Hip-hop à la russe

Programmé pour la première fois à la Maison de la danse avec Davaï Davaï…, Brahim Bouchelaghem fait danser – à sa manière – de jeunes danseurs russes, champions du monde de hip-hop. Une belle rencontre !

Brahim Bouchelaghem est – n’ayons pas peur de le dire – le plus grand danseur de hip-hop en France. Il est issu de la génération d’artistes novateurs tels Mourad Merzouki et Kader Attou, auxquels il a souvent apporté ses talents d’interprète. En 2004, il tente pour la première fois l’aventure de la chorégraphie en créant Zahrbat, un magnifique solo dédié à son père. En 2010, au terme d’un périple russe, il crée Davaï Davaï… (“Allez, on y va”), pièce pour huit danseurs, tous champions du monde russe de la Battle of the Year 2008. Le pari de cette rencontre est double. Il s’agit de leur transmettre une autre vision, plus poétique et plus écrite, de la danse hip-hop et d’extraire de leurs histoires personnelles – vécues au sein d’un pays froid et difficile – un objet artistique.

Brahim Bouchelaghem joue la sobriété du hip-hop

Le parti pris – courageux – du chorégraphe est de ne pas faire appel à des effets de danse virtuoses, ni à des effets scénographiques pour pallier un éventuel déficit artistique. Il y a les danseurs et, derrière eux, en fond de scène, un carré de panneaux amovibles qu’ils utilisent mais qui sont aussi les supports d’images vidéo évoquant la Russie d’aujourd’hui. L’architecture de la pièce se trouve ainsi définie, par des lignes verticales : celles de la scénographie et celles de la danse dans son occupation de l’espace. Autour de ce principe, Brahim Bouchelaghem fait débouler sur scène et à ses côtés les huit danseurs, dans une succession de solos et de déplacements en groupe. Ils sont extraordinaires – c’est une évidence – et ils nous offrent des instantanés d’un hip-hop réinventé. Sur une musique répétitive et lancinante (avec parfois trop de pathos), le chorégraphe parle de parcours de vie, de solitude, interpellant en simultané les images projetées. Il n’oubliera pas non plus l’humour, notamment dans une scène qui rappelle une Russie alcoolisée et désespérée. Puis, il y a le solo, le sien. Comme un éclair, avec des mouvements saccadés qui transforment son corps en une image vidéo au ralenti. Hallucinant !

Piégé par son écriture

Mais le spectacle fonctionne par fractions et non pas dans son intégralité. Sans doute est-ce dû au mélange de théâtralisation et d’abstraction qu’il n’est pas toujours aisé de manipuler. Sans doute Brahim Bouchelaghem cherche-t-il trop à bien écrire, si bien que, par moments, la danse se fige dans des poses tout en ayant du mal à produire du liant. La notion de lignes dans laquelle il s’est engouffré pour construire sa chorégraphie amplifie cette sensation que la danse ne va pas à l’intérieur d’elle-même alors qu’elle demeure encore trop frontale. On regrette aussi que les danseurs se touchent si peu et que, lorsque l’en-commun existe, des éléments scéniques soient glissés entre eux. En voulant éviter de tomber dans les débordements free style des battles que ces jeunes Russes ont l’habitude de pratiquer, le chorégraphe semble les avoir quelque peu bridés, les mettant parfois à l’étroit dans leur propre corps.

Standing ovation

La première, donnée mardi 27 mars à la Maison de la danse, s’est terminée sur une standing ovation. Les danseurs russes filmaient le public pendant qu’il applaudissait. Sans doute aucun d’entre nous ne saura jamais ce que représente cette pièce pour chacun d’entre eux. Pour Brahim Bouchelaghem, dont le visage ému transpirait de sincérité. Pour ces jeunes, touchant, peut-être, une liberté recouvrée et un avenir moins sombre !

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Davaï Davaï… de Brahim Bouchelaghem

Jusqu’au 31 mars, à 20h30, à la Maison de la danse.

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