Greves mardi 12 fev © tim douet
@ Tim Douet

Pourquoi les enseignants sont contre la réforme des rythmes scolaires

Ce mardi à Lyon, neuf instituteurs sur dix seront en grève, huit sur dix dans le département du Rhône. Une grève historique à tout point de vue. Explication, point par point, avec Yannick Le Du, secrétaire départemental Snuipp-FSU, et Frédéric Volle, secrétaire départemental adjoint du Snudi-FO, les deux syndicats majoritaires du Rhône.

D'autres réformes plus prioritaires

Frédéric Volle, secrétaire départemental adjoint du Snudi-FO, deuxième syndicat d'enseignants du 1er degré du Rhône, enseignant à l'école Delorme à Lyon 8e :

" Nous aurions préféré que le ministre de l'Education nationale se mobilise sur d'autres sujets plus prioritaires comme le remplacement des profs absents. Dans le Rhône, la majorité des enseignants malades ne sont pas remplacés. A la rentrée, ils ont du embaucher en urgence 80 enseignants en CDD pour remplacer les enseignants en congé maladie. Et puis, on est quand même dans un département où 22 postes de Rased, enseignants pour les enfants en difficulté, ont été supprimés l'an dernier. Alors quoi qu'on pense de la réforme des rythmes scolaires, celle-ci n'est pas prioritaire ".

Yannick Le Du, secrétaire départemental Snuipp-FSU, 1er syndicat d'enseignants du 1er degré dans le Rhône, enseignant à Villeurbanne :

" D'autres chantiers pourraient être ouverts, comme celui des nouveaux programmes prévus pour 2014. Ensuite, on pourrait juger de la réforme des rythmes à la lumière de ces nouveaux programmes. Il s'agirait de les alléger car depuis 2005 tout le monde s'accorde à dire que les programmes sont très lourds, inadaptés. Il faudrait prendre en compte cette réforme des rythmes. Math et français le matin, informatique l'après midi … "

Ne pas travailler le mercredi matin

Frédéric Volle, secrétaire départemental adjoint du Snudi-FO :

" Dans le projet Peillon, il n'y pas techniquement d'heures de classe en plus pour les enseignants, les heures sont simplement réparties différemment. Mais en réalité, avec l'allongement de la pause méridienne, la journée sera la même, 8h30, 16h30 et en plus, il y aura classe le mercredi matin. Le résultat de cette réforme, c'est que nous ferons plus de temps de présence à l'école, non pas plus d'heures de classe. Parce que la plupart des collègues vont rester entre midi et deux, en plus du mercredi matin. Or, le département du Rhône, comme la Gironde, fonctionne depuis très longtemps sur la semaine de quatre jours et cela donne de très bon résultats aux évaluations nationales. On ne voit donc pas pourquoi il faudrait en changer. Par ailleurs, venir travailler le mercredi matin, cela va obliger les collègues qui ont des enfants à les faire garder, à leur frais, par des nounous, sans compter les trajets supplémentaires en transports. Tout cela à salaire réduit, puisque depuis la réforme des retraites de 2010, la cotisation pour la retraite des fonctionnaires augmente chaque année et que donc notre salaire baisse."

Pour une vraie réduction du temps de classe quotidien

Yannick Le Du, secrétaire départemental Snuipp-FSU, enseignant à Villeurbanne :

" Nous sommes pour le travail le mercredi ou le samedi matin. Personnellement, je préfère le samedi matin. Même si on a bien conscience que pour un certain nombre de familles recomposées, cela peut poser problème. Donc, le mercredi matin, oui, mais alors il faut penser à écourter les autres journées, or ce n'est pas vraiment prévu dans le décret du ministre ".

Contre le soutien scolaire personnalisé

Yannick Le Du, secrétaire départemental Snuipp-FSU, enseignant à Villeurbanne :

" Dans le projet du ministre, les activités pédagogiques complémentaires (APC) viennent remplacer l'aide personnalisée. Nous demandons au ministre de supprimer cette aide personnalisée (ce soutien scolaire, ndlr), dont seul le nom change. On préfèrerait une aide pédagogique, une prise ne compte de l’hétérogénéité des élèves dans la classe plutôt qu'une extériorisation des problèmes. Cela uniformiserait les apprentissages, à l'intérieur de la classe. Alors que s'il y avait la possibilité de prendre en compte l'hétérogénéité dans le temps de classe, cela serait plus effectif au lieu de rejeter les problèmes en dehors du temps de classe. Le Snuipp porte cette question du « plus de maitres que de classes » depuis longtemps, pour éviter le huis clos dans les classes entre les enseignants et les élèves. C'est comme cela, en échangeant entre nous, que la pédagogie pourra être re-dynamisée. Surtout depuis la fin de la formation continue ".

