François Hollande Congrès Versailles 16.11.15 AFP
© Eric Feferberg / AFP

“Nulle émotion ne justifie le reniement des principes républicains”

Lettre ouverte de militants socialistes lyonnais qui demandent “à tous les députés et à tous les sénateurs de s’opposer et de voter contre ce projet porté par le président François Hollande et le gouvernement de Manuel Valls, dans chacune des chambres de l’Assemblée nationale et du Sénat puis en Congrès à Versailles”.

Lettre ouverte d’indignation

au sujet de la révision constitutionnelle portant sur le maintien de l’état d’urgence et la déchéance nationale présentée du 3 au 9 février 2016

“Nulle émotion des Français ne peut justifier le reniement des principes républicains. L’État doit protéger les Français face au terrorisme, sans remettre en cause les droits et les libertés. Agir différemment est donner raison aux puissances extérieures en guerre contre notre modèle social occidental. À ces actes odieux commis sur notre sol, le Gouvernement doit souder la communauté nationale et non pas la diviser. L’État doit plutôt renforcer ses moyens judicaires et de police intérieure.

L’état d’urgence conduit à des décisions arbitraires, des dérives autoritaires. Depuis novembre 2015, plus de 3 242 perquisitions sont intervenues. Tout comme les 400 arrêtés d’assignation à résidence, elles ont donné lieu à de nombreux dérapages (60 témoignages recueillis par Amnesty International), à un accroissement des discriminations à l’égard de populations déjà stigmatisées en raison de leur origine et/ou leur religion supposée ou réelle.

Toutes ces mesures, dont l’efficacité n’est pas démontrée, mettent à mal la séparation des pouvoirs : l’exécutif s’accapare le pouvoir législatif et relègue le pouvoir judiciaire hors de son rôle de gardien des libertés. Inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, c’est rendre permanent un régime d’exception. Or l’introduction de l’état d’urgence dans la Constitution n’est absolument pas nécessaire contre la menace terroriste. Les lois ordinaires (art. 23- 7 et art. 25-1 et suivants du Code civil ; art. 131-26, 131-28 et 131-16 du Code pénal) sont largement efficaces ; il manque les moyens pour l’instruction (dotation ministère de la Justice) et pour l’application (dotation ministère de l’Intérieur).

La déchéance de la nationalité, outre sa portée symbolique, vise surtout à retirer certains droits attachés à la nationalité aux personnes définitivement condamnées pour terrorisme ou pour délit portant atteinte à l’intérêt supérieur de la nation. Le juge judiciaire aura le pouvoir d’expulser du territoire un individu auquel la nationalité française aurait été retirée.

Or, nul besoin de constitutionaliser, depuis la loi Guigou de 1998 sur la nationalité, la déchéance ne peut viser que des binationaux sans aucune possibilité de créer des cas d’apatrides en application de la convention de New York d’août 1961, signée mais non ratifiée par la France, sauf pour un ressortissant apportant son concours à un autre État ou s’il a un comportement de nature à porter préjudice grave aux intérêts essentiels de l’État.

En théorie, les traités internationaux n’empêchent pas la France de créer des apatrides. Les conditions sont définies strictement par l’article 25 du Code civil qui recense 5 motifs : crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, terrorisme, espionnage (ou sédition et haute trahison militaire), soustraction aux obligations du service national et agissement au profit d’un autre État. Cependant, seules les personnes ayant acquis la nationalité française par naturalisation peuvent être déchues par condamnation définitivement prononcée dans un délai de dix ans à compter des faits et dix ans maximum après l’acquisition de la nationalité française – quinze ans pour terrorisme.

C’est pour cette raison que le gouvernement de Manuel Valls souhaite modifier la Constitution pour élargir les conditions et viser, a priori, tous les Français, binationaux ou non. Certains seraient passibles de la déchéance de citoyenneté, d’autres seraient passibles de l’indignité nationale, en totale contradiction avec l’égalité des droits pour chaque citoyen. Or la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations unies en 1948 pose que “tout individu a droit à une nationalité”.

La société française doit admettre que les “monstres”, quand ils ne sont pas d’autres nationalités, peuvent être nos enfants et doivent ainsi être punis durement en conséquence sur notre sol, sans remettre en cause le droit au sol inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et l’intégration.”

Des militants socialistes lyonnais opposés à la révision de la Constitution

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