Quenelle de brochet aux écrevisses

Les anciens grands chefs lyonnais guest-stars de La Voûte chez Léa

La mythique Voûte chez Léa organise, jusqu'à samedi, La Semaine des Grands Chefs où comment (re)goûter la cuisine d'anciens chefs lyonnais de renom.

Depuis lundi, les grands chefs qui ont fait la renommée de la cuisine lyonnaise bourgeoise se succèdent aux fourneaux de La Voûte chez Léa (2e) pour faire redécouvrir les plats emblématiques de leurs cuisines.

Menus à 42 euros. Midi et soir.

Mardi 26 janvier - Philippe Rabatel (La Voûte chez Léa)

- Pâté en croûte de lièvre et foie gras

- Pigeonneau rôti aux gousses d'ail en chemise

- Gratin de pêche de vigne mère Léa

Mercredi 27 janvier - Roger Douillet (Chez Roger Douillet, Les Echets)

- Grenouilles poêlées comme en Dombes

- Volaille fermière à la crème

- Tarte fine aux pommes

Jeudi 28 janvier - Christian Bourillot (Francotte)

- Quenelle de brochet des Dombes sauce Nantua

- Carré de veau farci et champignons

- Clafoutis aux framboises et son coulis

Vendredi 29 janvier - Daniel Léron (Daniel et Denise)

- Terrine de coquilles Saint-Jacques chaude, crème de ciboulette

- Filet d'agneau en croûte, farci d'une rognonnade, ratatouille chorizo et les célèbres pommes sautés DD (Daneil et Denise)

- La pomme bonne femme cuite entière garnie d'une crème pralinée

Samedi 30 janvier - Robert Duffaud (Le Vivarais)

- Mousse de truite, beurre émulsionné champagne et écrevisses

- Rognon de veau émincé, sauté, sauce Madère

-Le gâteau de riz, marmelade d'orange

> La Voûte chez Léa. 11, place Antonin Gourju. Lyon 2e (vers la place des Célestins). 04 78 42 01 33.

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Article paru dans le numéro de décembre 2014 de Lyon Capitale

La voûte, ça tourne

C'est sans doute l'un des derniers sanctuaires de la cuisine lyonnaise. Si le nom de La Voûte se perd dans la mémoire des cafés et bistro de quartiers, celui de Chez Léa remonte à 1943. En 71 ans, la table mythique de la dernière mère lyonnaise, n'aura connu que trois propriétaires. Des sortes de passeurs d'une cuisine un brin désuette et muséale mais si régressive.

"Attention faible femme mais forte gueule". Qui se souvient de Léa Bidault ? Pas grand monde à dire vrai. C'est la pancarte accrochée à sa charrette à bras qui restera. Le folklore en quelque sorte.

Chaque matin, la "mère Léa" écumait les cinq cent mètres du marché Saint-Antoine, entre les ponts de deux autres illustres hommes Bonaparte et Maréchal-Juin. C'est sur les bords de Saône qu'elle venait faire ses emplettes pour la journée, à deux pas de son restaurant, sur le petite place Antonin Gourju. Avec sa casquette blanche ajustée sur un châle qui lui enveloppait la nuque et une bonne partie de la tête, son carton cloué sur sa brouette, la petite bonne femme ne passait pas inaperçu. "La mère Léa, fallait pas trop l'enquiquiner sous peine qu'elle vous fiche à la porte sans y mettre les formes !" raconte Philippe Rabatel, qui l'a bien connue pour avoir repris sa boutique.

De Schneider au marché noir

Bref, la mère Léa, est un mythe. Son nom circule encore aujourd'hui sous le manteau. Née Bidault, dans une famille pauvre, Léa voit le jour en 1908, au Creusot, en roulant les "r". Jusqu'à ses 14 ans, elle est employée chez les Schneider, la famille fondatrice de la ville qui fonda les aciéries du Creusot au XXIe siècle. Autrement dit, elle a fait comme beaucoup de jeunes filles démunies : elle a été cuisinière en maison bourgeoise, avant de se mettre à son compte. Pour tout bagage, Léa avait une paire de sabots et une robe. Ni plus, ni moins. On raconte qu'elle finira millionnaire (ou presque) et qu'elle fréquentait les meilleurs couturiers lyonnais. Bref.

La jeune apprentie cuisinière, qui semble avoir hérité d'un authentique don pour la bonne chère, part approfondir son talent dans plusieurs restaurants de la région avant d'atterrir à Lyon, en Presqu'Ile, dans les années 30. Ce sera sa première affaire, dont le nom est tombé dans les oubliettes de ses marmites. L'adresse, en revanche, se fera une petite réputation, à tel point qu'un certain, Daniel Léron reprendra la boutique, qui deviendra Daniel & Denise (avant de déménager rue de Créqui, dans le 6e). La mère Léa restera dix sept ans, avec son gendre, sa fille et ses deux sœurs. Avant de se voir infliger une interdiction d'exercer d'un an pour avoir acheté au marché noir.

