Grand bol d’Eire aux Assises du roman

Après l’Islande l’an dernier, AIR prend un peu l’Eire. Accueillant notamment deux figures féminines de la littérature irlandaise : Kate O’Riordan et la vénérable Edna O’Brien. 6e chapitre de notre série spéciale Assises internationales du roman.

Lorsqu’on se promène en Irlande, particulièrement à Dublin, il y a des écrivains à tous les coins de rue. Beckett, Wilde, Joyce, Swift, Yeats, Shaw, Stoker, pour ne citer qu’eux, planent sur l’âme de cette ville lettrée dont la bibliothèque de Trinity College – qu’il faut avoir vue une fois dans sa vie – est le joyau autant que le gardien. L’intitulé “L’Irlande des écrivains”, après l’Islande l’an dernier (de l’importance d’une lettre dans un mot…) tombait donc sous le sens. Et l’on n’est pas malheureux, que l’on goûte ou pas le terme en temps que tel, qu’à travers ce thème l’Irlande des “écrivaines” ne soit pas oublié. Bien au contraire, puisque, aux côtés de Hugo Hamilton, on retrouvera Edna O’Brien et Kate O’Riordan.

À 82 ans, la première publie Fille de la campagne (éd. Sabine Wespieser), un livre de mémoires dont le titre fait écho au quasi-éponyme Les Filles de la campagne (Fayard), son premier roman, qui fit scandale en Irlande lors de sa sortie en 1960 et qui contribuera, comme beaucoup de ses livres suivants, à l’émancipation et à la libération sexuelle dans un pays catholique et conservateur. Elle dont le premier (et unique) mari, Esnest Gébler, qu’elle avait suivi à Londres, voyait d’un mauvais œil la carrière d’auteur.

Écrire, revenir

Une vingtaine de livres plus tard, la question ne se pose plus pour cette fanatique de Joyce – elle lui consacrera un livre – petite fille du fin fond de l’Irlande, quasi-promise au couvent, mais que ses rêves, l’amour et la littérature auront amenée à fréquenter Richard Burton, Philip Roth ou Marlon Brando. Sans que jamais elle s’affranchisse de cette enfance si rude dans le comté de Clare.

La trajectoire, géographique du moins, est la même pour Kate O’Riordan, d’une enfance irlandaise campagnarde à Londres, où se réfugient beaucoup les écrivains irlandais. Trajectoire similaire mais aussi très différente, écart de génération oblige. Pourtant revient sans cesse dans les romans de Kate O’Riordan cette double articulation entre fuite et attachement au passé – et sans doute à la terre qui s’y rattache. Un sentiment au fond très irlandais, pays d’immigrants et d’immigrantes chez qui la fuite, l’exil volontaire, la recherche d’un ailleurs (l’Angleterre, les États-Unis) et de jours meilleurs, n’a jamais eu raison d’un attachement viscéral à la verte Érin. Au fond, pour ces deux auteures, comme pour tant d’autres écrivains du cru exilés aux quatre coins du monde, écrire c’est y revenir un peu.

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L’Irlande des écrivains – Hugo Hamilton, Edna O’Brien et Kate O’Riordan. Samedi 1er juin, à 14h, aux Subsistances, 8 bis quai Saint-Vincent, Lyon 1er.

L’Irlande de Roddy Doyle, Robert McLiam Wilson, Edna O’Brien et Colm Toibin. Projection en avant-première du documentaire de la collection “L’Europe des écrivains” (Arte). Samedi 1er et dimanche 2 juin, aux Subsistances, 8 bis quai Saint-Vincent, Lyon 1er. Gratuit.

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A lire aussi, les précédents chapitres de cette série :
le pouvoir de (Richard) Powers
le temps de Tristan Garcia
Doubrovsky-Angot : autof(r)ictions aux Assises
la mortelle trouvaille des Assises (Bergounioux)
l'Amis formidable des Assises

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