SNCF rails
Photo d’illustration. © Tim Douet

Retards à la SNCF : l’étrange loi des séries

Grèves en cascade, suivies parfois d’incidents techniques voire d’incendies qui sèment le chaos sur les lignes de chemin de fer… Simple coïncidence ou actes de cheminots en colère ? La police enquête. Et si la réduction des effectifs pouvait tout expliquer ?

Les grèves de contrôleurs se sont multipliées ces dernières semaines à la SNCF, à des dates qui ne devaient rien au hasard : autour du vendredi 19 avril (début des vacances de printemps à Lyon), ou le weekend du 11 mai (pont du 8 mai et de l’Ascension). Sans oublier le dimanche en seconde moitié de journée, moment où les rails lyonnais sont les plus fréquentés d’Europe, ainsi que le rappelait récemment le porte-parole de la SNCF à l’AFP : “Cela arrive de tous les côtés, il y a un TGV toutes les 3 minutes : quand vous touchez à Lyon, vous touchez la France entière.”

Or, il arrive qu’un mouvement de grève aux conséquences sur le trafic limitées, comme ce fut le cas du 18 au 20 avril, soit suivi d’un incident technique aux effets nettement plus lourds. En l’occurrence, un vol de câbles aurait entraîné, en milieu de journée le dimanche, un court-circuit et un incendie dans des installations techniques électriques à Lyon/Saint-Clair (Caluire).

“Les cheminots ne sont pas assez désespérés pour saboter le matériel”

La SNCF a conclu à un acte de malveillance. Mais s’agit-il seulement d’une coïncidence ? Des cheminots auraient-ils provoqué un court-circuit, histoire de donner de l’ampleur à un mouvement de grève qui n’aurait pas eu le retentissement escompté ? La direction de la SNCF à Lyon ayant porté plainte, elle ne commentera pas une enquête en cours. Elle estime néanmoins que “les cheminots ne s’attaquent pas à leur outil de travail”.

Du côté des syndicats eux-mêmes, on fait valoir plusieurs arguments en défaveur de cette idée. “Les vols de câbles ont toujours existé, mais ils se sont multipliés depuis qu’il y a de moins en moins de monde dans les gares”, assure Philippe Chabin, ancien secrétaire du comité d’établissement Clientèle de la SNCF à Paris, qui connaît bien la CGT pour y avoir passé vingt-cinq ans. “Des dizaines de kilomètres de voies demeurent non clôturées et non surveillées !” dénonce-t-il.

Un sabotage de l’outil de travail est-il réellement impossible ? “Cela a existé durant les grandes grèves, répond Philippe Chabin. Mais aujourd’hui les cheminots, même grévistes, sont attachés à leur entreprise. Ils ne sont pas assez désespérés pour saboter le matériel.

SNCF à Caluire : de la voiture-bélier au vol de cuivre…

Pour Jean-Pierre Journoud, conducteur au fret et élu Sud-Rail, un acte de malveillance par des cheminots est “à 98 % impossible”. À cela, une raison technique toute simple selon lui : “La grève de la mi-avril était menée par des contrôleurs. Or, ils ne sont pas spécialistes en câbles ni en électricité. En fait, très peu de gens à la SNCF seraient capables de cette opération ! Et puis, il y a des moyens plus simples de retarder un train…

Le délégué Sud-Rail souligne lui aussi la montée en force des vols de cuivre mais y ajoute un élément plus local : “On a connu des problèmes dans ces mêmes installations voici plusieurs années. Une voiture-bélier avait même été utilisée…” Et Jean-Pierre Journoud de s’étonner : “Cet endroit est stratégique, avec plusieurs voies, notamment de TGV. La SNCF avait en principe blindé la surveillance du lieu après l’incident de la voiture-bélier. Je ne comprends pas ce qui a pu se passer.”

Les installations électriques de la SNCF sont-elles suffisamment surveillées ? Certains, en tout cas, font porter à l’entreprise la responsabilité des incidents qui émaillent le réseau et engendrent parfois de titanesques retards pour les usagers. Des incidents dus à des actes de malveillance ou simplement à des problèmes de maintenance, comme le hic électrique qui a jeté le chaos au début du pont du 8 mai. La SNCF aurait-elle sacrifié l’usager sur l’autel des économies ? L’Association des voyageurs-usagers des chemins de fer (Avuc) s’interroge ainsi sur “la capacité de la SNCF à faire circuler tous ses trains”.

Une grève au bon moment réduit la capacité de la SNCF à régler les problèmes avec un maximum d’efficacité. Ajoutez à cela la réduction des effectifs, qui engendre une multiplication des incidents techniques et des actes de malveillance, et vous voyez que la loi des séries, parfois, s’impose avec une logique implacable.

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