"Obama ? Connais pas !"

Un véritable engouement, comme partout ailleurs en France. Les Français sont sous le charme du sénateur de l'Illinois. Et un petit refrain commence à se faire entendre : Obama suscite l'enthousiasme général dans les banlieues et serait vécu comme une chance par la France "Black-Blanc-Beur". Pas si sûr.

La France est le pays le plus "obamaniaque" du monde. 84% des français qui suivent les élections américaines disent vouloir accorder leur confiance à Barack Obama, selon une enquête réalisée par le Pew Research Center*. Des comités de soutien fleurissent un peu partout dans le pays. Et Lyon est sans doute l'une des villes les plus folles d'Obama avec plus d'un millier de sympathisants déclarés. La particularité française de l'obamania est de relancer le débat sur la diversité. Car l'enthousiasme pour le candidat démocrate cache en réalité l'espoir déçu de la fraternité "Black-Blanc-Beur".

Ils sont nombreux à observer le parcours d'Obama comme le miroir tendu aux blocages de la société française vis-à-vis de sa jeunesse issue des quartiers. Obama représente les fantasmes d'une France qui se rêve riche de sa diversité, hospitalière pour les identités métisses et fière de son melting-pot. "Où sont les Obama de France ?" s'interroge d'ailleurs Mustapha Ghouila, vice-président du comité des amis lyonnais de Barack Obama. Dans Le Nouvel Observateur du 5 juin, un reportage sur le soutien de la jeunesse des quartiers à Obama titrait "Cherche Obama français désespérément". La banlieue aurait trouvé son héros. Une sorte de Martin Luther King teinté de John Kennedy. Car Obama aurait, paraît-il, provoqué un sursaut militant dans les quartiers. Son destin hors normes serait vécu comme un rêve éveillé par la jeunesse des cités. L'historien François Durpaire et Jean-Claude Tchicaya, porte-parole du collectif Devoirs de Mémoires, expliquent que les jeunes de banlieue "vivent l'avènement d'Obama sur le mode du mythe compensateur. Ils font de l'ascension de ce fils d'immigrant africain, élevé dans une famille modeste, le symbole d'une mobilité sociale qu'ils ne connaissent pas."** La réalité ne donne pas toujours raison à cette interprétation.

Car au pied d'une barre de la Duchère, c'est le nom même de Barack Obama que les jeunes semblent ne pas connaître. "Obama ? Connais pas." lâche Kader. Ses copains rigolent. Quelques-uns reprennent la question : "Obania ?" "Obaniane ?". Ali, un jeune noir imposant d'1m 90, corrige tout le monde : "O.ba.ma ! C'est le gars qui a battu la femme là. Vous regardez pas la télé ou quoi !". La réponse de Kader ne se fait pas attendre : "Si, MTV !". Pour chambrer Ali, Halim lui lance : "Toi, c'est normal que tu connaisses Obama, t'es un négro comme lui !". Rire général. "Pour nous, Obama, il va rien changer. Ça va peut-être changer l'Amérique, c'est tout. Par contre, on peut parler de Sarkozy ! Là, y'a à dire" relance Rachid. "Ça montre qu'en Amérique, y'a pas de racisme. Mais en France, ça changera rien. De toute façon, ça m'étonnerait qu'il passe. Pour moi, c'est pas un espoir " reprend Halim. Un membre du comité lyonnais de Barack Obama concède que c'est dans les lycées que l'attraction du sénateur noir est la plus forte. Mais là encore, l'origine sociale et la couleur de la peau n'y sont pour rien. Pour Olivia, 15 ans et originaire du Togo, "le fait qu'il soit noir et africain ne change rien. Il pourrait être d'origine asiatique, ce serait pareil. L'important est qu'il ait des idées. Il est jeune. C'est un œil nouveau pour l'Amérique".

La France connaît Rachida Dati, Rama Yade, Fadela Amara, Azouz Begag ou encore Tokia Saïfi. Tous ministres. La jeunesse de banlieue n'a pas démontré de ferveur particulière à l'égard de ces réussites de la diversité "made in France". A la Duchère, à l'exception de MTV, le "made in USA" ne paraît pas les émouvoir davantage.

Slim Mazni

*Enquête téléphonique réalisée sur 754 Français déclarant suivre les élections américaines. Résultat complet sur : www.pewresearch.org/pubs/867/global-economic-gloom

** "Obama séduit la banlieue", Libération du 13 mai 2008.

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