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Festival Lumière : comment est choisi le programme ?

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C’est parti ! Le festival Lumière s’ouvre ce soir à la halle Tony-Garnier. Toute la semaine, Lyon Capitale s’associe avec des étudiants en master Journalisme de Sciences Po Lyon pour suivre l’actualité du festival, vous présenter les personnalités et une sélection de films. À lire chaque jour sur le blog Pulp My Festival et sur notre site. Aujourd’hui, un entretien avec Maëlle Arnaud pour tout savoir sur la programmation.

Pour vous présenter la cinquième édition du Festival Lumière, personne n’est mieux placé que Maëlle Arnaud, programmatrice en chef du Festival (et de l’Institut Lumière, tout au long de l’année).

Nous sommes allés la rencontrer à la suite d’une des dernières séances de présentation. Elle vous dévoile les coulisses du Festival.

Tarantino

Pulp My Festival : Quentin Tarantino est mis à l’honneur cette année. Avant lui, vous avez récompensé Clint Eastwood ou encore Gérard Depardieu. Ils ont tous des profils assez différents.
Quels sont donc exactement les critères sur lesquels vous basez votre choix pour décerner le Prix Lumière ?

Maëlle Arnaud : Je crois qu’ils ont quand même un grand point commun, ce sont tous des grands noms de l’histoire du cinéma. Ils répondent tous à la définition du prix Lumière qui récompense une personnalité pour sa contribution au cinéma. Chacun à sa manière bien sûr, dans un style et dans un parcours différent. Mais ils ont tous déjà cette importance là, alors qu’ils n’ont pas forcément fini leur carrière.

La programmation est une démarche artistique mais, on l’oublie parfois, c’est aussi un très gros travail technique. On imagine que ça l’est d’autant plus quand c’est Tarantino qui vous commande des œuvres vraiment méconnues et dans des formats particuliers. Comment gérez-vous ces demandes ?

On commence d’abord par le maudire ! (rires) Ensuite, on se met au travail. En fait, pister une copie c’est une question d’habitude. Il faut retrouver le nom du producteur qui a fait faillite 42 fois, qui est mort parfois, localiser les droits… On finit toujours par savoir à qui s’adresser pour avoir telle ou telle information.
Et après avoir maudit Tarantino, je l’ai béni parce qu’il m’a aussi aidé à mettre la main sur certains films.

Vous rappelez-vous un film sur lequel vous vous êtes particulièrement arraché les cheveux ?

Oui, Le déserteur par exemple, ce film de Léonide Moguy, qui n’a pas laissé une trace très visible dans l’histoire du cinéma. Là, on ne savait vraiment pas par où commencer. On a finalement appris qu’il a avait été coproduit par des Russes. De fil en aiguille, on a découvert qu’il y avait eu un dépôt chez Gaumont, suite à des accords divers et variés. Même eux ne savaient pas qu’ils l’avaient ! Cop de James B. Harris, ça a aussi été très fastidieux.
Et puis les deux…. (elle s’arrête). Non, mais ne me lancez pas là-dessus, ils me reviennent tous un par un (rires). Maintenant c’est résolu donc tout va bien !

Ce qui fait l’intérêt de cet événement, c’est aussi tous ces invités qui viennent présenter les films. A ce propos, comment faites-vous pour les attirer à Lyon ? Sont-ils payés par le festival ?

Non, non, il n’y a pas du tout de contrat. Cela nous surprend effectivement, alors que c’est naturel de se poser la question.
Par exemple, si dans deux jours, Emmanuelle Devos se voit proposer je ne sais quoi qui l’empêche de venir, elle n’est pas tenue contractuellement d’être présente au festival. Personne ne l’est. On ne paye personne. Si on devait payer les acteurs – et vous savez que le monde du cinéma gagne parfois un petit peu d’argent (rires) – ils ne demanderaient pas 122 euros et on ne s’en sortirait pas.
Ce n’est vraiment pas l’esprit. L’idée, c’est de leur vendre le festival sur ce qu’il est, c’est à dire : venez voir des films, des grands classiques, des choses plus méconnues, faites-vous plaisir, et peut-être qu’il y a des choses dans la programmation qui vous donnent envie d’en dire un mot. Ils le prennent très à cœur, ils font ça très bien. Ils se préparent, avec l’angoisse du néophyte parce qu’ils ne sont pas critiques de cinéma.
Cela donne parfois des présentations un peu académiques, puis à un moment ils se lâchent.

Eux aussi ont le trac ?

Mais oui, vraiment ! On le voit notamment dans le Grand Lyon quand ils font un peu de bagnole. Parfois les gens de l’équipe qui les amènent aux séances leur disent : « Mais arrêtez, vous savez faire devant le public, arrêtez de trembler ! » [Et ils répondent:] « Non mais c’est parce que… c’est quoi l’année du film déjà?”
C’est super, cela montre que nos invités sont très investis. Personne ne nous plante, ils sont trop contents de le faire.

Le festival Lumière est unique en son genre car c’est un festival hommage, avec beaucoup de films assez anciens. On peut penser qu’il s’adresse donc davantage à un public de cinéphiles avertis. N’est-ce pas là une limite à son développement ? Arrivez-vous à le démocratiser ?

Ce qui vous donne tort, à notre grand plaisir, c’est que dès la première année, les gens sont venus.
Cette question est très vite résolue car dans les années 30 il y aussi des films populaires. On en montre autant que des films qui auraient le label “Art et essai”. Je ne dis pas que le temps ne leur donne pas un teint particulier. Néanmoins, cela peut tout à fait attraper les spectateurs de la même manière.
« Histoire du cinéma » ne veut pas forcément dire films difficiles d’accès, pour une élite. Prenez certains des films muets de la programmation, Chaplin, par exemple. Ce n’est pas un cinéma adressé à des cinéphiles, pourtant ils datent de 1916, 1917. C’était il y a pratiquement cent ans et ça marche avec tout le monde, petits et grands.
C’est la même chose en littérature, il peut y avoir de très bons livres du XVIIIe siècle qui ont un rapport très moderne au monde. Il y a aussi des choses contemporaines qui vous paraissent ringardes.
Toutefois, c’est vrai que certains spectateurs peuvent se dire « Ce n’est pas pour moi, je ne suis pas cinéphile ». On a l’impression qu’être cinéphile, c’est soit une maladie, soit réservé à des gens « chics », alors qu’il y a tous types de cinéphiles dans notre entourage. Il y a aussi des gens qui vont beaucoup au cinéma pour ne voir que des grosses productions américaines, ils y ont un plaisir de spectateur. Je ne sais pas à quel point ils viennent au festival, mais quand on voit le succès aujourd’hui – les billets s’arrachent – ça montre bien qu’il y a de quoi attraper tout le monde sur certains films.

Par exemple, Bergman, qui est programmé cette année, c’est un cinéma qui est fait pour des bourgeois cultivés. En revanche, Hal Ashby, ce n’est pas connu et pourtant vous mettez n’importe qui devant Le retour ou La dernière corvée, les gens se régalent. C’est du grand cinéma, de la bonne musique, des super-plans, avec en fond l’Amérique des années 70 qui joue des coudes pour essayer de se libérer du carcan conservateur. Pour une jeune génération, ça fait un bien fou de voir ça. Il y en a vraiment pour tous les goûts.
Notre rôle – et on n’y arrive pas trop mal – c’est justement d’amener les gens dans la salle. Et puis quand on dit qu’il y aura Tarantino, les gens se disent : « On peut s’intéresser à ce festival, ce n’est pas rien quand même ! »

Propos recueillis par Antoine Guerre le jeudi 3 octobre.

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