Lyon Capitale n°161
© Lyon Capitale

Il y a 20 ans : Où sont les femmes ? En Campagne

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Poignées de mains viriles sur les marchés et parades électorales torse bombé, en 1998, la politique reste majoritairement une affaire d'hommes. Alors quand quatre lyonnaises se lancent dans la course des élections régionales, la classe politique locale sursaute.

Lyon Capitale n°161, 4 mars 1998, © Lyon Capitale

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Début 1998, elles sont quatre femmes à faire bouger les lignes de la politique lyonnaise, qui n'a pas pour habitude de se féminiser. En mars de cette année, Sylvie Guillaume, Anne-Marie Comparini, Ouarda Hadid et Marie Christine de Penfentenyo se présentent aux élections régionales, et lancent tambour battant leurs campagnes respectives. Même si à l'époque, les mœurs concernant la féminisation de la classe politique commencent à évoluer, cette dernière reste essentiellement une affaire d'homme. Aujourd'hui, seule Sylvie Guillaume fait toujours de la politique en tant que députée européenne. Anne-Marie Comparini, après un séjour à la mairie de Lyon, à l'Assemblée Nationale et au conseil régional du Rhône a tout arrêté en 2007. Ouarda Hadid quant à elle, travaille à la Métropole de Lyon. Enfin, Marie-Christine de Penfentenyo a laissé de côté la politique après un poste de conseillère régionale.

Lyon Capitale n°161, 4 mars 1998, p. 14 © Lyon Capitale

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Un article publié dans Lyon Capitale n°161 le mercredi 4 mars 1998, signé par Alice Géraud.

Où sont les femmes ? En campagne

Les partis politiques ne cessent de s'en vanter : ils se féminisent ! Lyon Capitale a donc choisi de suivre des candidates en campagne électorale. Comment les femmes abordent-elle cet exercice souvent associé à la pratique intensive de la poignée de main virile et du marathon sur marchés, sans cabas ? Nous avons rencontré quatre d'entre elles en, pleine campagne. Loin des molles parades des vieux routards de la politique, la gent féminine affiche un dynamisme et une motivation salutaires. Préférant mettre La main à La pâte plutôt que d'aller serrer des pattes, elles mènent leurs campagnes électorales tambour battant. Une constante : la (juste) impression de se sentir souvent plus proches des réalités que leurs homologues masculins, d'avoir une vie à côté de la politique. Un espoir : faire bouger Les mœurs politiciennes. Tranches de campagnes.

Anne-Marie Comparini : Votez !

"Votez ! La Région est une chose trop belle et trop importante pour que l'on ne vote pas", clame Anne-Marie Comparini, candidate sur la liste de Charles Millon, aux promeneurs du dimanche qu'elle croise sur le marché de la création. Postée stratégiquement à l'entrée, elle prêche énergiquement la bonne parole civique. "Jeune homme, savez-vous à quoi sert le conseil régional ?". "Madame, n'oubliez pas qu'il n'y a qu'un seul tour." Etc. Si elle ne leur glissait pas adroitement au passage un tract vantant les mérites de la méthode Millon, on pourrait presque se demander si elle n'en oublie pas parfois la campagne électorale. "Les gens ne sont pas informés sur ces élections, ils ne connaissent pas l'institution régionale. C'est un vrai problème", regrette-t-elle. Alors, elle prend le temps d'expliquer, privilégiant le ton pédagogique au discours politicien. Anne-Marie Comparini s'avoue "débordée". "J'ai même renoncé à regarder dans quel état était ma maison. De toute façon, campagne ou pas campagne, remarque-t-elle, toute l'année c'est un peu pareil. En ce moment, je passe juste à la vitesse supérieure." Son seul regret ? Ne pas voire assez sa famille et ses amis. "Heureusement, je fais des poses logistiques", explique cette professionnelle de la planification. Mais, l'appel de la politique est toujours plus fort. Et, inlassablement, Anne-Marie repart battre campagne électorale au gré des marchés et des meetings.

