Sous la rue Delandine, dans le 2e arrondissement de Lyon, s’étend un tunnel d’une soixantaine de mètres recouvert de peintures murales, réalisées par des prisonniers à la fin des années 1980. (Photo Hadrien Jame)

Journées du patrimoine : aux racines du street-art lyonnais dans un souterrain du 2e arrondissement

À l’occasion des Journées du patrimoine, Lyon Capitale vous emmène à la découverte des racines du street-art lyonnais, dans les entrailles des anciennes prisons Saint-Joseph et Saint-Luc, dans le 2e arrondissement. Une plongée dans un souterrain d’une centaine de mètres où les prisonniers s’évadaient par la peinture. 

Nous croirez-vous si l’on vous dit qu’au niveau du numéro 17 de la rue Delandine, sous la route qui sépare les anciennes prisons Saint-Joseph et Saint-Luc se cachent des Picasso, Monet ou encore Modigliani. Peut-être pas et vous auriez raison, tout du moins en partie, car s’il n’y a effectivement pas d’originaux de ces grand-maîtres cachés dans les entrailles du 2e arrondissement de Lyon, il y a revanche des reproductions de certaines de leurs oeuvres aux côtés de grandes fresques réalisées par des prisonniers et restées cachées jusqu’à aujourd’hui.

Dès l'entrée cette oeuvre de Didier Chamizo saisit le visiteurs par ses scènes de violence. "Ce n’est pas un Robin des Bois Chamizo", confie notre guide Vincent Robert. (Photo Hadrien Jame)

À l’arrière du bâtiment de l’Université catholique de Lyon, qui se dresse désormais sur les vestiges de l’ancienne prison Saint-Paul, juste avant de passer les portes de la prison Saint-Joseph une petite porte à l’aspect anodin cache l’entrée d’une volée d’escaliers qui mènent quelques mètres sous terre dans un sous-terrain qui n’a pas bougé depuis la fermeture des deux prisons en  2009. 

Des prisonniers précurseurs du street-art

Derrière la grille qui barre aujourd’hui l’accès à un couloir d’une centaine de mètres, dont seulement soixante sont accessibles, le temps semble s’être arrêté, comme figé au temps où les prisonniers y passaient en revenant de l’écrou et lorsque le service des cantines de la prison y faisait circuler ses chariots. Au premier coup d’oeil, plongé dans la pénombre, l’endroit qui ouvre pour la première fois au public à l’occasion des Journées du Patrimoine n’a guère d’attrait. Un sentiment vite écarté dès lors que notre guide du jour braque son projecteur sur les murs du tunnel.

Des reproductions d'oeuvres de Picasso, Monet pu encore Modigliani côtoient les fresques pensées par le prisonniers. (Photos Hadrien Jame)

Sous les yeux du visiteur se révèlent alors les oeuvres réalisées lors de l’été 89 par une équipe de prisonniers. Emmenés par un artiste originaire de Saint-Étienne, incarcéré en 1975 après avoir attaqué une banque stéphanoise puis de nouveau en 1981, en quelques mois ils réalisent des reproductions d’oeuvres de Picasso et Monet, peignent de grandes fresques évoquant la liberté ou encore la guerre, au milieu d’oeuvres plus travaillées, plus marquantes. Sur celle-ci on sent la patte de l’artiste plus confirmé, de "Didier Chamizo", glisse notre guide Vincent Robert, membre du Comité d’intérêt local (CIL) Lyon Presqu’île du Sud, à l’origine de l’ouverture du tunnel pour les journées du patrimoine. 

Les inspirations de Chamizo sont nombreuses et se traduisent sur ses fresques. (Photo Hadrien Jame)

"C’est un des novateurs dans le street art", confie avec passion Vincent Robert en parlant du leader de cet atelier de peinture. Élève de l’école de Beaux-Arts de Saint-Étienne marqué par mai 68, il fait transparaître dans ses peintures murales son anarchisme, son côté voyou, la vie de la prison, le contexte politique de l’époque … "Ce n’est pas un Robin des Bois Chamizo, mais c’est un de ceux qui a contribué à donner ses lettres de noblesse à cet expressionnisme [le street-art, NDLR]", explique M. Robert. 

Faire revivre une histoire oubliée

Un voyou finalement devenu "mondialement connu". Après son passage dans les prisons de Lyon, Chamizo se fait un nom et travail notamment pour le compte de la fondation Balenciaga, expose à Abu Dhabi, à New York, en Indonésie ou encore à Paris aux côtés de Jeff Koons, sans délaisser pour autant sa ville de Saint-Étienne. 

Au côté des oeuvres de Didier Chamizo s'étalent celles de son équipe de prisonniers, certaines évoquant des scènes de liberté. (Photo Hadrien Jame)

En près de 40 ans, les oeuvres que l’artiste a réalisées sous la rue Delandine ont fait les frais du temps, laissées à l’abandon et à l’humidité qui s’empare parfois du tunnel. "J’ai relancé trois fois monsieur Chamizo pour l’alerter. Mais il ne répond pas, c’est peut-être douloureux pour lui", s’interroge Vincent Robert qui, avec le CIL, cherche aujourd’hui, grâce aux Journées du Patrimoine, à faire découvrir cette histoire oubliée des prisons Saint-Joseph et Saint-Paul et à préserver ces peintures.


Infos pratiques pour les Journées du patrimoine : 

  • Samedi 17 septembre de 14 à 18 heures et dimanche 18 septembre de 14 à 18 heures. Visite guidée sans -réservation. 
  • Adresse : 17 rue Delandine, Lyon 2ème.
  • Contact : 06 09 60 76 35 / vjrobert(at)wanadoo.fr

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