Corbas : un détenu se suicide après deux jours de détention

Nouveau suicide à la prison de Corbas. Le détenu âgé de 41 ans, incarcéré depuis deux jours seulement, attendait son jugement. Sa famille, sous le choc, dénonce les conditions de garde à vue à Givors et une prise en charge défaillante de l'administration pénitentiaire. Ils envisagent de porter plainte.

Farid Lamouchi avait 41 ans. Ce Givordin est décédé à la maison d'arrêt de Corbas dans la nuit de dimanche à lundi vers 2h du matin. Sa mort serait un suicide. Il se serait pendu au barreau du lit superposé de sa cellule avec ses lacets. Le Samu, arrivé lundi dès que l'alerte a été donnée, n'a pas pu le sauver. Cet homme était incarcéré depuis vendredi et attendait son jugement, qui aurait dû être rendu le 3 février.

Un homme poussé au suicide?

La terrible nouvelle a été annoncée ce lundi matin à son épouse. Son décès a créé une vive émotion chez ses amis et proches. Et après l'émotion, un grand sentiment d'injustice et de colère. Sa famille était rassemblée ce lundi devant le portail de la prison de Corbas avec des pancartes explicites. Elle menace de porter plainte pour violences volontaires contre le commissariat de Givors qui a organisé la garde à vue de Farid et contre la prison de Corbas qui n'a rien mis en place pour protéger leur proche qui suivait un traitement psychiatrique lourd.

La spirale infernale commence le week-end du 1er janvier : un bar de Givors est victime d'un cambriolage. Il manque une machine à café, une machine à cacahuètes et 80 euros dans la caisse. On accuse Farid d'être complice du cambriolage, ce qu'il conteste dès son interpellation. Mais Farid a déjà effectué plusieurs courtes peines de prison ferme pour trafic de stupéfiants et vol et possède un casier chargé. Et des traces de sang permettent de le confondre. Il rétorque qu'il est un habitué et que ces traces ne veulent rien dire.

Une garde à vue qui tourne à l'acharnement

Arrêté mercredi, il effectue une garde à vue de 48 heures, durant laquelle il est assailli de questions. Il le vit très mal. S'ajoutent à cela deux perquisitions musclées à son domicile - qui ne donnent rien. Les agents de police lacèrent un pouf, déchirent les tableaux, cassent les cadres de photos. Lotfi, son frère, explique qu'"ils ont tout mis à sac devant lui et l'ont poussé à bout". Il insiste: "ils l'ont humilié". Il accuse l'inspecteur du commissariat de Givors (ndlr, commissariat déjà mis en cause dans une affaire semblable en 2008. Cf. Lyon Capitale N°676) d'être responsable de cette violence et d'avoir proféré des menaces avant l'arrestation. Pas de commentaire du côté du commissariat. "Ils ont même traité sa femme de "pute" devant lui", affirme Maître Frédéric Lalliard, son avocat. Les agents vont jusqu'à chercher son épouse sur son lieu de travail. A cause de cela, son contrat d'intérimaire ne lui est pas renouvelé.

Vendredi 7 janvier, Maître Lalliard retrouve son client à midi, avant son audience en comparution immédiate, avec des rougeurs dans le cou et des traces de coups. "Il était abattu et en pleurs", note l'avocat, qui espère qu'on le jugera irresponsable du vol. Le suspect a une tumeur au cerveau qui l'empêche de travailler. Il est reconnu à 80 % invalide et touche une pension d'adulte handicapé de 800 euros. Son frère Lotfi indique aussi que Farid est une personne déséquilibrée, avec une toxicomanie et des troubles schizophrènes. Avant l'audience, il écope d'un outrage à un officier de police judiciaire. L'audience se passe très mal. Farid est agressif, violent. "Il a débarqué comme un fou furieux et il ne laissait pas le président s'exprimer. Il s'est fait exclure au bout de 5 minutes," indique son avocat. Suite à cela, le juge demande une expertise psychiatrique.

L'administration pénitentiaire est-elle fautive?

L'avocat confie: "J'ai tout de suite vu qu'il allait très mal et j'étais confiant qu'il allait être placé dans le service médico-psychologique régional de Corbas, du Dr Lamothe". Mais rien de tout cela, aucune mesure particulière n'est prise, alors même que le suspect avoue à son avocat s'être entaillé les veines avec une petite cuiller en garde à vue pour mettre fin à ses jours.

Il demande à être seul en cellule. Le Procureur indique, de son côté, que ce seraient les médecins qui auraient demandé son isolement parce qu'il était dangereux. Il reste qu'il était livré à lui-même dans cette cellule. "C'est inacceptable qu'on l'ait laissé seul, sans prendre de mesures de précaution", s'indigne Me Lalliard. La direction de Corbas n'a fait aucun commentaire, si ce n'est qu'à son entrée au centre, il avait rencontré un médecin pour une visite réglementaire et que ce dernier n'avait rien noté de particulier dans son dossier.

Pourtant, signe concret de son mal-être et de sa détresse, durant le week-end, le prévenu demande à voir un médecin par deux fois. Dimanche à 23h45, il était réveillé et encore en vie, selon la direction de l'établissement. A la ronde suivante, entre 1h30 et 2h du matin, un gardien découvre le corps de Farid à genoux dans sa cellule. Mais le frère de la victime refuse d'y croire: " Ce n'est pas possible. Il faisait 1m88, comment aurait-il pu se pendre à son lit ? Et puis, il prenait des somnifères. A 23h45, il aurait dû dormir depuis longtemps".

Le procureur Marc Désert suit l'affaire de près et compte auditionner les médecins qui ont rencontré le détenu. Une enquête judiciaire est en cours. La cellule a été mise sous scellés. Pour le moment, tout le monde attend les résultats de l'autopsie pour en savoir plus. Ils devraient tomber mardi dans la journée. L'affaire échauffe les esprits à Givors. Farid Lamouchi sera enterré jeudi en Tunisie dans le village où vivent ses parents.

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