Lyon Capitale n°157
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Il y a 20 ans : coup d'arrêt à la Part-Dieu

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE - Un jeudi soir du mois de janvier 1998, le centre commercial de la Part-Dieu s'arrête de tourner brusquement. Une centaine de CRS envahissent les lieux pour déloger un groupe de casseurs venus saccager les devantures de magasins.

Lyon Capitale n°157, 4 février 1998, © Lyon Capitale

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Début 1998, une quinzaine d'adolescents a suffit à mettre le plus grand centre commercial de Lyon sens dessus dessous. Malgré des dégâts matériels limités, c'est toute une compagnie de CRS qui s'engouffre entre les enseignes commerciales et plus de deux cents personnes qui sont évacuées des lieux. Outre l'ampleur du dispositif, ce sont les modalités d'arrestations qui font couler de l'encre. La plupart des interpellés sont de jeunes maghrébins, dont beaucoup assurent ne rien avoir à faire avec cette histoire. Violence exacerbée et délits de faciès, les forces de l'ordre se retrouvent une fois de plus au cœur des critiques. Un évènement qui rappelle celui de janvier 2018, où une trentaine de personnes ont saccagé un TGV à la gare de la Part-Dieu, obligeant à nouveau les CRS à intervenir.

Lyon Capitale n°157, 4 février 1998, p. 3 © Lyon Capitale

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Un article paru dans Lyon Capitale n°157 le mercredi 4 février 1998, signé par Sylvain Der-Sarkissian.

Coup d'arrêt à la Part-Dieu

Après les incidents qui ont provoqué la fermeture du centre commercial de La Part-Dieu jeudi 29 janvier au soir, les magasins ont peu à peu retrouvé une activité normale. De leur côté, les familles des sept adolescents écroués samedi pour "violences volontaires sur agents de la force publique" et "destruction de mobilier public", souhaitent des éclaircissements sur ces arrestations qu'ils jugent arbitraires.
Jeudi en fin d'après-midi, alors que Jean Paraf, préfet de police, annonçait à la presse une augmentation de 0,50 % de la délinquance dans le Rhône en 1997, un groupe de casseurs ajoutait quelques unités dans les colonnes des statistiques départementales. En effet, peu avant 18 heures, des échauffourées éclataient à la Part-Dieu entre jeunes et agents de prévention. Profitant de la venue massive de jeunes musulmans venus fêter la fin du ramadan au centre commercial, une poignée d'individus ont alors commencé à saccager des devantures de magasins, créant un mouvement de panique qui obligera une centaine de CRS à intervenir. L'évacuation des deux à trois cents personnes présentes dans le centre commercial sera brève et énergique. Bilan des incidents, quelques vitrines brisées, sept personnes légèrement blessées par des jets de pierres et l'arrestation de quinze adolescents dont sept seront écroués samedi soir pour "violences volontaires sur agents de la force publique" et "destruction de mobilier public". Dès lundi matin, tout semble pourtant rentré dans l'ordre à la Part-Dieu. Le centre commercial bénéficie de la présence de CRS au moins jusqu'à la fin de cette semaine. Marc Laupies, président des commerçants de la Part-Dieu regrette qu'il faille "que ce type d'incidents éclate pour que la police renforce des effectifs qui devraient être permanents dans une ville de 80 000 habitants comme la Part-Dieu".

Des arrestations au faciès

Pour les familles des adolescents écroués à la maison d'arrêt de Saint-Paul, l'incompréhension et l'inquiétude prédominaient lors de Jeudi 29 au soir, les quelques vitrines brisées sont rapidement remplacées après le mouvement de panique déclenché dans le centre commercial de la Part-Dieu par une poignée de casseurs. Sept adolescents seront écroués samedi à la maison d'arrêt de St Paul. La conférence de presse donnée lundi au siège du JALB (Jeunes arabes de Lyon et banlieues). Certains parents, taxés de laxisme par leurs voisins et dans la presse, sont encore sous le choc. "Mon fils n'a pas eu le droit de se rendre à la Part-Dieu avant l'âge de 16 ans. Je lui ai même acheté un Tatoo pour éviter qu'il traîne dans les rues", s'insurge un père avant de baisser la tête, résigné, "more fils restera marqué par la prison". Dans la salle, les témoignages se succèdent. Certains font état de violences policières et de passages à tabac selon les dires même de leur avocat. Plus tard, c'est le père de Sassi, 17 ans, qui lit une lettre du proviseur. Son fils est délégué de classe au lycée professionnel automobile de Bron. L'adolescent n'a jamais posé de problèmes, note le directeur d'établissement. Tout comme Brahmi, 17 ans, qui sortait du cinéma avec ses deux sœurs âgées de 13 et 6 ans lorsqu'il fut emmené de force par les CRS. Pour les familles, il n'y a pas d'équivoque. Ces arrestations sont purement arbitraires. "ils ont arrêté mon fils parce que c'est un Arabe", finit par lancer le père d'un des prévenus. Un autre parent lâche un peu plus tard : "A deux mois des élections il fallait salir l'Arabe. C'est toujours lui qui fout la merde". Pour l'instant, on ne sait pas si les casseurs font partie des jeunes gens arrêtés. Selon le témoignage d'une vendeuse, ce seraient des individus cagoulés qui, après avoir détruits les caméras de surveillance, auraient déclenché les hostilités à l'intérieur du centre commercial. En revanche, les juges chargés du dossier sont persuadés que les actes de vandalisme ont été prémédités, la poignée de vitrines endommagées ayant été cassées à l'aide de pierres. Lundi 2 février au soir, les avocats des sept adolescents incarcérés ont demandé leur remise en liberté.
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