Bettencourt Boulevard trio champagne
© Christian Ganet

Bettencourt Boulevard, parce qu’ils le valent bien…

CRITIQUE – Contrairement à nos attentes, la mise en scène de Christian Schiaretti de la pièce de Michel Vinaver Bettencourt Boulevard ou Une histoire de France n’est pas LE spectacle de l’année mais une pièce passionnante, admirablement interprétée et mise en scène.

Bettencourt Boulevard © Christian Ganet

© Christian Ganet
Bettencourt Boulevard.

Levons tout de suite le voile, même si la pièce de Michel Vinaver Bettencourt Boulevard a été écrite sous les avisés conseils d’Edwy Plenel, journaliste d’investigation aux commandes de Mediapart, il ne faut en attendre aucune révélation fracassante. Ce qui n’empêche en aucun cas l’œuvre de distiller un regard aigu (balayant aussi bien les recoins sombres que les périodes ensoleillées) sur une femme au soir de sa vie, Liliane Bettencourt, perdant tristement le contrôle d’elle-même, au profit d’un entourage pas toujours bienveillant. Elle est la figure centrale d’un puzzle dont les morceaux apparaissent dans le désordre et ne s’ajustent pas forcément les uns aux autres.

Un tableau de Mondrian pour réunir les morceaux

Bettencourt Boulevard, vue d’ensemble du plateau © Michel Cavalca

© Michel Cavalca
Bettencourt Boulevard, vue d’ensemble du plateau.

La scénographie conçue par Thibaut Welchlin et le metteur en scène lui-même, Christian Schiaretti, accentue cette impression de désordre savamment organisé. Le décor est habile, conçu à base de grands rectangles colorés glissant sur la scène, révélant ou masquant des sièges blancs aux formes géométriques. On a l’impression de voir sur le plateau s’animer un tableau de Piet Mondrian. Cet esthétisme moderne donne une unité aux trente morceaux qui forment le texte. Ils s’enchaînent de façon admirable.

Les va-et-vient dans le temps, depuis la moitié du siècle dernier jusqu’à nos jours, nous emmènent à la rencontre de nombreux personnages qui ont joué un rôle déterminant dans le destin fascinant de la vieille femme. Aussi bien du côté de sa famille – avec les figures paternelles (Eugène Schueller, fondateur de l’Oréal, et Robert Meyers, rabbin mort en déportation), sa fille à qui la lie un amour ambigu, son mari ainsi que ses proches ou plutôt “son” proche, François-Marie Banier, à la fois gigolo et indéfectible ami – que du côté “affaires” avec le trouble gestionnaire de fortune Patrice de Maistre et la fidèle comptable Claire Thibout, ou encore du personnel domestique.

Nicolas Sarkozy en guignol cynique

Gaston Richard (Nicolas Sarkozy) dans “Bettencourt Boulevard” © Michel Cavalca

© Michel Cavalca
Gaston Richard (Nicolas Sarkozy).

Mais le volet politique n’est pas oublié. Ainsi verra-t-on surgir un Nicolas Sarkozy plus vrai que nature en guignol cynique, ou un Éric Woerth, lui aussi criant de vérité, tâchant maladroitement de profiter des enveloppes généreusement distribuées. Sans compter la horde de médecins ou psychiatres chargés de mesurer le degré de clairvoyance de la veuve lorsque les ennuis juridiques s’amoncellent sur sa tête en déroute.

Seul personnage inventé, un chroniqueur vient situer quelques scènes, expliquer certaines situations. C’est une aide précieuse, pas seulement pour ceux qui n’ont pas suivi tous les rebondissements et ramifications de l’affaire Bettencourt.

Empathie impossible

Michel Vinaver, outre sa dimension historique, voulait conférer à son récit théâtral la puissance d’une tragédie grecque. Elle est bien là. Mais il y a aussi du Feydeau ou du Molière dans certains épisodes comiques. Il manque cependant au spectacle cette capacité d’émotion que l’on retrouve dans la tragédie antique.

Francine Bergé (Liliane) dans “Bettencourt Boulevard” © Michel Cavalca

© Michel Cavalca
Francine Bergé (Liliane Bettencourt).

Ce n’est la faute ni du dramaturge ni de la mise en scène parfaitement conçue de Christian Schiaretti. Et encore moins de la nombreuse troupe emmenée par Francine Bergé (impec’ dans la peau de Liliane Bettencourt), Didier Flamand (sulfureux François-Marie Banier) et Christine Gagnieux (fille de Liliane et André Bettencourt).

Avec une mention spéciale à Jérôme Deschamps, qui campe un retors Patrice de Maistre. Sans doute cette absence de sentiment vient-elle des protagonistes de l’histoire, tous plus ou moins odieux d’égoïsme et de crapulerie, incapables de susciter chez le spectateur la moindre empathie.

Bettencourt Boulevard ou Une histoire de France – Jusqu’au 19 décembre, à 20h (sauf dimanche 15h30, relâche les lundis et le 8 décembre), au TNP.

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