L’ultime enseignement d’Outreau

À la cour d’assises de Rennes, au troisième procès d’Outreau, Daniel Legrand est jugé pour des actes qu’il aurait commis durant sa minorité, alors qu’il a déjà été acquitté pour des faits de même nature qui lui étaient reprochés en tant que majeur.

Les Delay-Badaoui, les parents indignes et leurs voisins complices de la tour du Renard ont confirmé une nouvelle fois avoir menti en accusant les autres accusés, acquittés depuis, le prêtre, la boulangère, l’huissier de justice, Daniel Legrand…

On devine (mais le terme est mal choisi, il faudrait écrire “on voit”) derrière cette boue l’alcool, l’indigence intellectuelle et morale, la perte de tous les repères. Comment comprendre sinon les agressions sexuelles commises sur de très jeunes enfants par leurs propres parents, comment comprendre aujourd’hui les enfants victimes, devenus adultes mais perdus – on le serait à moins – qui accusent encore Daniel Legrand mais de manière confuse, aléatoire, incertaine, en soutenant qu’il était présent au moment des viols, sans se souvenir s’il était agissant ou victime comme eux, incapables de tracer la frontière entre la réalité et les “images” qui leur restent.

L’acquittement, le second, de Daniel Legrand, ne fait aucun doute.

Ce procès n’aurait pas dû avoir lieu, comme l’ont souligné tous les commentateurs. S’ils ont évidemment raison en ce qui concerne le malheureux Daniel Legrand, ils ont tort pour ce qui ressort de cet avatar judiciaire au titre du fonctionnement de notre justice.

La faiblesse de l’instruction menée par le juge Burgaud a déjà été soulignée à maintes reprises. Il a d’ailleurs subi la sanction lourde (c’est ironique) de ses pairs au travers d’une “réprimande”. Quant au ministère public, à la chambre de l’instruction qui n’étaient pourtant pas exempts de responsabilité, ils sont passés au travers des gouttes.

Mais, ce qui ressort du procès de Rennes est une information d’une autre nature à l’écoute des déclarations de Myriam Badaoui : “Pour la première fois de ma vie, j’étais face à un homme qui m’écoutait. J’avais l’impression d’avoir de l’importance à ses yeux. Mais, quand je n’allais pas dans son sens, il n’était pas content, il tapait du poing sur la table.”

On ne peut pas, bien entendu, exclure un nouveau mensonge d’une mythomane reconnue et assumée, mais ce qu’elle dit correspond bien à l’ambiance des cabinets d’instruction, ce face-à-face entre l’autorité, le pouvoir incarné par le juge, et l’accusé désorienté et craintif, plongé dans un univers hostile dont il ignore tous les codes.

Une étude a révélé que, dans l’échelle du stress, l’instruction judiciaire se situe au sommet, juste au-dessus de la mort du père.

Les individus forts, intelligents ou bien assistés sont capables de résister à la pression, les vrais truands notamment. Mais les Delay, les Badaoui, leurs voisins d’Outreau aux capacités intellectuelles resserrées…

Une réforme incontournable

Le juge Burgaud était certainement sincère. Des indices, des pistes pouvaient mener à un réseau, une filière pédophile. Qu’il ait enquêté, qu’il ait cherché relevait de sa mission et de ses devoirs. Ce qui est de trop, c’est le poing sur la table, c’est l’influence dominatrice qu’il a exercée sur des accusés faibles qui ont voulu lui complaire en organisant aussi une forme maladroite de dilution des responsabilités, en allant jusqu’aux mensonges les plus délirants, les plus injustes, les plus dévastateurs.

Cela se passe, peut se passer, dans le huis clos oppressant d’un cabinet d’instruction où le juge est un enquêteur-accusateur qui cherche – de bonne foi, répétons-le – à faire éclater la vérité… ou à conforter la théorie qu’il s’est forgée.

À l’audience, il en va autrement. L’affrontement judiciaire est contradictoire, équilibré, public, organisé et tempéré par la présence de tous les protagonistes, l’accusation, la défense, le juge qui reste à sa juste place.

Le sort de l’instruction judiciaire à la française est scellé. Elle sera supprimée dans 5, 10 ou 20 ans si elle n’est pas réformée de fond en comble.

Le ministère public l’a d’ailleurs compris en y recourant de moins en moins en matière délictuelle, ce qui n’est pas encore possible pour les crimes, en usant de l’enquête préliminaire et du renvoi direct devant le tribunal.

Outreau est l’illustration sous forme de prémisse de cette fin annoncée et inéluctable de l’information judiciaire telle qu’elle existe aujourd’hui.

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