Dentexia

Dentexia : l’heure des procès

SANTÉ – Le centre dentaire low cost Dentexia (trois adresses à Lyon) et la nébuleuse de sociétés commerciales qui gravitent autour sont dans le collimateur des juges et du fisc.

Dentexia ()

La justice resserre l'étau sur Dentexia et son gérant, le businessman touche-à-tout Pascal Steichen. Depuis quelques mois, le centre dentaire low cost, auquel Lyon Capitale a consacré plusieurs enquêtes ces dernières années, ne desserre plus les dents. Pour cause, l'administration fiscale a mis le nez dans les affaires pas très nettes du charismatique Steichen.

D'après nos informations, trois redressements et quatre contrôles fiscaux ont été notifiés à Pascal Steichen et deux de ses sociétés. Le 16 juin dernier, Dentexia a fait l'objet d'une proposition de redressement fiscal hors les intérêts de retard de 315 000 euros pour la période 2011-2012 (non-déclaration de la taxe sur les salaires, de la taxe d'apprentissage, de la participation à la formation professionnelle et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Le même jour, la direction spécialisée de contrôle fiscal de Marseille avisait la société Efficiences Odontologiques (véritable colonne vertébrale financière du squelette Dentexia) d'un redressement de plus de 664 000 euros sur la TVA – majorés de 265 000 euros d'amende et 40 000 euros d'intérêts, soit quasiment 970 000 euros. Pis, Pascal Steichen lui-même a été avisé de payer la part d'impôt qu'il a évadée au titre de sa gestion dans la société Diastem (l'une des nombreuses entités du groupe Dentexia) en recevant, en 2012, 247 000 euros de revenus.

Et ce n'est pas fini. Le fisc s'intéresse aujourd'hui de très près à Laboscore (spécialisée dans la fabrication et la vente de prothèses), une autre structure de ce qu'on peut appeler le système Dentexia.

Montages juridiques et financiers douteux

C'est ce "système Dentexia" que le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence sera amené à étudier le 30 septembre. Ce jour-là, les juges consulaires auront à se prononcer sur deux points : d'une part, l'examen du sort d'Efficiences Odontologiques, en redressement judiciaire depuis le 31 juillet à la demande du parquet ; d'autre part, le plan de continuation de la société NPS.

Dentexia ()
dentexia ()

Le but exclusif d'Efficiences Odontologiques est de gérer la galaxie des centres dentaires de Dentexia (3 à Lyon, 1 à Châlon, 1 dans les Hauts-de-Seine, 1 à Marseille, 2 à Paris...). Elle joue, en quelque sorte, le rôle d'adossement. C'est donc une pièce maîtresse du château créé par Pascal Steichen. Quant à NPS, spécialisée dans l'édition de revues et de périodiques dentaires, elle est aussi en redressement judiciaire (après un important redressement fiscal). Or, ces deux structures – dont on pouvait ne pas comprendre immédiatement les liens – sont, depuis peu, étroitement imbriquées. Selon nos informations, Pascal Steichen aurait basculé des comptes clients d'Efficiences Odontologiques vers NPS pour un montant supérieur à 80 000 euros – qui correspondent aux ressources de NPS. But de la manœuvre : éviter la liquidation de NPS.

En d'autres termes, il s'agit rien moins qu'un transfert de facturation entre deux sociétés en grave difficulté financière. Première question : comment Efficiences Odontologiques pourra-t-elle continuer à payer ses dettes avec cette déportation de factures (qui l’appauvrit) ? Seconde question : ce transfert de facturation ne constitue-t-il pas un abus de biens qui porte préjudice aux créanciers d’Efficiences Odontologiques ? Quid alors de l'avenir des deux structures, dont l'une semble être l'assise financière de Dentexia ?

Reprise du réseau Dentexia

Si les juges consulaires aixois devraient donc, en toute logique, s'intéresser à l'ensemble du "système" Dentexia, c'est aussi à la lumière de la récente refonte de ce même réseau.

