Jéhovah Watchtower
Le siège de la Watchtower Bible des Témoins de Jéhovah

Abus sexuels : la règle du silence des Témoins de Jéhovah

William H. Bowen, ancien Témoin de Jéhovah

ENTRETIEN – William H. Bowen a passé 43 ans chez les Témoins de Jéhovah américains, dont 15 en tant qu’“ancien”, l’équivalent d’un ministre du culte. Suite à la découverte d’abus sexuels sur mineurs commis au sein de l’organisation, connus et cachés par la direction de cette dernière, il a quitté les Témoins pour fonder Silentlambs (les “Agneaux silencieux”, l’agneau symbolisant les victimes réduites au silence), une association de victimes d’abus sexuels au sein de l’organisation des Témoins de Jéhovah.

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Lyon Capitale : Vous avez passé une grande partie de votre vie chez les Témoins de Jéhovah, qu’est-ce qui vous a subitement poussé à vous en séparer ?
William H. Bowen : Un “ancien” avait avoué avoir commis des sévices sexuels sur un enfant. Pendant presque un an, j’ai tenté d’en faire état aux instances judiciaires gouvernementales. Mais le service juridique de Watchtower [l’entité juridique des Témoins de Jéhovah, NdlR] m’a dit de laisser les Témoins gérer la question : autrement dit, de ne rien faire, et malgré de nouvelles preuves d’autres abus. Ce jour-là, j’ai donné ma lettre de démission.

En matière d’abus sexuels sur mineurs, quelles sont les règles en vigueur chez les Témoins de Jéhovah ?
“Si l’accusation est niée, les anciens devront expliquer au plaignant qu’ils ne peuvent rien faire de plus dans le domaine judiciaire. Et la congrégation continuera de tenir l’accusé pour innocent”, explique la Watchtower. “Même si plusieurs plaignants se “souviennent” avoir subi des sévices de la même personne, la nature de ces souvenirs est en soi trop incertaine pour servir de fondement à des décisions judiciaires s’il n’y a pas d’autres éléments à charge.”
La politique des Témoins de Jéhovah prévoit que les informations concernant les pédophiles restent confidentielles. Les pédophiles sont protégés par une loi du silence et restent, dans bien des cas, dans leur fonction, tandis que leurs victimes souffrent en silence ou se voient imposer des sanctions qui peuvent aller jusqu’à l’exclusion. Cette politique est à mon sens contraire à l’éthique et à la moralité.

Si un violeur nie une accusation de viol portée contre lui, que se passe-t-il ?
Il reste innocent, et ne pourra faire l’objet ni de discussions ni d’accusations au sein de la congrégation.

Si une victime, ou sa famille, tente de dénoncer les faits, quels risques encourt-elle ?
Elle peut être excommuniée pour cause de calomnie à l’encontre de l’homme, déclaré innocent.

Vous avez publié sur votre site Internet une base de données propre aux Témoins de Jéhovah, faisant état de 23 720 cas d’agressions sexuelles et de viols. Comment y avez-vous accédé ?
Au printemps 2002, j’ai été contacté par trois personnes différentes, et de manière séparée, faisant partie des Témoins de Jéhovah, qui m’ont donné un certain nombre d’informations, notamment concernant le nombre de témoignages, recueillis par la secte elle-même, de membres qui se sont confessés. Ce ne sont pas des suspicions, ce sont des personnes qui ont avoué à la secte avoir abusé des enfants.

Que contient ce fichier ?
Y sont consignés tous les détails de l’affaire, dont la date de naissance du pédophile, ce qui s’est passé, l’âge de la victime, les lieux, les dates des attouchements, leur nombre, etc. Ces détails sont ensuite saisis sur un ordinateur au siège pour un archivage permanent, et peuvent être ressortis à tout moment, par les personnes autorisées, en cas d’infraction ultérieure. En 2002, le fichier énumérait 23 720 cas. Aujourd’hui, j’estime que la base de données contient bien plus de 40 000 noms d’agresseurs d’enfants. Si on fait un ratio par rapport au nombre de Témoins de Jéhovah dans le monde, on arrive à un cas de viol toutes les quatre congrégations. En France, où on recense 1 500 congrégations, si on applique ce ratio, cela fait environ 375 cas possibles de viols confessés.

Le siège mondial des Témoins de Jéhovah reconnaît-il l’existence de cette base de données ?
Oui, dans un courrier à l’intention de la BBC, ils en ont reconnu l’existence, tout en affirmant qu’il n’y avait pas de sens à citer le chiffre exact...

Pourquoi une telle omerta ?
Cela ne sert qu’à protéger l’organisation. On souhaite que les anciens aient la maîtrise totale de tout.

L’année dernière, aux États-Unis, les Témoins de Jéhovah ont été reconnus coupables d’avoir sciemment passé sous silence des actes d’abus sexuels sur mineur. Que se passera-t-il si la condamnation est confirmée en appel ?
Ils devront payer, mais pour eux c’est une paille financièrement. On estime les dommages et intérêts entre 9 et 10 millions de dollars. Là encore, des coffres sans fond – avec des dons par milliards – leur permettent un financement juridique illimité. Et la vieille politique continuera à mettre les enfants en danger. Ils préfèrent garder le contrôle au lieu de protéger les gosses.

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Le siège de la Watchtower Bible des Témoins de Jéhovah, à New York © Wikimédia

Le siège de la Watchtower Bible des Témoins de Jéhovah, à New York © Wikimédia

Jéhovah, un dieu qui a du cash

En juin 2012, le patrimoine immobilier de la Watchtower Bible & Tract Society of New York Inc., l’entité juridique
et d’édition des Témoins de Jéhovah, s’élevait à environ 1 milliard de dollars, pour près de 3,2 millions de mètres carrés. Avec une réserve de cash de plus de 30 millions de dollars (pièce citée lors du procès de Candace Conti, en 2012, par les avocats des Témoins de Jéhovah). Car la société est avant tout une multinationale d’édition, employant 3 400 personnes et distribuant 23 millions de copies de son best-seller, Watchtower (la Tour de Garde), en hausse de 7,5 % chaque année. Ses revenus annuels frôleraient le milliard de dollars.

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