Squat Villeurbanne
© Rémi MARTIN

Villeurbanne : un squat autogéré par les migrants

Depuis fin décembre, plus d’une centaine de migrants ont trouvé refuge dans une ancienne école de pompiers à Villeurbanne. Expulsés de l’esplanade Mandela de la Part-Dieu et après avoir occupé un amphithéâtre de l’Université Lyon 2, ils y résident depuis presque un mois. Ouvert par des étudiants, le bâtiment est maintenant directement géré par les migrants eux-même qui en ont fait leur lieu de résidence. Ils y prennent toutes les décisions collectivement.

Des migrants occupent un squat à Villeurbanne

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Des migrants occupent un squat à Villeurbanne

À part la grande banderole visible depuis le cours Émile Zola et qui orne le rez-de-chaussée, impossible de deviner que plus d’une centaine de migrants dorment dans cette ancienne école de pompiers. Au rez-de-chaussée justement, le règlement est écrit dans l’entrée, sur le mur. Juste derrière, une petite dizaine d’étudiants passent d’une pièce à l’autre en transportant des montagnes de vêtement issus de nombreux dons. “Il fallait faire le tri, on avait tout entassé dans une pièce sans ranger, il y en avait partout”, explique l’un d’entre eux. Dans le même temps, des réfugiés entrent, sortent fumer une cigarette ou discutent avec les étudiants. Depuis des semaines, ils se côtoient, mangent ensemble ou passent des soirées ensemble. “On est devenu des amis”, précise un étudiant, une énorme pile de vêtement dans les bras.

Des migrants reconnaissants

“Je suis content d’être là et je remercie les étudiants pour toute l’aide qu’ils nous ont apportée”, ce sont toujours les premières paroles que prononcent les migrants, peu importe la question posée au départ. Certains d’entre eux ont bien voulu évoquer leur voyage comme Ibrahima. Parti de sa Guinée natale, le jeune homme s’est dirigé vers le nord et l’Europe en bus. Mais une fois arrivé au Niger, son voyage se complique. “Il nous ont fait descendre. Ils m’ont pris tout mon argent, tout mes papiers. Je n’avais plus rien. J’ai été en prison, on a été torturé. Ils tuent les gens. Ils nous ont même fait enterrer un cadavre en pleine nuit. C’était terrible” raconte Ibrahima. Après une telle expérience, “la vie en Europe et en France, c’est beaucoup plus facile”, explique-t-il. “En France, il y a des gens qui se sont occupés de nous, on est soutenu. Ils nous ont trouvé un toit. Je suis vraiment content d’être là. Maintenant, ce que je veux, c’est avoir des papiers et trouver un travail. Si tu ne travailles pas, tu es un bandit” ajoute-t-il.

Le squat de Villeurbanne a reçu de nombreux dons

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Le squat de Villeurbanne a reçu de nombreux dons

Ce toit dont Ibrahima parle était abandonné. Au début, tout manquait : des matelas à la nourriture, en passant par les médicaments et sans compter les coupures incessantes d’électricité. Et puis les dons ont afflué, comme en témoigne la salle pleine de vêtements. “On a fait plusieurs assemblées générales tous ensemble pour décider collectivement des choses à faire. C’est la meilleure solution pour tout le monde” se félicite Malone, migrant originaire du Cameroun. “Parfois, c’est vrai que c’est compliqué, on ne vient pas forcément du même pays. Il peut y avoir des problèmes. Il y a des familles, des personnes seules. Mais on arrive à s’entendre collectivement” ajoute-t-il. À raison d’au moins une discussion générale par semaine, la vie s’est peu à peu organisée et un règlement a été décidé. Dorénavant, il est interdit du fumer dans le bâtiment. La propreté est une obligation. L’électricité ne saute plus “parce qu’on l’a coupée dans les chambres, plus de 100 personnes qui vivent dans un bâtiment comme celui-là c’est beaucoup trop pour l’installation. Elle n’était pas assez puissante” explique un étudiant. Les portables se rechargent dans les couloir ou dans la cuisine.

Ces étudiants si importants pour les migrants en novembre et en décembre, lorsqu’ils étaient dans l’urgence, se retirent peu à peu. “C’est fini le moment où on leur apprenait la culture française. On leur disait ça c’est bien ou fait attention. On réglait même les conflits entre Camerounais et Nigériens ou entre Maliens et Guinéens. Mais maintenant, on a plus besoin d’avoir ce côté paternaliste. Ils sont adultes et matures, ils vivent tous ensemble en communauté. Au début, c’était de l'accueil et de la médiation, maintenant, on vient juste aider” se réjouit Damien*. Des associations et des particuliers relaient les étudiants. Deux psychologues et un infirmier sont sensés tenir des permanences une fois par semaine.

De l'urgence à une solution pérenne

Deux étudiants mettent en place une banderole sur le squat de Vileurbanne

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Deux étudiants mettent en place une banderole sur le squat de Vileurbanne

Ces étudiants, pour la plupart issus de Lyon 2, viennent maintenant en aide aux migrants depuis plusieurs mois. “On avait pas pensé sur le long terme. Quand on les a rencontré après leur expulsions de la Part-Dieu, tout ce qu’on cherchait c’est une solution d’urgence pour les accueillir. Il n’y avait plus de place à la Croix-Rouge, plus de place au 115, aucune solution d'hébergement. On s’est dit qu’on allait les mettre dans un amphi pour deux ou trois jours le temps de trouver une autre solution. Finalement, ils sont restés un mois“ raconte Damien, étudiant en Science Politique à Lyon 2. “On a cherché des solutions dès le départ. On en a trouvé mais quand on trouvait un logement pour deux d’entre eux, il y en avait six qui arrivaient. À la fin, on avait doublé les effectifs” ajoute-t-il. Mais un amphithéâtre ne peut être un lieu d’hébergement et sous la menace d’une expulsion de l’Université par les forces de l’ordre, les étudiants ont ouvert le squat de Villeurbanne pour accueillir ces migrants.

Ce squat est maintenant plein. Toutes les chambres se sont remplies. Les familles albanaises elles-aussi chassées de la Part-Dieu y ont trouvé refuge avec des migrants pour la plupart originaires d’Afrique et qui occupaient déjà l’amphithéâtre de l’Université. Pour le moment, les étudiants, les associatifs et les migrants savent qu’ils peuvent rester dans ces locaux grâce à la trêve hivernale qui interdit les expulsions jusque début avril. Mais la suite ne dépend pas uniquement d’eux, les pouvoirs publics peuvent décider de faire évacuer le squat après cette date. “On ne se laissera pas faire, on mobilisera tout le monde pour peser le plus possible et donner à ces personnes un logement stable”, soutiennent déterminés les étudiants.

* le prénom a été modifié

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