Régionales : Laurent Wauquiez a-t-il gagné grâce aux voix du FN ?

Depuis l'annonce de la victoire de Laurent Wauquiez à l'élection régionale en Auvergne-Rhône-Alpes, les hommes politiques du Parti socialiste et du Front national ont expliqué cette victoire par le siphonnage des voix d'extrême droite par le candidat Les Républicains. Mais qu'en est-il réellement ? Décryptage.

Depuis l'annonce hier de la défaite du PS à l'élection régionale en Auvergne-Rhône-Alpes, les différents leaders de gauche, Jean-Jack Queyranne en tête, ont dénoncé le siphonnage des voix du Front national par Laurent Wauquiez. "Le candidat de la droite a recherché en permanence les voix de l’extrême droite. Il doit sa victoire au Front national", a déclaré le désormais ancien président de région. "À l’évidence, Laurent Wauquiez a réussi à capter au second tour une partie des voix du Front national", a ajouté Jean-Paul Bret, le maire de Villeurbanne. Au FN même constat. "Wauquiez a pillé mon programme de façon éhontée dans l'entre-deux tours", a déclaré Christophe Boudot.

Mais qu'en est-il vraiment ? Laurent Wauquiez qui a mené une campagne bien à droite sur des thèmes de sécurité et d'identité nationale, a-t-il vraiment piqué des voix au FN ? Quelques réponses en chiffres.

En nombre de voix, le FN progresse entre les deux tours

Premier indicateur, le nombre de votants. Si le FN baisse en pourcentage entre le 1er tour (25,52%) et le second tour (22,55%), en valeur absolue, c'est-à-dire en nombre de voix, le parti de Marine Le Pen progresse en passant de 639 923 voix à 667 081 voix. Avec ses 667 081 voix, le FN s'approche de son meilleur score historique qui était de 768 100 voix dans les régions Auvergne et Rhône-Alpes confondues. Un résultat d'autant plus impressionnant que la participation a été de 57,68% durant ces régionales, contre près de 83% durant les dernières présidentielles de 2012. Sur le plan national, le FN fait même mieux durant cette élection régionale que durant la dernière élection présidentielle, avec 6 820 252 voix contre 6 421 426 en 2012.

Laurent Wauquiez a plus mobilisé les abstentionnistes que Jean-Jack Queyranne

La progression du FN en nombre de voix semble indiquer que le siphonnage n'a pas vraiment eu lieu. Autre indicateur, les progressions de Jean-Jack Queyranne et de Laurent Wauquiez au second tour. Crédité de 600 923 voix au premier tour, le candidat PS en a récolté 1 089 791 au second. Il a pu compter sur le report des voix de Jean-Charles Kohlhaass (EELV-PG) et Cécile Cukierman (PCF-MRC), avec qui il a fait alliance. Ces deux candidats comptabilisaient 308 548 voix cumulées au premier tour. Si tous ces électeurs ne se sont pas forcément mobilisés, on peut raisonnablement considérer qu'une partie importante d'entre eux l'ont fait. Si l'on table sur un report de voix de 80%, cela ajouterait près de 250 000 voix à Jean-Jack Queyranne, soit un total de 850 000 voix sur ses 1 089 000 du second tour. Le reste, environ 200 000, proviendrait de la mobilisation des abstentionnistes.

Dans le même temps, Laurent Wauquiez comptabilisait 795 661 voix au premier tour et 1 201 528 au second. Côté report de voix, le candidat LR était bien moins fourni que le candidat PS, avec un report possible de 110 725 voix venues des électeurs d'Éric Lafond et Gerbert Rambaud. En tablant une nouvelle fois sur 80% de report, un chiffre large sachant que Gerbert Rambaud se trouve entre Les Républicains et le Front national, le report serait de 88 580 voix. Si l’on ajoute ce chiffre aux 795 661 voix du premier tour, on obtient 884 241 voix. Dans ce contexte, Laurent Wauquiez aurait mobilisé plus de 317 000 abstentionnistes.

La victoire du candidat LR s'expliquerait donc plus par la forte mobilisation de son électorat au second tour par rapport à Jean-Jack Queyranne, plutôt que par "le pillage" des voix du FN. Un FN qui augmente entre les deux tours et se retrouve à un niveau particulièrement élevé comme nous l'avons expliqué plus haut.

Les départements et villes FN du 1er tour passent autant à gauche qu'à droite au second tour

Derniers éléments, les villes et départements où le FN est arrivé en tête au premier tour. Ces départements étaient au nombre de trois : l'Ain, l'Isère et la Drôme. Dans les deux derniers, c'est Jean-Jack Queyranne qui l'a emporté au second tour, où Christophe Boudot a progressé à chaque fois. En Isère, le candidat PS a même quasiment doublé son nombre de voix en passant de 99 932 à 187 872 voix, alors que le candidat FN passait de 108 884 à 117 028 voix. Laurent Wauquiez l'a donc seulement emporté dans l'Ain, un département où Jean-Jack Queyranne a une nouvelle fois fortement progressé en passant de 43 631 à 72 105 voix.

Du côté des villes, même chose. Si l'on prend l'exemple de la métropole lyonnaise, le FN était en tête dans 13 communes au premier tour. Au second, aucune. Parmi ces 13 communes, 7 ont voté majoritairement pour Laurent Wauquiez au second tour : Saint-Genis-les-Ollières, Sathonay-Camp, Jonage, Meyzieu, Mions, Corbas et Solaize. Dans le même temps, 6 ont voté majoritairement pour Jean-Jack Queyranne au second tour : Décines-Charpieu, Saint-Priest, Feyzin, Saint-Fons, Grigny et Givors. Rien n'indique donc que les départements et les villes FN soient passés à droite par un phénomène d'aspiration, puisqu'ils sont passés dans des proportions égales dans les deux camps.

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