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2002-2012 : bilan de la sécurité à la Duchère

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DOSSIER - Les ministres de l'Intérieur et de la Justice se rendent ce lundi à la Duchère pour dresser un bilan des zones de sécurité prioritaires, créées en juillet 2012. Nous avions publié en début d'année un zoom sur l'effet du grand projet de ville aux trois quarts accompli. Oui, le quartier a changé. Et pas seulement ses bâtiments : la délinquance a reculé à la Duchère, comme en attestent les statistiques que nous nous sommes procurées. Les crimes et délits ont baissé de 33 % en dix ans. Mais des difficultés demeurent, notamment au Château.

Article du 4 février 2013.

- 78 % des cambriolages, - 28,6 % des vols avec violence, + 89 % de taux d'élucidation : les chiffres communiqués par la préfecture à l'occasion des trois mois de mise en œuvre de la zone de sécurité prioritaire de la Duchère sont flatteurs. Mais le dispositif, qui se traduit notamment par des renforts quotidiens de CRS, de la BAC, de la Compagnie départementale d'intervention ou encore de la brigade canine, est beaucoup trop récent pour en faire le bilan. En revanche, celui du Grand Projet de ville peut être tiré. Ce sont quelque 750 millions d'euros qui auront été injectés en une douzaine d'années sur la 3e colline de Lyon, soit en financements publics, soit en opérations privées.

70 % du programme réalisé

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© Lambert Segura

À ce jour, 1340 logements ont été réduits en poussière, tandis que 872 nouveaux ont surgi de terre. La part de logement social est passée de 80 à 60 % sur l'ensemble du quartier. Le pari tant du ministère de la cohésion sociale de l'époque que du maire de Lyon : faire tomber insécurité, violence et trafic en même temps que tombait cet urbanisme ghetto, incapable de produire du vivre ensemble. Aujourd'hui, 70 % du programme a été réalisé. Pour quel bilan ?

Une rétrospective s'impose. À la fin des années 90, la Duchère est le point noir de l'insécurité à Lyon voire dans l'agglomération. Le quartier est associé aux émeutes de l'hiver 1997-1998 comme Vaulx-en-Velin l'avait été à celles de 1990, produites toutes deux par un fait divers tragique. Le 18 décembre 1997, Fabrice Fernandez, 24 ans, était abattu dans le commissariat du 9e arrondissement. Deux nuits de guérillas s'en étaient suivies. Et des mois de tension avec les forces de police. "Dès qu'on patrouillait, on était systématiquement insultés, encerclés. On nous jetait des projectiles", se rappelle Isabelle Mercier qui était alors commissaire en charge du 9e arrondissement et actuellement directrice de la police municipale. Elle raconte qu'il était alors fréquent que les lignes de bus n'aillent pas jusqu'à leur terminus.

Véhicules brûlés : 103 en 2009 à 51 l'an dernier

Qu'en est-il aujourd'hui ? La Duchère n'est plus le point noir de l'insécurité de l'agglomération. Elle ne l'est même plus sur Lyon, où Mermoz-Pinel cause plus de fil à retordre aux forces de l'ordre. Ce constat est corroboré par les chiffres. Nous nous sommes procurés les statistiques de l'évolution de la délinquance dans le quartier sur dix ans. Véhicules volés : 112 en 2002, 13 en 2011. Incendies et dégradations : 170 en 2002, 100 en 2011. Vols avec violence : 85 en 2002, 29 en 2011. Seules les violences volontaires progressent, de 92 à 101. Quant aux fameux véhicules brûlés, indicateur qui agrège les émeutes urbaines et les arnaques à l'assurance, ils sont passés de 103 en 2009 à 51 l'an dernier. En particulier aucun feu automobile n'a été à déplorer durant la dernière nuit de la St-Sylvestre. Au total 1 200 crimes et délits avaient été répertoriés à la Duchère en 2002, contre 800 en 2011 - soit une baisse de 33 %, contre - 14,7 % au niveau national.

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© Lambert Segura

"Quand j'ai commencé à travailler ici, parfois le matin des voitures calcinées pendant la nuit se trouvaient encore sur le parking. Je n'en ai pas vues depuis longtemps", explique Lidwine, coiffeuse. "Le quartier s'est transformé. De nouvelles familles avec leurs enfants s'installent désormais à la Duchère. Cela ramène de la vie", confirme Brigitte, Duchéroise historique (lire ici). De leur côté, les TCL ont enregistré 25 jets de projectiles provoquant des bris de glace en 2012, contre 68 en 2007. Et 5 agressions sur chauffeur en 2012, contre 13 en 2002. Par comparaison, 15 actes de ce type ont été recensés l'an dernier à Vaulx-en-Velin, sur l'intégralité du territoire communal, soit 4 de plus que dix ans plus tôt. "Nous avons travaillé avec la mairie pour dégager l'environnement de l'arrêt Capucines, qui était entouré de bosquets, explique un cadre de Keolis. On retrouve un peu de sérénité à la Duchère. Même si ça peut partir plus rapidement que dans certains autres quartiers".

Problèmes au Château

En effet, si la tendance au long cours est favorable, la Duchère est en proie à des rechutes passagères. En mai 2010, le local du Grand projet de Ville avait essuyé des jets de pierre, tout comme la nouvelle bibliothèque. Un policier municipal avait été volontairement renversé par un deux-roues. Ces actes avaient été perçus comme une réaction de jeunes à une métamorphose du quartier qui leur échappait. L'intrusion de nouveaux habitants, supposés faire vivre une plus grande mixité sociale, n'a pas toujours été bien vécue. Des tags "on est chez nous" avaient été observés sur les résidences neuves. En mai 2012, la future halle Diagana, alors en construction, était vandalisée. Avec des tags similaires. Des vagues de caillassages de bus surviennent parfois, comme entre janvier et mars de l'an dernier, notamment sur la ligne C14. Mais pas avec la même fréquence qu'il y a dix ans.

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© Lambert Segura

Pour la commissaire Kling, deux problèmes restent à régler. Les rodéos en motocross les soirs d'été. Et les regroupements en bas d'immeuble, notamment au Château. Tout comme la Sauvegarde, celui-ci est resté à la remorque du Grand Projet de ville. La part de logements sociaux demeure écrasante (lire ici), et les problèmes de délinquance restent posés. Au Château, la configuration des lieux paraît idéalement conçue pour les délinquants, avec ses traboules, ses caves, ses coursives et ce terrain en pente qui permet aux malfaiteurs de guetter l'arrivée des forces de l'ordre. Aujourd'hui, le bailleur, l'Opac du Rhône, s'emploie à fermer les accès aux caves et à condamner les portes qui permettent d'accéder à l'esplanade. Huit agents assurent aussi une veille, chaque jour, de 17h à 2h du matin.

Si le Plateau semble avoir tourné le dos à ses années noires, à la faveur notamment d'un renouvellement de l'urbanisme, celui-ci reste à accomplir dans les sous-quartiers adjacents. La police appelle aussi à une mobilisation citoyenne. Trop peu d'appels sont faits au 17, pour signaler les problèmes, sans doute par peur de représailles. "Et pourtant les gens ne sont pas obligés de donner leur identité", précise la commissaire Kling. "Il y a, dans certaines conditions, la possibilité de témoigner sous X", complète Isabelle Mercier.

Lire aussi : "Elargir le Grand Projet de Ville au Château et à la Sauvegarde ?"

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