Sylvie Guillaume, PS Marathon bucolique dans le Beaujolais

"Je ne peux même plus faire de vélo le dimanche", Sylvie Guillaume, tête de liste aux régionales pour la gauche plurielle, avoue ne plus avoir de vie pendant la campagne électorale. Néanmoins, un mois à parcourir le Rhône en long, en large et en travers ne semble pas avoir altéré la motivation de la donzelle. Aujourd'hui, elle passe la journée dans le Beaujolais accompagnée d'un échantillon représentatif de la pluralité jospinienne. Pas question de se faire conduire. Au volant, Sylvie Guillaume dirige aussi le convoi de la gauche sur les routes du département. L'opération consiste en un marathon champêtre, ponctué d'étapes régulières où la belle équipe s'enquiert des doléances des habitants du coin. Vient ensuite l'inévitable verre de Beaujolais. Ce rite apparemment bien rodé - on discute, on lève le coude et on s'en va - se répétera à chaque arrêt jusqu'à l'étape ultime, Belleville-sur-Saône, où doit avoir lieu la réunion publique finale. Déception. Voire bide total. Le public en question est moins nombreux que la "gauche plurielle team". Il en faudrait plus pour décourager cette ex-secrétaire médicale qui transforme l'air de rien le meeting en cercle de discussion, laissant son discours dans sa poche et rangeant elle-même les nombreuses chaises inutiles. Un petit restaurant pour finir la soirée en compagnie des soutiens locaux de la gauche. La tête de liste recommence le lendemain une nouvelle journée de campagne, cette fois-ci à la ville. "Mener une campagne comme celle-ci, c'est passionnant, j'apprends beaucoup mais c'est usant. Après le 15 mars, je risque d'être lessivée." Pas de souci. Le mâle Jean-Jack reprendra volontiers le relais.

Marie-Christine de Penfentenyo, FN "Ils ne frapperaient pas une femme"

Le Front national tend parfois à accorder une place et un rôle tout particulier à certaines de ces élues comme par exemple... potiche. Mais, Marie-Christine de Penfentenyo, seconde sur la liste de Bruno Gollnisch et conseillère municipale FN à Ecully, elle, ne mange pas de ce pain-là. D'ailleurs, dit-elle haut et fort, ''je ne vois pas de différence entre les hommes et les femmes en politique" (ndlr : en "civil", elle est mère au foyer). Samedi dernier, elle s'est rendue sur le marché de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, accompagnée d'une poignée de militants. "Je ne tracte jamais seule, pour des questions de sécurité même si mon secteur - le nord et l'ouest lyonnais - est peu risqué. C'est une règle du parti. Certains quartiers nous sont même interdits car trop dangereux." Sage conseil du "parti". Néanmoins, Marie-Christine ne s'en fait pas trop. "Je pense qu'ils (?) n'oseraient quand même pas frapper une femme." L'ambiance ici est plutôt calme, voire même chaleureuse à l'encontre du EN. Un homme très BCBG recueillant des fonds pour Notre Dame des Sans-abri entame joyeusement la conversation, proposant de prendre le petit livret Gollnisch contre un don ('échanges de bons procédés'). Il faut dire que Marie-Christine sait convaincre son petit monde grâce à ses répliques-choc. Brèves de campagnes : "Il n'y en a qu'un de bon, vous savez qui c'est !" ou encore "Vous avez essayé tes autres. On a vu le résultat", etc. Comme quoi, homme ou femme, au FN. C'est effectivement grosso modo la même chose.

Ouarda Hadid, FAR Comme un poisson dans Vaulx

Ouarda Hadid, juriste et tête de liste du parti France alternative République, fait son marché de campagne dans la joie et la bonne humeur, accostant le quidam le sourire aux lèvres et l'œil complice. Son parti, FAR, souhaite représenter, sans communautarisme, les jeunes issus de l'immigration. Ici, à Vaulx-en-Velin, elle est chez elle et cela se voit. Ce jour-là, elle n'a même plus de tracts. Qu'à cela ne tienne, elle s'en va engager la discussion. Parler aux jeunes des problèmes des jeunes. Parler aux femmes des problèmes des femmes. "Ne pensant pas remporter de mandat, je n'ai que mes valeurs et mes idées à défendre, alors j'y vais." En effet. "Pardon monsieur, pardon madame. Je m'appelle Ouarda Hadid et je fais partie d'un mouvement politique qui souhaite représenter ceux qui ne le sont jamais." Elle l'avoue sans complexes : "Je joue la carte de la séduction et de l'affectif'. Etre une femme est pour elle un avantage. "Je m'adresse à des jeunes filles, à des mères de famille, qui savent que je connais leurs problèmes. Avec les hommes, c'est différent. Ils se laissent facilement aborder par une femme. En revanche. Ils sont plus durs à convaincre."
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