Car aujourd'hui l'activité de Dentexia et d'Efficiences Odontologiques semble avoir été confiée à un nouveau groupe : Essenza.

Petit retour en arrière. Le 3 juillet, une clinique dentaire ouvre à Lille. La "clinique" sera néanmoins déclarée aux autorités de santé sous la forme d'un "centre" dentaire associatif. Ce centre est géré par la société Essenza Lille – dont les statuts sont déposés le même jour que le jugement du redressement judiciaire d'Efficiences Odontologiques –, elle-même chapeautée par la holding Essenza Européenne de cliniques dentaires.

Dans le giron de ce nouveau groupe gravitent, d'une part, de nombreuses sociétés commerciales, toutes domiciliées à la même adresse et qui ont pour points communs un faible capital de 500 euros et le fait de ne jamais publier leurs comptes (ou, quand elles le font, de présenter des déficits à cinq zéros) ; d'autre part, de nombreuses personnes qui sont en lien direct avec Dentexia (le directeur de développement Essenza est aussi l'actuel adjoint de direction chez Efficiences Odontologiques et cadre de Dentexia). Dans un document interne que nous avons pu nous procurer, il est stipulé noir sur blanc que le réseau Dentexia sera repris par le réseau Essenza. Dentexia aurait solvabilisé son activité dans les comptes d’Essenza pour la somme de 5 millions d'euros.

Échapper au fisc ?

Une question se pose alors : ce mécanisme de rapprochement poursuivrait-il l’objectif peu avouable d’épurer les comptes déficitaires de Dentexia ? C'est ce qu'il semble ressortir de la note en notre possession qui détaille comment "apurer les dettes fiscales et sociales des cliniques et permettre la continuité d'exploitation". En d'autres termes, Essenza, à qui serait désormais confié le réseau Dentexia, permettrait ainsi de ne pas supporter les dettes fiscales et sociales de ce dernier, ni celles, très nombreuses, des fournisseurs impayés (qui s'élèvent à plusieurs millions d'euros).

Selon une source proche du dossier, "en créant le nouveau groupe Essenza, sur le modèle de Dentexia, Pascal Steichen réussit un coup de maître : il maintient le système Dentexia, qui enfante déficits et redressements fiscaux en cascade, mais lui permet de se payer généreusement. Rien de nouveau sous le soleil donc, si ce n'est un joli tour de magie qui floue tout le monde, excepté lui et ses associés".

Les victimes du dentiste low cost

Steichen transforme les dents en or

Steichen transforme les dents en or

Ce montage juridique nébuleux, dans lequel s'imbriquent moult sociétés gigognes qui semblent consciencieusement siphonner les centres dentaires, poursuit un seul et même objectif : enrichir ses instigateurs. En 2012, la rémunération de Pascal Steichen a ainsi frôlé 690 000 euros... alors que le déficit de cinq de ses centres dentaires était d’environ 970 000 euros.

Tout ceci ne serait que passe-passe fiscal s'il n'y avait pas de victimes : des patients, dont certains se sont retrouvés “défigurés”.

Les enquêtes que nous avons menées sur les victimes de Steichen/Dentexia par le passé sont affligeantes.

Derrière ce micmac qui intéresse aujourd'hui à la fois la justice et l'administration fiscale (un examen des arguments que pourrait opposer Pascal Steichen au titre de ses redressements fiscaux doit avoir lieu ces prochaines semaines), des dizaines de victimes attendent en silence. Attendent que Dentexia termine les soins (déjà payés), à savoir la pose de prothèses dentaires pour remplacer leurs dents (c'est toute la question du "surtraitement", posée dans nos colonnes par plusieurs spécialistes). En silence, de peur que des "pressions" de Dentexia les laissent la bouche en compote.

Car, plus Dentexia se fragilise sur le plan économique, plus on peut craindre une multiplication des "surtraitements" (soigner une dent qui n'en a pas besoin).

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