Le gratin sous la voûte

Léa, qui n'a jamais vu autre chose que Lyon, l'andouillette et sa Bourgogne, en profite pour partir en voyage. Quand elle revient à Lyon, elle s'installe sur la petite place Antonin Gourju, en retrait du quai des Célestins, en rive gauche de la Saône. Si l'on connaît plus celles de Perrache, la voûte est ici surmontée d'une vierge (pour marquer l'entrée de l’ancien couvent des Célestins) et flanquée de deux cafés comptoir. Côté nord, Au Réveil Lyonnais, et côté est, À La Voûte - Salle de sociétés et réunions en étage, Comptoir Jean Marie en rez-de-chaussée. Ce sera sur ce dernier que Léa Bidault portera son dévolu.

On est alors en 1943. Quand les Allemands font sauter le pont Bonaparte tout proche, un an plus tard, le plafond du bistrot et toute la vaisselle n'y résistent pas. En 1945, la matronne se sépare de son associé. Ce sera Restaurant Léa. Aucune discussion possible. L'adresse devient hautement recommandable. Toutes les grandes familles lyonnaises viennent goûter son estimable poulet au vinaigre de vin vieux, son tablier de sapeur-gratin de macaronis, sa salade de pissenlits aux groins d'âne, son canard au sang et son gigot d'agneau enduit, vingt quatre heures durant, de moutarde, filets d'anchois écrasés, sauge, basilic, romarin et ail pilé. Sans oublier la choucroute au champagne ! Les Girerd croisent les Mérieux, les Berliet, les Streichenberger et les Perrier. Toute la magistrature (le Tribunal pour enfants faisait alors l'angle avec la rue Chambonnet) - avoués, juges, avocats - venait s'y encanailler, faisant du coude-à-coude avec les grands professeurs de médecine.

À poils et à plumes

"Ça marchait du tonnerre. Les bons jours, il y avait jusqu'à soixante personnes qui faisaient la queue sous la voûte" se rappelle Phillipe Rabatel qui a bien connu la mère pour avoir travaillé avec elle avant de reprendre son restaurant. Rabatel, c'est un certain Bocuse qui lui a conseillé un jour. C'était l'époque où Monsieur Paul faisait encore les castings lyonnais. "La mère Léa vend. C'est pour toi !". On ne discutait pas. "Tu sais baisser la tête et tu sais garder tes poings dans les poches, tu seras bien chez Léa". Rabatel opine du chef.

L'ancien cuisiner personnel du Gouverneur de Lyon connaîtra les heures de gloire (modernes) de La Voûte. Son pêché mignon : la chasse. Bien que pour lui, le meilleur moment soit plus le coup de feu que le coup de fusil. Tous les gibiers y passent. Avec une prédilection pour le lièvre et le perdreau jusqu'à la fin novembre, le faisan et le marcassin ensuite. Ce dernier marine cinq jours dans du vin blanc moelleux et une garniture aromatique (carotte, oignon, échalotes, ail, sauge, baies de genièvre, racine de gingembre). La pièce, égouttée, revient dans une cocotte, est arrosée de miel puis passe au four. A mi-cuisson, la viande est mouillée mi-garniture mi fond-brun. Le tout est servi avec des coings et du gingembre confits et des cèpes poêlés au persil. A La Voûte, les gibiers à poils et à plumes arrivaient frais. Et rien ne se jetait. Dans l'assiette du perdreau, un croûton doré sur lequel gisait quelques abats puissants. Et les gratins de cardons et de macaronis à la crème.

Boulud, Têtedoie sur le coup

2 janvier 2013. Philippe Rabatel arrête, après "33 kilos de bons et loyaux services" dira le maire du 2e, lui remettant la médaille de la Ville. Trois MOF, la crème de la crème des chefs, sont sur le coup. Notamment le Lyonnais exilé à New York Daniel Boulud. C'est finalement Christian Têtedoie qui raflera la mise. Pour l'anecdote, c'est le premier restaurant où dîna le cuisinier étoilé. Et hasard de la vie, sa fille s'apelle Léa. La boucle est bouclée. "Chez Léa, c'est un sanctuaire de la cuisine lyonnaise, dit-il. Cette maison appartient aux Lyonnais. On ne change rien" explique le chef étoilé. Toujours la même déco surannée, ramenant au bon temps des auberges de campagne : nappe rose trémière, murs vilipendés par le temps, grandes toiles de paysage genre L'Auberge sous la neige ou Le chasseur à courre et la bergère dans les bois. Une sorte d'authenticité

Pour paraphraser Pierre Scize, l'important n'est pas de refaire ce qui a été fait mais de retrouver l'esprit.

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Encadré

Quand Léa repassait ses billets de banque

Pendant les Trente Glorieuses, La Voûte-Chez Léa était l'une des adresses les plus réputées de Lyon. L'argent (comme le champagne) coulait à flots. La mère Léa avait une sacoche accrochée à la taille. D'un côté, elle mettait les chèques, de l'autre les billets. Chaque soir, raconte Philippe Rabatel, son successeur, Léa Bidault repassait ses billets, chez elle, à l'étage. Tous les lundis matin, à 9 heures, elle se rendait à la BNP, rue de la Barre, et vidait son sac plein de billets sur le comptoir. Et le directeur comptait. "C'était sans grand plaisir". Outre pour son poulet au vinaigre de vin vieux, la mère était connue pour ses toilettes, qu'elle achetait chez les meilleurs couturiers de la ville.

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