Comment Mercier a été réélu

RÉCIT- Comment Michel Mercier a été élu pour la huitième fois à la tête du Département du Rhône et comment les socialistes ont tenté d'inverser cette fatalité.

Mis à jour à 14h56

Hôtel-du-département du Rhône, quelques minutes avant l'élection. Michel Mercier, posté devant une fenêtre du rez-de-chaussée, observe la pluie tomber, songeur. Dernier instant de calme avant la tempête. Sonne quinze heures. Au perchoir du Conseil, le septuple Président Mercier ouvre la première séance post-cantonales par la lecture de la liste des nouveaux élus. Moment de solennité vite achevé. Le Ministre de la justice, désormais officiellement ex-Président, rejoint sa place aux côtés des 53 autres conseillers.

L'élection du nouveau Président du Conseil général est en passe de démarrer. Pour l'occasion, les balcons de la salle du Conseil débordent d'observateurs, journalistes et soutiens politiques. Comme indiqué dans le règlement, la doyenne, Jacqueline Vottero, siègera à la tête de l'assemblée durant le vote. L'élue PS de Saint-Fons ne mâche pas ses mots à l’encontre de Michel Mercier. Candidate victorieuse dans un face-à-face avec le FN, dimanche dernier, elle interpelle le garde des sceaux, ''blessée par [son] silence, par le ni-ni, et surtout blessée d'avoir été mis dans le même sac que le Front National''. La voix est calme, le ton posé, presque doux, mais empli d'intransigeance et de sévérité.

Et un, et deux, et trois

C’est parti pour un tour. Quatre candidats sont désignés par les formations en présence. Thierry Philip pour le Parti socialiste, radicaux et apparentés ; Gilles Buna pour les écologistes ; Martial Passi pour le Parti communiste ; et bien sûr le centriste Michel Mercier. Le président sortant arrive en tête avec 27 voix, suivi de Thierry Philip avec 20 voix. Le PC et EELV ont voté pour eux-mêmes ; reste un bulletin blanc. La majorité absolue étant de 28, il faut recommencer.

Aucun prétendant au perchoir ne se désiste pour le second tour. A l’instar du premier round, les votes alternent entre Mercier et Philip. Au moment de dévoiler le dernier bulletin, Mercier comptabilise 27 voix. On croit alors que c’est fini : Mercier élu au deuxième tour. Erreur : le divers droite Jean-Jacques David a de nouveau voté blanc. Les résultats sont donc les mêmes qu’au premier tour. Les socialistes demandent une suspension de séance, ils sortent de la salle suivis des écologistes. Les tractations peuvent démarrer. Entre les bancs, on chuchote, et on refait les comptes.

Une vingtaine de minutes plus tard, on en est donc quitte pour un troisième tour. Rapide et définitif. Michel Mercier : 28, Thierry Philip : 26. L’ex-président ne l’aura pas été trop longtemps. Même l'initiative de Gérard Collomb pour rallier les radicaux valoisiens n'a pas effleuré Michel Mercier.

Les SMS de Collomb

Depuis dimanche soir, des négociations de couloir ont tenté de faire mentir le résultat des urnes en tâchant de recomposer une majorité de gauche étendue des valoisiens du Parti Radical aux communistes en dépit d'une victoire de la droite dans le Rhône (lire ici). La décision de ce coup politique devait revenir à Jean-Louis Borloo. S'il dictait à Bernard Fialaire et à Daniel Pomeret, les deux élus du Parti Radical, de rejoindre les rangs du PS, des écolos et du PC, les deux élus de Belleville et d'Anse faisaient tomber Mercier. Pour Borloo, l'occasion était en effet belle de faire la nique à l'UMP et, par un grand bras d'honneur, de montrer à Copé sa façon de penser quant à la consigne du "ni-ni".

En début de semaine, l'ancien Ministre de l'Écologie aurait même donné son accord lors d'une visio-conférence avec les radicaux de gauche. Et pourtant mardi matin, lors d'une rencontre avec Michel Mercier, Borloo a définitivement rassuré le garde des Sceaux sur ses intentions. En gage de sincérité, il est même allé jusqu'à lui montrer les nombreux SMS envoyés par Gérard Collomb pour convaincre Borloo de quitter l'UMP et d'éjecter Mercier de la vie politique. Le contenu des messages ne va certainement pas favoriser l'amitié entre les deux hommes et Mercier n'est sans doute pas prêt d'oublier ce qu'il a lu.

Les interventions de Charles Millon

Le seul élément qui aurait pu faire basculer les deux radicaux dans le camp de la gauche eût été de voir Jean-Jacques David, le tombeur de Perben, prendre un poste de vice-président du Conseil Général. Les centristes ne pardonnant toujours pas aux millonistes l'alliance faite avec le Front National en 1998 pour remporter la région Rhône-Alpes. Charles Millon aurait même tenté d'influer sur les négociations à la demande de plusieurs personnalités lyonnaises soucieuses de ne pas voir Mercier rempiler au perchoir du Conseil Général. En instrumentalisant l'ancien ministre UDF de la défense de Jacques Chirac, certains espéraient bien que Mercier fasse le faux-pas de prendre Jean-Jacques David comme vice-président, ce qui aurait eu comme conséquence de voir les centristes rejoindre l'initiative de Gérard Collomb. Juste avant de s'envoler pour le Mali, Charles Millon nous a assuré n'avoir joué aucun rôle précis. dans les négociations sur le Conseil Général du Rhône. Michel Mercier, voyant le coup venir, a rassuré Bernard Fialaire concernant le milloniste Jean-Jacques David. S'adressant à Mercier lors de sa prise de parole publique, ce dernier a bien exprimé cette inquiétude de voir un milloniste rejoindre l'exécutif du Département : "vos discussions avec nous nous ont garanti [qu'il n'y aurait pas] de dérives dans cette assemblée". En définitive, le salut de la gauche serait venu des millonistes, cette branche pourrie de la droite lyonnaise depuis les élections de 1998 à la région Rhône-Alpes. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de la tentative politicienne des amis de Gérard Collomb. Tentative que l'on peut relire au moyen d'un problème classique de la philosophie politique: la fin justifie-t-elle les moyens?

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