LC 719 p. 12-13

Les primaires vont-elles relancer la droite lyonnaise ?

Fin 2012, la droite lyonnaise semblait avoir renoncé à organiser des primaires, faute de candidats.“À quoi bon, si Gérard Collomb est jugé imbattable en 2014 ?” entendait-on. Quelques semaines plus tard, la droite croule de nouveau sous les candidatures et semble s’être remise à y croire. Les primaires sont du coup relancées. Elles pourraient voir s’affronter cinq ou six postulants, dans un scrutin finalement très ouvert. Avec à la clé l’espoir qu’elles donneront à la droite lyonnaise ce qu’elle cherche vainement depuis le départ de Raymond Barre : un leader.

Hypothétique en décembre faute de candidats, l’idée de primaires à droite pour désigner le candidat qui affrontera Gérard Collomb aux municipales a été relancée en janvier. L’UMP, au niveau national, a décidé d’en organiser pour Paris et très certainement aussi à Lyon et à Marseille. Depuis, les vocations sont plus nombreuses. Nora Berra a déclaré qu’elle ne s’interdisait pas de candidater. Elle devrait passer aux actes, pour affirmer son ancrage lyonnais. Georges Fenech, député de Givors, envisage de se déclarer candidat courant février. Ces deux noms s’ajoutent aux deux candidats déjà officiels : Michel Havard et Emmanuel Hamelin. La présence de Denis Broliquier et de François-Noël Buffet est plus improbable. Le premier préférerait présenter des listes centristes autonomes, mais il pourrait se résoudre aux primaires à la demande de l’UDI et de son président, Jean-Louis Borloo. Le second a lié son destin à Gérard Collomb en conditionnant sa candidature lyonnaise à l’intégration d’Oullins à Lyon.

Chacun avance ses arguments

Ils seront donc entre quatre et six à s’affronter lors de primaires qui devraient avoir lieu, selon les vœux de tous les élus intéressés, au plus tard en juin. “Je plaide pour un calendrier rapide, avec un vote si possible au printemps. Il faut que l’on se réveille, les municipales ont lieu dans un an. La question du candidat doit être tranchée avant l’été”, exhorte Michel Havard. La multiplication des candidats traduit le problème de leadership qui handicape la droite lyonnaise depuis la déroute des municipales de 2008, mais porte, en elle, les éléments de réponse. “Le fait qu’il y ait plusieurs candidats n’ajoutera pas de la confusion. Les Lyonnais décideront de qui est le mieux placé pour conduire la liste. Le leadership n’existera que le jour où il y aura une adhésion forte à un candidat”, analyse Georges Fenech.

En décembre dernier, Michel Havard enterrait son idée de primaires, faute de candidats : “Faire une primaire entre Emmanuel Hamelin et moi avec le seul vote des militants UMP n’aurait pas de sens.”Aujourd’hui, avec quatre candidats probables et l’arrivée dans le jeu de personnalités médiatiques et fortes en gueule comme Nora Berra et Georges Fenech, les primaires promettent du spectacle. Le retour d’expérience des socialistes a montré que François Hollande s’était présidentialisé durant cet exercice démocratique. Le vote et l’ampleur du succès populaire l’ont extirpé des petites phrases assassines et des tensions internes au PS. “J’ai hâte que les primaires aient lieu. Elles tordront une bonne fois pour toutes le cou à toutes les spéculations. Pendant que l’on s’englue dans des questions de leadership, l’électorat ne nous apporte pas de crédit”, martèle Michel Havard. La participation de Denis Broliquier et de l’UDI à cet exercice permettrait aussi à la droite lyonnaise de soigner une fois pour toutes ses divisions.
Encore faut-il un leader crédible et audible. Aucun ne s’est imposé naturellement depuis le départ de Raymond Barre, en 2001. Mais la droite peut espérer s’en modeler un par le biais de primaires. La campagne précédant le vote pourrait aussi lui offrir l’espace médiatique qu’elle n’a jamais réussi à se créer. Pendant quelques semaines, toute l’attention lyonnaise devrait être portée sur eux. Avec la participation d’au moins quatre candidats, ce sera aussi “la fête” à Gérard Collomb. Pendant la campagne, le maire de Lyon sera la cible des attaques de tous les candidats et sera, pour une fois, absent du débat. Hors de Lyon, tous les dirigeants UMP s’accordent à reconnaître que les élus lyonnais ne travaillent pas assez leur terrain. La campagne des primaires les obligera à descendre dans la rue tracter et affiner leur projet pour Lyon. Ce mode de désignation va réactiver des équipes atrophiées par la torpeur de la droite lyonnaise. La présence du bulldozer Georges Fenech, qui bénéficie de la meilleure équipe de campagne du Rhône, apporte le gage d’une campagne animée et qui évitera de tomber dans l’écueil d’une primaire avec peu de votants. Son entourage promet déjà, en cas d’investiture, de faire “une campagne de premier plan. On fera parler de Lyon”.

