Arrête ou je continue 3

Critique ciné : “Arrête ou je continue”, un film aigre-doux

Présenté lors de la 64e édition du festival de Berlin, le dernier long-métrage de Sophie Fillières réunit à l’écran Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric pour la sixième fois en dix-huit ans. Dans Arrête ou je continue, l’union des deux acteurs se parfait en couple usé, battant de l’aile, sur un doux scénario mêlant mélancolie et humour décalé.

Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric dans “Arrête ou je continue” de Sophie Fillières © Les Films du Losange

Cette comédie (dramatique) présente la particularité de ne pas être drôle dans son essence. L’humour saugrenu de Sophie Fillières trouve sa source dans l’embarras : celui des personnages découvrant au sein de leur couple un parfum dérangeant de rupture proche, mais aussi celui du spectateur, placé tout le long du film à la frontière entre rire et gêne.

Un discret désastre

Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric dans “Arrête ou je continue” de Sophie Fillières © Les Films du Losange

Entre Pierre et Pomme, enfermés dans la routine, rien ne va plus : ni la communication, ni la confiance, ni l’amour, même si le cheminement de l’habitude leur donne encore envie d’y croire. Les dialogues sont courts, maladroits mais surtout absurdes (on dirait presque de l’improvisation). Le début de la fin est traduit dans le rythme : silencieux, entre hésitation et attente parfois légèrement brusquée. Finalement, de tout le film émane un certain néant, et une désagréable acidité vient ronger la fin de la relation des deux protagonistes.

Ce discret désastre qu’est Arrête ou je continue se joue dans un grand réalisme, sur le fond comme sur la forme. Le spectateur assiste “pour de vrai” à la chute libre d’un couple. Il existe encore entre eux une once de tendresse les empêchant de rompre et qui les fait se déchirer de manière subtile : elle lui lance des perches, il soupire, il la dénigre, elle le rabaisse…

Une réalisation “dans le réel”

La réalisatrice est convaincante lorsqu’elle nous fait détester habilement le duo Pierre et Pomme, sans passer par les clichés pré-rupture lourds et redondants. Dans Arrête ou je continue, pas de scènes de ménage à base de cris, pas d’objets qui partent en éclats sous les sanglots des enfants, ni de voisins qui frappent à la porte en menaçant d’appeler la police. Sophie Fillières est dans le réel. Elle filme avec agilité cette amertume et ce vide qui se dégagent d’une vie à deux insuffisante à l’épanouissement personnel.

Un film aigre-doux

Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos dans “Arrête ou je continue” de Sophie Fillières © Les Films du Losange

On est si mal à l’aise devant Devos et Amalric qui s’insupportent à merveille tout en s’aimant (au nom du bon vieux temps), qu’on finit par préférer les scènes où ils sont physiquement séparés. Ensemble, ils s’irritent et sont irritants. Lorsque Pomme s’extirpe de sa vie avec Pierre pour passer quelques jours dans la forêt, elle nous apparaît vraiment. Son refus de retourner dans la société est une manière d'en finir avec son compagnon. À part au garde forestier, à deux lapins amoureux et à un chamois, elle ne parle à personne. Mais à quoi bon parler quand la communication n'arrive plus à résoudre les conflits ?

En donnant une direction symbolique à la fin de cette histoire, Sophie Fillières signe un film aigre-doux plutôt que douloureux. Un souffle de vie savoureux et réaliste. Brillant, tout simplement.

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Arrête ou je continue, de Sophie Fillières, 1h42. Avec Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Anne Brochet et Joséphine de la Baume. Sortie en salles mercredi 5 mars.

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