Fantastique Tac au Radiant

Promoteur d’un théâtre qui secoue corps et âmes, Laurent Brethome revient dans nos parages avec un spectacle jubilatoire et profond, Tac de Philippe Minyana.

“Molière l’affirme : les pièces sont faites pour être jouées plutôt qu’être lues. Il faut avoir l’œil du vigneron pour déceler dans un raisin le vin qu’il produira.” Cette considération émise par Daniel Hanivel, dramaturge avec qui il travaille, Laurent Brethome l’a parfaitement illustrée. Ce jeune metteur en scène issu de La Roche-sur-Yon, mais qui a longtemps travaillé dans notre région, a en effet su distinguer dans la pièce de Philippe Minyana Pièces, rebaptisée Tac, un grand cru théâtral.

Pourtant cette œuvre, mise en scène une seule fois auparavant (par Robert Cantarella), est une manière d’OTNI, un objet théâtral non identifié. Elle est à la croisée de trois faits divers récents. L’un décrit un vieil homme, Monsieur Tac, dont l’appartement a été forcé, pillé après qu’une fuite d’eau a alerté les copropriétaires de son immeuble. L’autre met en jeu une femme qui retrouve sa maison rasée alors qu’elle sort de l’hôpital. Tandis que le troisième, tout aussi cruel, est la triste aventure d’un homme âgé, atteint de la maladie d’Alzheimer, qui continue de faire du gardiennage dans un local politique bien que celui-ci ait depuis longtemps déménagé...

Contes de la débine ordinaire

Trois histoires vraies qui mettent en exergue la difficile situation du logement en France, l’égoïsme contemporain et le sort peu enviable que l’on réserve aux plus âgés et aux plus démunis. Trois histoires que Minyana a soigneusement brassées, transformées en trois contes cruels, savamment dialogués, qui éclairent les travers de notre société d’une façon à la fois drôle et cruelle. Il a reconstruit, en étroite collaboration avec Laurent Brethome, une succession de tableaux saisissants qui s’enchaînent de manière brutale. On y voit des scènes de défenestration, des conversations burlesques où un vieil homme est assailli de fantasmes crus ou encore des séances d’espionnage entre voisins mal intentionnés...

La cohérence de l’ensemble, le fil rouge – ou plutôt noir – est celui d’un pan de notre société qui part à vau-l’eau. Et de l’eau, justement, il y en a ! Celle de la fuite dont est victime Monsieur Tac a complètement envahi le plateau, où trône une vieille baraque qui dégringole. Dans cet espace semi-aquatique qui évoque David Lynch, on patauge, on essaye de rire avant la noyade. Les personnages, habillés comme chez les Deschiens, se débattent face à un quotidien qui les dépasse. Ils sont d’autant plus émouvants qu’ils sont incarnés par une équipe de comédiens qui trouve le ton juste et une énergie qui s’apparente souvent à celle du désespoir.

Tac. Le 20 mars à 20h30, au Radiant, 1 rue Jean-Moulin, à Caluire.

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