La multiplication des candidatures traduit ainsi un regain d’espérance à droite. Georges Fenech et François-Noël Buffet ont trouvé dans des bouleversements institutionnels – carte électorale pour le premier, non-cumul des mandats pour le second – un surplus de motivation. Ils estiment aussi, comme tous les autres participants, qu’une fenêtre de tir plus favorable s’ouvre. La droite n’a plus abordé une élection locale en étant dans l’opposition depuis 2002. Aux manettes de l’État, aucune ne leur a été favorable. L’UMP attend donc avec impatience l’effet de balancier. La cote de popularité du Gouvernement peut aussi avoir remplumé l’espoir de certains candidats aux primaires. “Gérard Collomb prend quelques coups sur la tête en ce moment, notamment avec la Cité de la gastronomie. Ses grands projets ne décollent pas. Sa seule chance pour l’instant est de ne pas avoir de candidat de droite à la hauteur. Ça peut changer. La campagne n’est pas perdue d’avance, mais il faut trouver comment la gagner. Nous devons trouver un angle d’attaque. Il maîtrise bien sa ville et ses réseaux, il faudra le ringardiser. Il a récupéré une partie de l’électorat de droite et nous devrons instiller le doute dans l’esprit des électeurs, leur montrer qu’ils sont insatisfaits. Et puis nous ferons en sorte que Najat Vallaud-Belkacem, qui est membre du Gouvernement, soit un boulet pour sa campagne”, dévoile un conseiller de Georges Fenech.

En 2008, au soir de son échec cuisant, Dominique Perben estimait avoir néanmoins fait deux legs importants à la droite lyonnaise : l’union, avec le retour des ex-millonistes dans le giron de la droite, et le renouvellement, en lançant des personnalités comme Nora Berra, Lionel Lassagne, Laure Dagorne, Laurence Balas... Il a aussi tenté de lui offrir un nouveau leader, en adoubant immédiatement Michel Havard. Mais ce dernier l’a rapidement déçu en ne parvenant pas à s’imposer. L’onction de Perben était sans doute insuffisante pour créer un candidat légitime à la mairie. C’est ce vide que les primaires pourraient bien parvenir à combler.

Sur la ligne de départ, seuls les candidats extramuros semblent accuser un léger handicap : le statut de parachuté. Entre les quatre Lyonnais, bien malin qui saura prédire l’identité du vainqueur. Michel Havard bénéficie du soutien des élus et de son statut de leader naturel. Denis Broliquier appuie sa candidature sur le poids des deux mairies d’arrondissement que son courant administre. Emmanuel Hamelin jouit de la meilleure notoriété. Nora Berra a pour elle l’attrait de la nouvelle venue et une aura médiatique héritée de ses années au gouvernement. Tous les candidats ont encore une histoire à construire, et les primaires peuvent les y aider.

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À lire dans Lyon Capitale-le mensuel de février : le portrait de chacun des six candidats possibles pour les primaires.

Lyon Capitale n°719 est en vente en kiosques jusqu’au 21 février, et dans notre boutique en ligne.

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