revenu magique d'insertion), s'est trompé de destinataire en permettant à Jojo de réaliser un vœu. Du coup, elle doit vite filer à la banque avant de passer, comme d'habitude, du bar à la clinique de désintox sur le trottoir d'en face, l'un et l'autre tenus par les frères Kéjdi et Kejfé Demal. Pendant ce temps, Jojo propose de garder mémé, qui, à moitié Alzheimer, lui fausse compagnie. Lancé à sa recherche, Jojo traverse la forêt de la grande peur, rencontre des super héros super paumés (un Billy-Juan petit Poucet alcoloo, un Batman survolté et une Blanche neige boulimique), et finit par retrouver la mémé dans son propre cœur où jamais personne n'avait pénétré. Au terme de ce périple initiatique, la vieille fée, allégorie de l'amour, lui a apporté ce dont il avait besoin pour être lui-même et aller vers les autres. Il est donc temps pour elle de mourir et pour lui de grandir... L'histoire traite de sujets douloureux : la solitude, l'abandon, la vieillesse, la maladie, la peur de mourir et celle de grandir. Elle touche, à juste titre, des petits esprits sensibles dont certains spectateurs ne cachent pas leurs larmes ou leur tristesse, notamment à la mort de mémé. La scène, centrale, dans le cœur de Jojo, est à cet égard la plus délicate du spectacle. Mais Nino d'Introna réussit la gageure de la mettre en scène grâce à des voiles, de la vidéo et de subtiles jeux de lumière. De même, il réussit fort bien à rendre la dimension féérique et déjantée de la pièce, grâce à des chorégraphies de Mourad Merzouki, une musique originale de Patrick Najean et une ambiance électrique à laquelle les comédiens participent avec bonheur. On rit beaucoup aux séances d'écoute active des superhéros - dont des Dupont et Dupond amoureux l'un de l'autre et dont l'un veut changer de sexe ! - ou au concert rock de Batman laissant Blanche neige en transe... Le texte, dense, prolifique, souvent imagé et plein de jeux de mots, se livre à plusieurs savoureux niveaux de lecture - pas toujours accessibles aux plus jeunes publics -. Il est formidablement porté par une mise en scène, une scénographie et une interprétation inventives et bondissantes qui séduiront les pré-ados comme les plus grands.

Jojo au bord du monde, de Stéphane Jaubertie, mise en scène de Nino d'Introna (dès 10 ans), jusqu'au 19 mars au TNG,
23 rue de Bourgogne, Lyon 9e.
04 72 53 15 15. www.tng-lyon.fr

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