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© tim douet

La police lyonnaise, borderline avec "ses tontons"

Suite à l'affaire Neyret, des questions se posent sur les relations entretenues par les policiers lyonnais et grenoblois avec leurs informateurs. Une loi de 2004 encadre leurs pratiques, mais sous le couvert de l'anonymat, certains policiers reconnaissent que celle-ci n'est pas toujours respectée. Témoignages.

Officiellement tout le monde est clean à la police lyonnaise. "La loi, c'est la loi" et les plus hauts fonctionnaires affirment que chaque indicateur est régulièrement déclaré au Bureau central des sources (BCS). Ce service qui dépend du Service interministériel d'assistance technique (SIAT), émanation de la loi de 2004, permettant d'encadrer la rémunération des informateurs de la police.

Une fois fichés, les tontons sont ensuite rémunérés en fonction de la qualité de leur information et de ses résultats par le Bureau central des sources. En aucun cas, les policiers ne rémunèrent eux-mêmes leurs indicateurs.

"Quand on veut faire une affaire avec un mec, que son information est exploitable, on l'immatricule systématiquement, développe un policier lyonnais. Même s'il est fiché, son identité n'est connue que par le traitant (le policier qui fait l'affaire) et par la direction centrale. Il reste anonyme pour le reste de la troupe", affirme le policier. "Ensuite, l'indicateur est rémunéré directement par la direction centrale. Cela peut aller de quelques centaines d'euros à quelques dizaines de milliers d'euros".

Tous les fonctionnaires sont conscients de "la ligne jaune à ne pas dépasser" selon lui. Impossible selon eux de prendre la liberté de rémunérer un indicateur en nature, inimaginable de détourner des scellés de la police, encore moins de dédommager un "tonton" avec du cannabis, comme sont soupçonnés de l'avoir fait Michel Neyret, et Christophe Gavat, le patron de l'antenne Grenobloise de la DIPJ aux ordres de Neyret.

Pourtant, les pratiques de Neyret, décrit comme un "flic à l'ancienne" par de nombreux collègues, étaient connues de certains policiers lyonnais. Et avant que les juges parisiens Patrick Gachon et Hervé Robert ne viennent fouiner dans ses affaires, les résultats du superflic Neyret étaient salués régulièrement par les préfets et les ministres de l'Intérieur successifs, en particulier après la vague de braquages qui avait sévi dans la région à l'automne 2009 (+73% par rapport à l'année précédente).

"Certains policiers achètent des voyages"

En off, certaines sources policières lyonnaises témoignent pourtant des pratiques "bordeline" de "certains policiers" qui "achètent des voyages". Les fameux "go-fasters" qui acheminent de la drogue en grosses cylindrées le long de l'A7, destinée à être revendue sur le marché noir lyonnais; des 4x4 bourrés à craquer de drogues, lancés à 200 km/h sur l'autoroute en pleine nuit. "Le flic qui veut faire une affaire se met d'accord avec le conducteur. Il lui assure un voyage, lui promet que la police n'interviendra pas. En échange, le conducteur lui donne un tuyau, le nom de son fournisseur par exemple. Une fois à Lyon, le trafiquant boxe sa came, prend sa part et le policier intervient après". Au final, tout le monde est content, le flic a fait "une belle affaire" et l'indicateur est rémunéré. Oublié la communication avec le bureau central.

Un autre moyen de négocier une information. Le policier coince un dealer de drogue, lui demande le nom de son fournisseur, et lui promet "des suites judiciaires moins importantes s'il parle" au tribunal. Pour dissimuler leurs pratiques, le temps des interrogatoires, les policiers, trouvent aussi des moyens de se passer de la présence d'avocats comme les y oblige désormais la loi. Une chance supplémentaire pour eux de faire cracher le morceau aux trafiquants. "On dit au gars qu'on a appelé son avocat mais qu'il est injoignable", raconte un policier. En bref, à Lyon comme ailleurs, certains policiers n'hésitent pas à utiliser des méthodes peu orthodoxes afin de soutirer des informations aux voyous, au mépris de la loi s'il le faut.

Les bonnes vieilles méthodes policières des années 80

Dès lors, Jean-Paul Borrelly, secrétaire régional du syndicat majoritaire Alliance, pose la question du manque de moyens dans la police nationale. Il s'interroge en particulier sur la différence de traitement des indicateurs de la douane par rapport à ceux de la police nationale. "Les douanes disposent d'une enveloppe de 10% supérieure à celle de la police nationale pour rémunérer ses informateurs. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. Il faut savoir se donner les moyens de combattre ce fléau qu'est la drogue !".

Un policier évoque quand à lui "la gestion de la motivation des indicateurs" qui fonctionnent parfois à l'appât du gain. "Si l'indicateur demande 30 000 euros pour une information et qu'on peut ne lui en donner que 20 000. On peut être tenté de négocier 10 000 en nature. Soit on accepte et on sort du système, et derrière on l'assume, soit on ne fait pas l'affaire. La fin ne justifie pas les moyens". Pour certains policiers apparemment si qui utilisent toujours les bonnes vieilles méthodes policières des années 80, "quand tout était permis". 7 ans après l'entrée en vigueur de la loi de 2004, il semble que certains fonctionnaires flirtent toujours avec la pègre.

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