Clément Grenier : “Le foot, c'est avant tout une passion, pas un métier”

Souvent comparé à Yoann Gourcuff, parfois déprécié pour son côté nonchalant, Clément Grenier est surtout un footballeur pétri de talent au caractère affirmé. Le jeune milieu de terrain souhaite briller avec l’OL et atteindre ses objectifs en prenant toujours le maximum de plaisir balle au pied. Entretien paru dans notre mensuel de mars 2013.

Lyon Capitale : À titre personnel, comment vivez-vous cette saison ?

Clément Grenier : Bien, parce que les résultats ont été positifs jusqu’à la trêve. J’ai pu m’exprimer à 100 %. Avec un petit bémol : ces blessures qui me déstabilisent et me font mal. Psychologiquement, ce n’est pas facile pour revenir. Dans une phase de progression, c’est toujours compliqué de retrouver son niveau. S’il fallait tirer un bilan, je dirais que c’est mitigé. D’un point de vue sportif, c’est bien, mais au niveau des blessures, c’est contraignant.

Avez-vous le sentiment d’avoir pris un peu plus d’importance au sein du groupe ? À l’image de Maxime Gonalons, vous n’êtes ni un jeune débutant ni un vieux joueur expérimenté…

Max [Gonalons] a davantage d’expérience, je commence à en avoir un petit peu. Au sein du groupe, j’ai toujours parlé, dit ce que je pensais. J’entretiens de bonnes relations tant avec les joueurs plus expérimentés qu’avec les plus jeunes. On discute beaucoup entre nous. Il faut savoir se dire les choses, c’est important pour avancer. Après, le plus important, ça reste le terrain.

Vous êtes régulièrement mis en concurrence et comparé à Yoann Gourcuff. N’est-ce pas parfois pesant ?

C’est le jeu, il y a de la concurrence dans tous les grands clubs, donc à l’Olympique lyonnais. Ce qui est gênant, c’est de nous comparer au niveau footballistique ou physique. D’entendre toujours la même chose, à longueur de journée, c’est gênant… c’est même chiant ! Après, on joue au même poste, on a sûrement les mêmes caractéristiques, on se ressemble peut-être de loin, mais au final chacun a ses propres qualités. À Lyon, la concurrence est saine, ce qui est bénéfique autant pour lui que pour moi.

“J’ai du caractère”

L’été dernier, vous avez failli quitter Lyon pour Nice. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

Le football, ça va vite (sourire). J’en suis conscient. L’épisode niçois, je n’ai pas trop envie d’y revenir. Cela appartient au passé. J’en ai discuté avec pas mal de personnes au sein du club. Cela a été une période bouleversante, compliquée à gérer, mais ça m’a fait grandir. J’ai encore plus mûri.

Jean-Michel Aulas a évoqué sur son compte Twitter une éventuelle prolongation de contrat vous concernant* et cela a créé le buzz. Cela vous a-t-il perturbé ?

Plus j’avance dans le foot, plus je me rends compte qu’il faut gérer plein de choses, pas uniquement l’aspect sportif. Parfois, on est énervé et on n’a pas envie de parler à la presse, et c’est mal vu. Tout ce qu’on fait est observé attentivement. Moi, je souhaite fonctionner comme je le souhaite. (Il s’interrompt et reprend.) Je ne veux pas que ça soit mal interprété…

Non, on a bien compris. D’ailleurs, l’un de vos conseillers, Pascal Yvars, qui travaille avec votre agent Frédéric Guerra, nous l’a confié : vous avez une personnalité affirmée…

En tout cas, j’essaie à chaque fois, comme durant cette interview, de rester moi-même. Je n’ai pas envie de changer pour faire plaisir. J’ai un caractère, je sais, qui n’est pas facile à gérer. Mais je suis comme ça, je ne veux pas changer. Je fais ce que je ressens. Je ne veux pas me forcer à faire des choses si je ne le sens pas. Même si le football est mon métier (il se reprend dans la foulée)… Enfin, non, ce n’est pas mon métier.

C’est intéressant, ce que vous dites. Vous estimez que ce n’est pas votre métier ? Tout de même, vous percevez un salaire…

Le football, c’est avant tout une passion. Oui, vous avez raison, je gagne ma vie en jouant au foot. Mais, à la base, je n’ai pas pris une licence pour ça. Je prends avant tout du plaisir en tapant dans un ballon. Si vous voulez, mon objectif premier, c’est le terrain et pas tout ce qui gravite autour.

“Je sais où je veux aller”

Dans un portrait publié dans nos colonnes en novembre 2011, votre père nous a dit que, lors de votre passage en pro, vous étiez devenu, entre parenthèses, un petit con”…

Cela a été mal interprété. D’ailleurs, sur le coup, je l’ai mal pris et je me suis dit que je ne ferais plus rien avec Lyon Capitale. Mais, avec le temps, ça s’atténue. Comme on dit, de l’eau a coulé sous les ponts (sourire). Mon père n’a jamais dit que j’étais un petit con, car il m’a bien éduqué, mais il a voulu dire que le football ça pouvait aller très vite. Qu’on pouvait vite s’emporter pour un jeune qui débarquait dans le monde pro. Et qu’il était là, lorsque cela était nécessaire, pour me recadrer. La seule chose de vraie, et je ne m’en suis jamais caché : à 17 ans, lorsqu’on est pro, on croit que tout est arrivé, qu’on peut se permettre certaines choses. Mais j’ai eu la chance d’avoir un très bon entourage, que ce soit mes parents, mon frère, ma copine, Pascal Yvars ou Fred Guerra [son agent]. Il n’y a pas eu de souci, j’ai été vite recadré et j’ai continué ma progression.

