“Poutine, ce terroriste”

Nouvelle tribune du président du Comité pour la défense de la démocratie en Ukraine, qui préside également le comité Ukraine 33.

Dans le cortège républicain du 11 janvier dernier à Paris, alors que des dirigeants du monde entier étaient venus soutenir la France qui venait de connaître trois attaques terroristes en quelques jours, l’un des invités, en retrait, comprenait manifestement qu’il n’était pas à sa place. Cet invité, c’était M. Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, envoyé par politesse en France par Poutine avec beaucoup d’arrière-pensées et une hypocrisie sans limite.

Comment la Russie pourrait-elle en effet prétendre combattre le terrorisme alors qu’elle le soutient, le finance et le répand en Ukraine depuis maintenant près d’un an ?

Slogans antifrançais

Sur le plan intérieur, le Kremlin s’est très vite mis en retrait, pour ne pas dire à contre-courant, en refusant le droit aux Moscovites solidaires de la France de s’approcher de l’ambassade pour y déposer des bouquets et des messages (1). Au même moment, des voix s’élevaient publiquement et en toute liberté, toujours à Moscou, pour fustiger les caricaturistes français assassinés et lancer des anathèmes contre la liberté de la presse en France. En Tchétchénie occupée, sous la houlette du valet de Poutine, le très radical Ramzan Kadyrov, une manifestation monstre regroupant près de 900 000 personnes a fait retentir dans tout Grozny des slogans antifrançais jusque-là inédits. Connaissant la totale sujétion de Kadyrov à Poutine, personne ne peut ignorer que le maître du Kremlin a saisi en ces heures graves l’occasion de lancer un cinglant avertissement à la France et à ses partenaires européens.

Très tôt après l’effondrement de l’URSS, en 1991, la Russie a eu recours à de redoutables chefs terroristes pour mener à bien des opérations de déstabilisation, comme les célèbres Chamil Basayev et Ruslan Gelayev, entraînés par le GRU et envoyés “en mission” pour attiser la guerre entre la Géorgie et l’Abkhazie en 1992-1993 (2). Plus près de nous, la fulgurante ascension de Vladimir Poutine suite aux attentats meurtriers de septembre 1999, qui devaient coûter la vie à près de 300 Moscovites et entraîner le déclenchement de la seconde guerre de Tchétchénie, a toujours laissé planer d’énormes doutes quant à l’implication des services secrets russes, doutes jamais levés à ce jour puisque toutes les enquêtes ouvertes à cette époque ont été abandonnées…

1. Mesure réitérée quelques jours plus tard, près de l’ambassade d’Ukraine, après l’attaque sanglante de la DNR contre un bus de civils près de Volnovakha.
2. À cette époque, la Russie a toujours nié son implication, malgré de nombreux appareils de l’armée de l’air russe abattus sur les théâtres des opérations… Ces terroristes allaient par la suite se retourner contre leurs anciens maîtres lors des deux guerres de Tchétchénie.

De Volnovakha à Marioupol

Le 13 janvier dernier, près du check-point de Volnovakha (région de Donetsk ) tenu par l’armée ukrainienne, une salve de missiles Grad tirée depuis le territoire de la DNR a atteint un bus transportant des civils et tué 13 personnes. Le 22 janvier, c’est en plein cœur de Donetsk qu’un autre bus a été touché, pour un bilan aussi lourd. Cette attaque a été perpétrée presque à bout portant, à l’aide d’un lance-roquettes (et dans un quartier contrôlé par les “séparatistes”), dans une logique monstrueuse qui consistait à faire croire que les militaires ukrainiens venaient de se venger de l’attaque de Volnovakha. Le 24 janvier, enfin, c’est une nouvelle salve de missiles tirée directement sur un marché de Marioupol qui a fait 31 morts et des dizaines de blessés. Cette dernière attaque a été publiquement revendiquée par le président fantoche de la DNR, Alexandre Zakhartchenko, lequel voit dans cette ville portuaire le dernier bastion l’empêchant encore de réaliser le grand dessein de Vladimir Poutine en Ukraine, à savoir l’établissement d’une “Novorossia” ininterrompue entre la Crimée et le Caucase russe.

