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Grève des éboueurs : pourquoi Collomb veut privatiser le centre-ville ?

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Son adjoint à la propreté, Thierry Philip, l'a redit jeudi 15 mars, le président du Grand Lyon ne reviendra pas sur la privatisation de la collecte des ordures ménagères aux centres-villes de Lyon et Villeurbanne. Officiellement, il veut "conforter le service public". 160 éboueurs sur 400 selon le Grand Lyon, plus de 200 selon les syndicats sont néanmoins en grève depuis bientôt une semaine qui craignent pour leur emploi. Décryptage.

Alors que la moitié des poubelles du Grand Lyon (58 communes) sont ramassées depuis 2003 par des éboueurs du public, en grève depuis bientôt une semaine à Lyon, les Lyonnais ne comprennent pas pourquoi Gérard Collomb veut tout d'un coup privatiser la collecte aux centres-villes de Lyon et Villeurbanne. "Le centre-ville est la zone la plus rentable pour le ramassage des ordures, on y ramasse plus de déchets en moins de temps que dans le reste de l'agglomération. Dès lors, les entreprises du privé seront encore plus rentables demain et l'on craint qu'à terme Gérard Collomb ne privatise l'ensemble de la collecte", expliquait Lofti ben Khelifa, délégué syndical, au premier jour de la grève. Certains pointent l'éventuelle remunicipalisation partielle ou totale du marché de l'eau à compter de 2015. "Veolia va avoir un manque à gagner. Ce qu'ils risquent de perdre à gauche, ils veulent peut-être le récupérer à droite",souffle Franck Garayt, secrétaire général adjoint du FNACT-CFTC.

Satisfaire les 56 maires du Grand Lyon

Officiellement, "les maires des 56 communes du Grand Lyon (hors Lyon et Villeurbanne) nous ont demandé de nous rapprocher d'eux", explique Thierry Philip. La chambre régionale des comptes relève en effet, dans un rapport paru le 30 décembre 2004 (lire ici), "une inégalité de traitement entre les communes du Grand Lyon". La collectivité aurait donc décidé d'y remédier radicalement en attribuant tout le centre-ville au privé et les 56 autres communes du Grand Lyon au public.

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En finir avec le fini-parti

Mais "les syndicats nous demandent aussi de prendre en compte le stress au travail (la CPAM a enregistré + 20% d'accidents du travail chez les éboueurs depuis cinq ans selon le Grand Lyon)", poursuit Thierry Philip. Or, selon le vice-président, "le stress est plus important au centre-ville". Les agents seront donc moins stressés selon lui dans les petites communes du Grand Lyon. Problème, c'est aussi au centre-ville que les tournées sont les plus courtes, là où s'applique le mieux la règle du fini-parti qui régit la profession. Celle-ci permet aux agents de quitter leur poste dès le travail effectué, c'est-à-dire sans faire nécessairement les 35 heures pour lesquelles ils sont payés. Le choix du Grand Lyon de communiquer dès lundi dernier sur les bonnes conditions de salaire des éboueurs (1710 euros nets mensuels pour 800 heures de travail par an selon le Grand Lyon, soit la moitié de la durée légale annuelle du travail pour un salaire supérieur de plus de 50% au Smic) n'est sûrement pas étranger à cette volonté du Grand Lyon d'en finir avec le fini-parti. À mots couverts, Thierry Philip se dit seulement "prêt à discuter de l'organisation et des conditions de travail des agents". Il ferme en revanche la porte à toute réouverture du nouveau marché dont l'appel d'offre est clos depuis le 13 février dernier.

Donner un samedi sur deux aux agents

Pour satisfaire les agents, le Grand Lyon veut aussi leur donner un samedi sur deux comme prévu dans l'accord RTT signé avec eux en 2003 et jamais appliqué depuis. Plus facile en dehors de la ville où deux tournées sont nécessaires le samedi contre une seule en grande banlieue. Aussi, Thierry Philip s'est dit un peu surpris ce jeudi en conférence de presse au Grand Lyon du nouveau préavis de grève déposé mercredi par les syndicats. Il déplore que les agents demandent maintenant "tous leurs samedis". Une revendication "irréaliste" selon lui. Le vice-président précise que "47 collectes sont assurées actuellement le samedi dans 56 communes du Grand Lyon, cela conduirait donc à une baisse de la qualité du service public. À moins de confier cette mission au privé, ce qui coûterait en plus chaque année au Grand Lyon 2,5 millions d'euros".

Satisfaire à l'injonction de la chambre régionale des comptes

"Au départ, nous avons répondu à quatre injonctions politiques", a expliqué Thierry Philip vendredi. Les trois citées précédemment et "celle de la chambre régionale des comptes qui nous demande de rebattre les cartes". Or, nous avons vérifié, si la Cour des comptes conseille en effet aux maires et présidents d'agglomération du pays d'instiller de la concurrence entre les entreprises privés pour ne pas laisser s'installer de mauvaises habitudes, elle ne leur demande pas de rebattre les cartes pour la régie publique. "Si nous voulions répondre à toutes les injonctions qui nous ont été faites, nous n'avions pas le choix", a justifié Thierry Philip. En allant au-delà des revendications de la Cour des comptes, le Grand Lyon veut-il jouer les bons élèves en matière de gestion, pour faire oublier l'enquête ouverte au parquet de Lyon pour des faits de corruption présumés concernant justement le service propreté ? Interrogé sur la question jeudi en conférence de presse, Thierry Philip a répondu : "Le jour où quelqu'un se présentera devant moi avec une lettre signée en son nom et envoyée au procureur de la République, je le recevrai. Mais jusqu'ici ça n'a pas été le cas. Il s'agit de rumeurs."

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