Adieu à Jean-Jacques Lerrant

Régis Neyret rend hommage à son ami Jean-Jacques Lerrant dans une tribune libre.

Jean-Jacques Lerrant est entré au "Progrès" à 25 ans, à la fin de la guerre , après une année de Beaux-Arts et une licence d’Histoire. Entre 1945 et ces derniers mois, il a accompagné la vie culturelle à Lyon.

Devenu responsable des pages culturelles du grand quotidien lyonnais, il en a été, pendant quarante ans, non seulement le témoin mais aussi l’un des acteurs les plus engagés. A sa retraite il reprit sa plume pour "Le Monde", puis Catherine Tasca, ministre de la Culture, le nomma "Inspecteur Général du Théâtre" aux côtés de son ami et complice René Gachet. À la fin des années 90, je le retrouvais à "Lyon Capitale", jeune hebdomadaire à l’époque, qui ouvrait ses colonnes en alternance à quelques "anciens" considérés comme des sages…

Je l’avais rencontré dès 1953, au moment où je lançais à Lyon la revue "Résonances" aux côtés de Robert Proton de la Chapelle. Sur la suggestion de son amie Suzanne Michet, à laquelle il va succéder comme critique dramatique au "Progrès", il accepta de devenir un de nos plus précieux collaborateurs. Son premier article fut consacré à un éloge de l’exposition Picasso, qui avait attiré 32 000 visiteurs pendant l’été 1953 au Palais Saint Pierre…

C’était une époque où les avant-gardes culturelles s’éveillaient dans de nombreux secteurs de la Ville. Jean-Jacques se passionnait pour la peinture, singulièrement autour de la Galerie Folklore, animée par Marcel Michaud – que nous retrouverons bientôt dans une exposition du Musée des Beaux-Arts. Toujours à l’affût des artistes les plus singuliers et les plus talentueux (citons au hasard Combet Descombes, Ferréol, Avril, Schoendorff, Montheillet, Janoir, Giorda ou son ami Truphémus), il les accompagnait ou les préfaçait à l’OEil Écoute, au Lutrin, au Griffon, à Paris ou ailleurs.

Outre la peinture, ce "Journaliste des soirées" comme il se qualifiait lui-même se passionna très vite pour le théâtre, ses acteurs et ses auteurs, qu’il rencontrait et suivait à Lyon, un peu à Paris, et chaque été à Avignon. La deuxième moitié du XXe siècle a été riche de découvertes lyonnaises, de Jean Dasté, Roger Planchon et Marcel Maréchal à Philippe Faure, avec tous les auteurs et les acteurs qui les accompagnaient. La plume chaleureuse et le talent de découvreur de Jean-Jacques Lerrant lui permirent, très vite, d’être considéré comme l’un des meilleurs critiques dramatiques français, malgré (ou en dépit de… ) son attachement à Lyon et son éloignement volontaire des mirages de la capitale.

Esprit fin et cultivé, gourmet et gourmand des choses de la vie, critique généreux et jamais méchant, militant passionné de la culture populaire et de la création, perpétuellement curieux et à la recherche des talents nouveaux, Lerrant appartenait, comme le souligne Patrice Béghain, "à un autre monde : celui du raffinement et de l’élégance". Un autre monde… Adieu Jean-Jacques.

RÉGIS NEYRET

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