Qu’y a-t-il de commun entre ces trois attaques qui ont touché l’Ukraine et le massacre de Charlie Hebdo du 11 janvier ? Le terrorisme, tout simplement. Comment nommer autrement ces “petits bonshommes verts” envoyés par Moscou en Crimée puis dans le Donbass dès le mois de février 2014 ? Comment appeler autrement ces mercenaires venus du Caucase, de Sibérie, de Moscou, de Saint-Pétersbourg…, bref des quatre coins de la Russie ? Comment appeler autrement les exécutions, les actes de torture, les enlèvements crapuleux, la destruction des bâtiments publics, des écoles, des aéroports ? Comment appeler autrement l’installation d’armements lourds au milieu des immeubles et des jardins d’enfants, l’utilisation d’engins piégés (jouets, objets de la vie courante) ? Comment expliquer autrement la multiplication des explosions dans les lieux publics, ces dernières semaines, à Odessa et Kharkiv, deux villes stratégiques pour l’expansion de la Novorossia, cet avatar monstrueux du néocolonialisme russe ?

“L’implication de la Russie est totale”

Les attaques terroristes de Volnovakha, de Donetsk et de Marioupol ont rejoint la litanie de drames aussi insoutenables et inacceptables les uns que les autres qui ont émaillé la guerre menée par Poutine en Ukraine depuis un an maintenant. Nous n’avons pas oublié et n’oublierons jamais la tuerie du vol MH17 du 17 juillet 2014 (298 victimes, près de la ville de Torez). La tragédie du MH17 a été très largement documentée et je n’imagine pas un instant que les services de renseignement occidentaux ignorent encore que c’est une plateforme de missiles fournie par la 53e brigade mécanisée de Koursk (en Russie) qui a procédé au tir mortel.

Ces dernières semaines, les relevés satellites ont permis de détecter une immense base militaire russe située entre les villes de Taganrog et de Rostov-sur-le-Don, non loin de la frontière ukrainienne. L’Otan et l’OSCE connaissent à présent parfaitement la situation : c’est à partir de cette base que Moscou envoie depuis plusieurs mois des hommes et de l’armement lourd à destination des “séparatistes”, à travers les sept points de passage qui ne sont plus sous le contrôle des autorités de Kiev. L’implication de la Russie dans cette guerre terroriste est totale, aussi bien par le financement que par l’entraînement des insurgés et l’envoi de soldats, d’armes et de munitions depuis son territoire. Ces dernières semaines, les armes les plus modernes (en dotation seulement dans l’armée russe) ont été utilisées par la LNR et la DNR, dans le cadre d’une offensive de grande envergure pour tenter de gagner du terrain, au mépris total des accords de Minsk.

Cette guerre est bien entendu aussi une guerre coloniale, puisque Poutine n’a toujours pas abandonné à ce jour son rêve de reconstituer la “grande URSS”, mais c’est aussi une guerre raciste. Il est frappant de constater à quel point les “minorités” tatare et ukrainienne sont persécutées depuis l’annexion de la Crimée. Dans le Donbass, chaque ville, chaque village occupé s’est vu interdire l’usage de la langue ukrainienne. Seule l’Église orthodoxe russe est autorisée, les autres confessions (chrétiennes ou non) ont toutes été proscrites.

“Banalisation d’un prochain génocide”

Tout ce qui pouvait rappeler de près ou de loin la culture ukrainienne a été pillé ou détruit (3). Pis, le président de la DNR a d’ores et déjà annoncé qu’il ne ferait plus de prisonniers, ce qui s’est déjà traduit par l’exécution sommaire de 4 militaires ukrainiens désarmés (exécution largement filmée et diffusée sur le Net par ses auteurs) à Krasnyi Partizan, le 23 janvier. C’est ce même individu qui a déclaré lors d’une conférence de presse que les Ukrainiens étaient dirigés par des “représentants pitoyables du grand peuple juif”

On a par ailleurs appris début janvier que plusieurs soldats ukrainiens libérés lors des échanges de prisonniers avec la DNR et la LNR avaient été castrés lors de séances de torture. Castrés pourquoi ? Pour ne pas avoir de descendance, pour vivre comme des handicapés, des “impuissants” ? Que le monde libre se réveille ! L’atteinte portée à l’intégrité physique des populations visées ainsi que l’entrave des naissances sont deux des alinéas de l’article II de la convention de 1948 stipulant les actes devant être définis comme relevant d’un acte de génocide.