En vous suivant au quotidien, on a pu s’apercevoir, et ceci malgré votre caractère entier, que vous étiez quelqu’un de simple. Un mec plutôt sympathique. Néanmoins, vous avez l’image d’un joueur qui peut parfois “se la péter”…

Ça, c’est une étiquette qu’on m’a collée. Ça vient de gens qui me connaissent très peu, me voient de loin.

Alors, qui est vraiment Clément Grenier ?

Je sais où je veux aller. Avec des hauts et des bas. Beaucoup de confiance, très peu de confiance. Des doutes… Souvent même. Je sais qu’on ne peut pas faire l’unanimité. Sincèrement, de dire que j’ai la grosse tête… Allez poser cette question à des personnes qui gravitent autour de moi, je ne pense pas qu’ils puissent dire ça. Maintenant, lorsque je ne connais pas, je suis plutôt méfiant et craintif. Je ne vais pas me livrer. A contrario, dès que je connais, je peux ouvrir mon cœur. Je peux paraître froid, nonchalant, mais ce n’est pas le cas. Au début, ça me choquait qu’on puisse dire ça à mon sujet, mais j’ai appris à faire abstraction. On entend tellement tout et n’importe quoi.

Qu’aimez-vous faire en dehors du football ? Vous suivez d’autres sports ?

J’aime passer du temps avec mes proches. C’est très important pour moi. J’aime bien aller au restaurant, partager des moments auprès des miens. Sinon, j’aime tous les sports : le tennis, le basket, le handball, bref, je suis pas mal de sports… Mais, ce que j’adore le plus, c’est le football.

Vous êtes présent sur Twitter. C’est devenu indispensable afin d’échanger avec vos supporters ?

C’est bien pour être proche des supporters, même si, lorsqu’on fait un mauvais résultat, on ramasse (sourire). Après, si je peux donner quelques informations sympathiques aux gens, c’est plutôt une bonne chose. Le revers de la médaille, c’est que certains messages peuvent être vite mal interprétés. Mais bon, je sais que ma présence sur Twitter fait plaisir à beaucoup de personnes. Cela me permet de gérer, entre guillemets, ma communication, car il y a de nombreux faux comptes sur les réseaux sociaux.

Avez-vous le sentiment d’avoir la même vie qu’un jeune de votre âge ? D’être ancré dans la réalité ?

Je ne vis pas la même vie que mon meilleur ami, qui a mon âge. Lui, il est encore étudiant, moi footballeur. Comme je l’ai dit, j’ai la chance d’avoir un bon cadre familial. Ils ont une vie modeste. J’ai la chance de vivre de ma passion, mais je ne suis pas dans ma bulle. J’essaie de m’ouvrir.

“Revenir au meilleur de ma forme avec l’OL”

Comment définiriez-vous votre style de jeu ? Dans quel domaine devez-vous progresser ?

On progresse tous les jours dans le foot. C’est dur de parler de soi. Surtout qu’un style de jeu, ça plaît ou ça ne plaît pas. Tout ce que je sais, c’est que je suis un bosseur, je travaille pour avancer et parvenir à atteindre mes objectifs.

Un jour, Éric Carrière** nous a révélé qu’il avait fait du foot, quelque part, pour être aimé. Vous adhérez ?

Non. Chacun a ses souhaits : certains jouent au foot pour gagner de l’argent, d’autres pour être champion du monde… Je n’ai pas à juger, tout est respectable. Personnellement, j’ai fait du foot pour prendre et donner du plaisir. Même si c’est toujours bien d’être aimé, je ne veux pas changer ma personnalité pour plaire. Tant que ma famille et mes amis sont fiers de moi…

Avez-vous un plan de carrière bien défini ?

Oui, même si on n’est jamais sûr à 100 %. J’ai toujours eu plus ou moins un plan de carrière. Lorsqu’on sait où on veut aller, il faut l’établir et faire en sorte d’y parvenir.

Récemment, vous avez été approché par la Juventus. En tant que jeune joueur, envisagez-vous d’évoluer un jour à l’étranger ? Vous vous posez ce type de question ?

La question que je me pose aujourd’hui, c’est de revenir à 100 % sur le terrain. C’est le plus important. J’ai déjà la chance d’être dans un grand club. Pour moi, le principal, c’est de toujours progresser. Si un jour je dois partir, car c’est le moment, je le ferai. Mais, pour l’heure, encore une fois, mon unique objectif c’est de revenir au meilleur de ma forme avec l’OL.

L’équipe de France, ça reste un objectif ?

Bien sûr, c’est un objectif. Quand on est français, le summum pour un sportif ou un footballeur, c’est de porter le maillot bleu, de disputer des compétitions avec la sélection de son pays. Mais, pour être appelé, cela passe par de grosses performances en club.

* Clément Grenier est sous contrat jusqu’en juin 2014.

** Ancien footballeur international, passé par Lyon, Éric Carrière est aujourd’hui consultant pour Canal+.

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