Benjamin Lancar
©Abarkod/Wikimedia commons

Soupçons de fraudes massives chez les jeunes UMP

Ils ont voté pour le collège électoral de leur président, dont l'élection aura lieu en septembre, mais n'en attendent rien. Parmi les Jeunes Pop', la colère et le ras-le-bol dominent. Ils dénoncent une élection truquée qui vise à faire réélire le controversé président sortant, Benjamin Lancar. Et veulent porter l'affaire en justice.

Samedi 10 juillet avaient lieu les élections des Conseillers nationaux des Jeunes Populaires. Ces « grands électeurs », élus par département de manière pluri-nominale (un CNJP pour 10 militants), seront chargés d'élire le président des 11000 membres des Jeunes Populaires en septembre prochain, pour un mandat de 2 ans. Benjamin Lancar, l'actuel président controversé pour ses nombreux dérapages (le dernier étant ses propos sur les « tensions ethniques » de l'équipe de France de football sur Beur FM) a finalement décidé de se représenter. Mais depuis quelques semaines, les militants de l'opposition interne dénoncent des cas de fraudes électorales en sa faveur qui semblent se généraliser un peu plus chaque jour : Ain, Rhône, Isère, Seine-Saint-Denis, Yvelines, Allier, Hérault... Déjà deux actions en annulation ont été déposées, l'une en Rhône-Alpes et l'autre en Seine-Saint-Denis, qui vient d'ailleurs d'aboutir et de faire annuler l'élection d'un conseiller national dans le département.

Du "blacklisting" au trucage des listes

Les militants du Rhône sont également très remontés, et pour cause, la liste des irrégularités serait longue comme le bras. Après un "blacklisting" informel des militants opposés à Lancar, qui ne sont plus informés des évènements du mouvement, l'arrivée de l'élection des CNJP aurait donné lieu à une débauche de tricheries outrepassant tous les règlements. Jean-Baptiste Merle, militant présent lors du scrutin du Rhône, raconte : « j'étais là de 14h à la fermeture du bureau de vote, j'ai constaté plusieurs faits troublants. Des procurations non manuscrites, non signées et envoyées par mail ont été utilisées. Un membre de l'équipe en place des Jeunes Pop' du Rhône (l'un des fiefs électoraux de Lancar) est venu ouvrir la fédération à 14h avant que le président du bureau de vote ne soit présent, ce qui peut laisser craindre des bourrages d'urnes. Il n'y avait aucuns isoloirs et des bulletins de vote pré-remplis ont été distribués à certains. Deux personnes ont votés sans carte d'identité, ça leur permet de fausser les votes en rameutant des militants de l'extérieur : un militant parisien a obtenu une procuration pour venir voter à Lyon ! ». L'une des candidates, Alexandra Derepas, confirme le fait que sa carte d'identité et sa carte d'adhérente ne lui ont pas été demandées.

La fraude majeure reste la disparition sur les listes de plusieurs candidats, ceux qui font partie du camp opposé à Lancar... Jean-Baptiste explique son propre cas : « après le mail de confirmation de ma candidature par la RDJ Rhône (Responsable départementale des jeunes), je reçois à 17h la veille de l'élection un second mail me disant que ma cotisation n'est pas à jour, ce qui est faux. J'ai harcelé ma RDJ et le bureau national à Paris pour rectifier la fraude, mais d'autres n'ont pas pu car ils l'ont reçu trop tard ». Ivana Gajic, ancienne RDJ de l'Ain aujourd'hui adhérente dans le Rhône, confirme : « des candidatures CNJP ont été refusées de manière abusive, c'est mon cas également. Nous avons appris la nouvelle la veille au soir du scrutin, à 19h. Le motif de non-renouvellement invoqué est mensonger. Elle a été organisée d'une manière opaque et malhonnête. Marine Courtaud, la RDJ du Rhône, n'était même pas là ! Pourtant c'est elle qui nous a renvoyé les mails refusant nos candidatures ! ».

Un contrôle dans la poche du président ?

Du côté de l'intéressée, on nie tout en bloc : « comme je suis sur la Caravane UMP, ce sont des responsables de l'UMP hors Jeunes Pop qui se sont occupés des élections et utilisé mon bureau avec mon accord, de manière à ce que les élections se passent dans les meilleurs conditions possibles. Si les candidatures ont été refusées, c'est par Paris, et c'est qu'ils avaient une bonne raison de le faire. Je ne suis au courant d'aucune fraude, et je doute fortement qu'il y en ait eu. » A la question du fameux mail envoyé depuis son adresse, la réponse est plutôt évasive : « le bureau de vote à qui j'ai délégué l'organisation a pu l'utiliser, vu que c'est eux qui s'en chargeaient. »

Quand on leur pose la question du contrôle du bon déroulement des élections, les opposants à Lancar rient jaune : « il existe un comité de contrôle, qui est élu par les CNJP... donc par ceux qui éliront le président... », résume Jean-Baptiste. Un autre militant, Pascal, explique la réforme initiée par Lancar sur le vote : « en 2008, il ne fallait envoyer sa candidature qu'à son RDJ. Aujourd'hui, il faut aussi envoyer le dossier au bureau national à Paris, qui est supervisé par Julien Rutard, délégué national du mouvement en charge des adhérents et qui fait partie de la garde rapprochée de Lancar ». Ivana Gajic s'interroge : « peuvent-ils être à la fois juges et organisateurs ? Au final, un seul CNJP opposé à Lancar a été élu dans la liste du Rhône, ils ont bien réussi leur coup ! ».

« Les magouilles de Lancar font le beurre de l'extrême droite »

« Les pro-Lancar ont décidé de faire n'importe quoi pour qu'il soit réélu... Lancar avait déjà bien écorné l'image des Jeunes Pop' mais là c'est carrément des militants qui ruinent la crédibilité des Jeunes Pop qui ne veulent que militer ! » lâche Naguin Zekkouti, ancien responsable du Pôle Réflexion des Jeunes Pop' rhodaniens. Pour Ivana Gajic, le bilan affiche des conséquences plus grave : « certains militants ne veulent plus être ridiculisés quand ils disent appartenir aux Jeunes Pop, ils ne se retrouvent plus dans ce parti, et se radicalisent en entrant au MPF ou au Front National. Les magouilles de Lancar font le beurre de l'extrême droite. »

Ulcérés, une partie des militants lyonnais a dressé un procès verbal à la fédération locale, et constitué un dossier qu'ils comptent porter au tribunal d'instance. « Cette action n'est pas dirigée par un candidat, elle vient de nous, en tant que militants : nous voulons faire annuler l'élection pour la refaire, cette fois dans les règles de la démocratie. ».

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