Ces dernières semaines, plusieurs crématoriums mobiles ont été acheminés dans le Donbass. Pour quoi faire ? Brûler les cadavres trop nombreux (et encombrants pour les autorités) de “séparatistes” et de militaires russes, sans doute, mais aussi faire disparaître les preuves des exactions et des massacres. Il faut dire et répéter que l’un des idéologues du Kremlin les plus proches de Poutine (A. Douguine) a déclaré dans une interview en juin dernier : “Tant que ces cloportes de Kiev sont au pouvoir, aucun Russe ne pourra trouver le repos. Il faut tuer, tuer, tuer. Et rien d’autre.” Sur le front, les “séparatistes” et soldats russes ont pris l’habitude de désigner les militaires ukrainiens sous le terme péjoratif et déshumanisant de “cafards”. Une étape de plus vers la banalisation d’un prochain génocide…

Pour retrouver ce triptyque diabolique (terrorisme, colonialisme et racisme…) à une telle échelle, il faut remonter à l’époque du monstre Hitler et de son régime nazi honni. Le couple Hollande-Merkel continue à s’épuiser dans des initiatives certes louables, mais qui s’opposent à une logique pourtant claire et implacable : Poutine ne veut pas de solution politique en Ukraine, il veut toute l’Ukraine, un point c’est tout !

3. Les mensonges de Poutine, prétendant voler au secours des minorités russes d’Ukraine, ont depuis longtemps volé en éclats puisque de très nombreux combattants ukrainiens opérant dans le Donbass sont naturellement russophones et n’imaginent pas un seul instant laisser l’armée Russe venir les “sauver” contre leur gré !

La Latgale, en Lettonie, nouveau Donbass ?

Le Monde titrait le 2 septembre dernier : “L’Occident inepte face à la crise ukrainienne”. Cette ineptie n’a fait qu’enfler, depuis. Trop peu a été fait, trop tard. Poutine table sur les divergences de ses interlocuteurs : le nouveau gouvernement grec et Chypre viennent de grossir les rangs des soutiens officiels de la politique du Kremlin. Une fracture de plus dans cette Union européenne dont Marine Le Pen, en France, appelle la disparition de tous ses vœux.

On s’interroge et on se fourvoie sur la question de l’armement de l’Ukraine. Donner les moyens à l’Ukraine de se défendre contre un massacre annoncé serait donc le début d’une spirale infernale ? Théorie stupide et cynique qui consiste à protéger une victime en l’exposant davantage à son agresseur. L’aveuglement occidental est tel que personne ne se rend compte de l’évidence : chaque fois que la souveraineté ukrainienne recule face à la Russie (4), c’est la sécurité de l’Europe qui vacille.

Ainsi, ces derniers mois, la Russie a multiplié les incursions de bombardiers stratégiques dans les espaces aériens balte, scandinave, britannique… mettant en danger plusieurs vols commerciaux. Des maraudes de sous-marins “non identifiés” sont régulièrement observées dans la Baltique. Et, plus grave, en Crimée occupée, des missiles balistiques SS-26 Iskander pouvant être équipés de têtes nucléaires ont été déployés. Reculer en sacrifiant l’Ukraine ne fera que retarder l’avènement du pire. Déjà, sur les réseaux sociaux, des indices de plus en plus concordants tracent les contours de la future cible du Kremlin : la Latgale, région de Lettonie comprenant une forte minorité russe. La Lettonie, rappelons-le, est membre de l’Union européenne et de l’Otan. Doit-on s’attendre à une nouvelle trahison, un nouveau Donbass ?

4. Selon les termes du Mémorandum de Budapest de 1994, l’Ukraine avait transféré en Russie plus de 1 000 ogives en échange de sa sécurité. On mesure à présent la trahison de la Russie et des Occidentaux.
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