L'école ne doit pas se mettre sous la tutelle des collectivités territoriales

Frédéric Volle, secrétaire départemental adjoint du Snudi-FO :

" Le décret Peillon laisse le choix aux collectivités territoriales d'organiser la journée de classe, ce n'est plus l'école de la République, c'est l'école des territoires. L'école qui était protégée jusqu'ici des pressions locales va se retrouver au centre des pressions politiques locales. Par ailleurs, il y aura tel rythme à Lyon, tel rythme à Angers. Cela veut dire quoi ? Que les enfants à Lyon et à Angers n'ont pas les même besoins ? En plus, les communes, selon qu'elles sont riches ou pauvres ne pourront pas proposer les mêmes activités péri scolaires. Idem, le soutien scolaire serait maintenu, il changerait juste de nom et deviendrait « activité pédagogique complémentaire ». Annuellement, nous en devions 60 heures par an, ce nombre passerait à 36 heures + 24 heures de réunion. Mais la différence c'est que les activités pédagogiques seraient données dans le cadre d'un projet pédagogique territorial, rédigé par les collectivités territoriales. Les enseignants ont peur que cette réforme ne mette l'école et les enseignants au coeur de tous les conflits d'intérêts locaux".

Yannick Le Du, secrétaire départemental Snuipp-FSU, enseignant à Villeurbanne :

" Dans son décret, le ministre écrit noir sur blanc que la municipalité, pour organiser la réforme des rythmes scolaires, peut ne pas tenir compte du ou des conseils d'école. Cela pose problème. Autant, il faut bien prendre en compte que les enseignants vont devoir travailler avec les collectivités territoriales à l'avenir, autant placer la décision des collectivités au-dessus de celle des conseils d'école, cela est un peu dommage. Les collectivités ne devraient pas selon nous pouvoir construire leurs organisations de la semaine d'école sans prendre en compte l'avis du ou des conseils d'école. C'est pourquoi le Snuipp-FSU demande une réécriture du décret."

Contre l'allongement de la pause-déjeuner

Yannick Le Du, secrétaire départemental Snuipp-FSU, enseignant à Villeurbanne :

" Du point de vue des enseignants, cela va nous raccourcir la journée. On finira trois quart d'heure plus tôt certes, mais après on nous demande de prêter nos classes pour des activités péri-scolaires. On y prépare nos cours habituellement après les cours. C'est donc du temps de perdu dans notre emploi du temps. Par ailleurs, du point de vue des élèves, cet allongement est critiquable, parce que si les écoles proposent des ateliers entre midi et deux, il y aura certainement plus d'élèves qui mangeront à la cantine. Or nous n'avons aucune information sur ces ateliers. comment cela va-t-il se faire ? Si c'est pour ce que les enfants se retrouvent dans la cours, livrés à eux-mêmes c'est inquiétant parce qu'à la pause méridienne, c'est là où il y a le plus grand nombre d'accidents."

Contre les inégalités entre communes

Frédéric Volle, secrétaire départemental adjoint du Snudi-FO :

" Le décret prévoit que les collectivités financeront les activités périscolaires supplémentaires dans le cadre de la réforme. Mais prenons une ville en difficulté, comment le maire de Vaulx-en-Velin ou de Vénissieux va-t-il trouver l'argent pour financer des activités péri-scolaire de qualité ? Cette réforme, crise oblige et dotations des collectivités en baisse, on ne voit pas comment elle va pouvoir être mise en oeuvre de manière satisfaisante dans les territoires. C'est pour cela que toutes les grandes villes ont choisi d'allonger la pause méridienne, parce qu'elle n'ont pas le choix ! Sinon cela voudrait dire qu'elles doivent faire revenir le personnel municipal (astem, dame de service) à 15h30. Or actuellement tout le personnel de la ville finit à 15h (ils font 6h – 15h). On voit mal dès lors comment elles feront pour faire revenir les animateurs payés sur la pause de midi pour une heure de 15h30 à 16h15. Payés 7euros de l'heure, ils ne reviendront pas. Le maire de Lyon n'est pas fou, à un an des municipales, il est même prudent, il n'a pas l'intention d'augmenter les impôts locaux de 20% l'année prochaine pour financer cette réforme ".

Yannick Le Du, secrétaire départemental Snuipp-FSU, enseignant à Villeurbanne :

" Lyon privilégie clairement l'allongement de la pause méridienne, pour ne pas avoir à terminer la classe à 15h45. Car il n'auront pas les moyens de financer les activités péri-scolaires l'après-midi. Il est envisagé de demander aux étudiants de Lyon 1, Lyon 2 et Lyon 3, via le recteur d'académie, de libérer du temps de midi pour faire intervenir les étudiants sur le temps de la pause-déjeuner dans les écoles. Mais dans les petites communes du Beaujolais, comment cela se passera t il ? Il y a des mairies qui auront les moyens, d'autres pas et ce ne sont pas les 50 euros par élève proposé par le gouvernement pourront régler le problème. Idem dans les communes en difficulté, où 45 euros en plus par élève sont proposés en 2013 et 2014 par élève. D'ailleurs, Vaulx-en-Velin et Vénissieux ont dors et déjà fait savoir qu'elle n'appliquerait la réforme qu'en 2014 pour des problèmes de consultation des conseils d'école, et de financement ".

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