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Le Vatican : un Etat difficile à gouverner pour Benoît XVI

"Dieu ne laisse pas couler sa barque", même "dans les eaux agitées". L'Eglise se porte mal et dans son dernier discours aux croyants, ce mercredi, Benoît XVI n'a pas hésité à le dire. "Mes forces ont diminué," expliquait-il à nouveau devant 150 000 fidèles réunis place Saint-Pierre. Si personne ne conteste son état, il y a aussi dans cette décision une forme de renonciation à se battre face aux différentes affaires qui ont fait trembler le Vatican ces dernières années. Car les hommes d'Eglise sont aussi des hommes de pouvoir.

Certaines voix commencent aujourd'hui à critiquer publiquement le souverain pontife. Le chef de l'Église catholique d'Australie, le cardinal George Pell s'est exprimé sur la très officielle radio du Vatican ce jeudi matin. Il a souligné une renonciation "déstabilisante" et l'incapacité du pape "à réaliser l'unité des catholiques." Il estime que "le gouvernement n'était pas (le) point fort" de Benoît XVI.

Benoît XVI était-il préparé à l'exercice du pouvoir ?

Cette simple phrase fait ressurgir toutes les interrogations sur les raisons profondes de cette renonciation au-delà même de la fatigue physique. La personnalité de Joseph Ratzinger est davantage proche d'un théologien que d'un homme politique. "Benoît XVI est un intellectuel", rappelle Jean-Dominique Durand, professeur d'Histoire contemporaine à Lyon 3, spécialiste du catholicisme. "C'est un professeur et surtout un homme d'une grande simplicité dans sa manière de recevoir les autres et dans sa vie privée.", ajoute-t-il.

Etre pape n'est certes pas une mince affaire, "un métier de chien, un travail et une responsabilité écrasante", écrit Rémi Brague, professeur de philosophie à l'université de Paris, dans une chronique pour Libération. L'éloquence du cardinal Barbarin, archevêque de Lyon le pousse même à déclarer ce jeudi matin sur LCI "c'est une charge surhumaine". En renonçant, Benoît XVI a aussi rappelé sa propre humanité, face à la maladie mais, sans doute aussi, face à son incapacité à gouverner le Vatican.

La curie romaine : une organisation complexe

Le pape est certes le chef des catholiques mais il est aussi le souverain du Vatican, un petit état de 44 hectares qui regroupe près de 2700 personnes, jardiniers compris. L'organigramme de la curie romaine, c'est-à-dire l'administration de cet Etat, se révèle très complexe (voir organigramme ci-dessous). Cette organisation peut ainsi évoluer selon les changements opérés par le pape en exercice. En premier lieu, le souverain pontife s'appuie sur la secrétairerie d'Etat, avec à sa tête un secrétaire d'Etat, l'équivalent de notre Premier ministre. Celle-ci coordonne l'ensemble des dicastères composés de 9 congrégations et de 11 conseils pontificaux. Sans compter les myriades d'organismes, certains fondés à la Renaissance. Près de 450 personnes forment cette administration.

Au début de son pontificat, comme tout nouveau chef d'Etat, Benoît XVI a profondément renouvelé la curie en plaçant ses hommes. Certains prélats, dont les désaccords avec le pape étaient de notoriété publique, sont également restés comme le cardinal Re, préfet de la congrégation pour les Evêques. Mais il serait réducteur de penser que le pouvoir du pape se mesure à sa capacité à contrôler la curie romaine. Depuis des siècles, l'administration du Vatican est le lieu le plus secret et discret du monde. La seule nouveauté c'est que ses crises internes sont désormais connues publiquement.

Le manque d'autorité du pape dans l'Affaire Vatileaks

L'exemple le plus concret, c'est l'affaire Vatileaks qui a éclaté en mai 2012, avec la révélation d'un réseau de corruption et de favoritisme lié à des contrats signés à des prix excessifs avec des partenaires italiens. "Le pape a lui même souhaité prendre des décisions qui n'ont jamais été mises en œuvre", affirme Jean-Dominique Durand. Il soulève ici le manque d'autorité du pape envers sa propre administration. Le cardinal Pell a indiqué lui aussi qu'une autorité nouvelle sera un enjeu évident pour le futur pape "il devra être capable d'élever la morale de la curie romaine, et peut-être y renforcer la discipline".

Le lobby gay, l'affaire de trop ?

Plus récemment, ce sont les révélations de la Repubblica qui ont durement frappé le Vatican : un "lobby gay" aurait exercé des pressions auprès de certains prélats, dans le contexte du scandale de Vatileaks (voir article). Les conclusions de ce rapport ultra-secret de trois cardinaux auraient amené le pape à démissionner. Dans un communiqué publié ce samedi 23 février, le Vatican a réfuté toutes les allégations de scandales financiers et sexuels dans la curie romaine. Il les qualifie de "fausses informations", visant à "conditionner le futur conclave". Monseigneur Barbarin, précise dans Le Point qu'il ne dispose d'aucune information à propos de ce lobby et "préfère s'en tenir à ce que le pape lui-même a dit". Préférer n'est pas confirmer.

Mais le mal est fait. Les cardinaux seront 116 à élire le nouveau pape et non 117, comme initialement prévu. Pour quelle raison ? Le primat d'Ecosse, Keith O'Brien vient de démissionner, accusé par quatre prêtres d'avoir eu envers eux "des comportements indécents" dans les années 80. D'autres prélats seraient jugés indignes de participer à ce conclave. Dans son dernier discours, Benoît XVI a prononcé des mots forts. Le Vatican doit évacuer ses propres dysfonctionnements. La curie romaine paraît parfois éloignée des préoccupations premières du milliard de catholiques dans le monde.

Si l'Eglise reste une institution religieuse, elle est aussi devenue une maison politique avec son lot d'intrigues, de révélations et de scandales, révélé par une communication galopante. La tâche du prochain pape s'annonce ardue : réussir à dompter cette curie romaine rongée par ses propres travers et asseoir un véritable pouvoir politique. Sans oublier son devoir premier : assurer l'unité de l'Eglise catholique dans la foi.

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