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Ces élus qui portent la blouse blanche

Parmi les élus, nombreux sont ceux issus du milieu médical, notamment les plus reconnus dans leur discipline. Pourquoi ces as du stéthoscope prennent-ils ces responsabilités ? Jean-Louis Touraine raconte la venue dans son service de Nora Berra qui le défiera plus tard aux municipales.

D’Augagneur à Gailleton, il y a toujours eu à Lyon une grande tradition de médecins politiciens. Avec les élus de la Ville et ceux du Grand Lyon, il y aurait de quoi monter une clinique. Mais qui sont-ils ? Des médecins de campagne qui recherchent leur salut sur le tard dans une petite carrière politique de planqué ? Pas forcément.

Certaines figures de la vie politique lyonnaise actuelle et passée sont même des pointures. Jean-Michel Dubernard par exemple. Le médiatique médecin s’était rendu célèbre en réalisant en 2000 à Lyon la première double greffe bilatérale des mains et des avant-bras. A cette époque, Max, comme le surnomment ses amis, était adjoint au maire de Lyon et député UMP de la 3e circonscription du Rhône. De multiples activités qui ne l’ont pas empêché en 2005 de participer à la première greffe partielle du visage. En 2007, il subira un revers politique, battu aux élections législatives par Jean-Louis Touraine, un de ses confrères.

Le 1er adjoint au maire est chef du service de transplantation et Immunologie Clinique à l’Hôpital Edouard Herriot. Il est une référence citée dans de nombreuses publications internationales en médecine et en recherche. Il a notamment découvert la maladie des lymphocytes dénudés qui isole les enfants atteints dans des bulles stériles, et a réussi la première greffe mondiale de foie fœtal en 1976. "C’était une aventure exceptionnelle qui allait au-delà du cadre médical. Les cellules étaient prélevées sur des fœtus morts, ce qui a créé un tollé de la part des groupes d’extrême droite. C’était un véritable phénomène de société. Il a fallu créer le premier comité d’éthique en France", se souvient-il.

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Pourquoi la politique ?

Mais alors qu’est-ce qui pousse ces médecins déjà bien installés à venir se perdre dans les couloirs de l’Hôtel de Ville, dans les allées du Grand Lyon et parfois même jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ? Aucun ne considère leur engagement politique comme une vocation. Pour Nora Berra, médecin, Secrétaire d’Etat en charge de la Santé et conseillère municipale, "la politique c’est une découverte. La médecine c’est l’inné et la politique c’est l’acquis." Pour Thierry Philip, maire du 3e arrondissement, pédiatre et cancérologue, politique et médecine coulaient déjà dans ses veines. Petit fils d’un député et du célèbre neurochirurgien Pierre Wertheimer et fils de Préfet, il s’était pourtant juré ne pas faire de politique : "j’avais dit que je ne me lancerais en politique que si le Front national représentait une menace. C’est donc l’élection présidentielle de 2002 qui m’a décidé." Et la proximité de la retraite ?

"J’ai regretté d’avoir abandonné la médecine pour la politique"

Mais parfois, les aspirations politiques ne sont pas à la hauteur des espérances. C’est ce que relate Etienne Tête. Gynécologue de formation, il n’a porté la blouse que dix ans avant de se jeter dans la politique. "Il y a une période ou j’ai regretté d’avoir abandonné la médecine pour la politique : de 2001 à 2008, lorsque j’étais adjoint aux travaux, aux marchés publics. Je n’étais alors qu’un super chef de service dans les bureaux." Mais le conseiller régional Vert retient tout de même de "grands moments" : "Mon meilleur souvenir c’est certainement la bataille face à Charles Millon et les amitiés qui se sont crées pendant cette bataille. Une sensation très forte aussi ce sont les salles pleines de militants qui vous applaudissent."

Comment font-ils ?

Si pour lui il n’y a pas réellement de points communs entre politique et médecine, Nora Berra y voit plutôt de nombreuses similitudes : "En médecine comme en politique, notre vocation c'est de nous occuper des autres, et sans cette envie d'améliorer l'état ou la qualité de vie de l'autre, il n'y a ni de bons médecins ni de bons politiques ». « Il faut aimer les gens et vouloir s’investir pour eux. Un bon médecin va vers les gens et sait les aborder. Mais en politique c’est plus perso", nuance Thierry Philip.

Comment alors les élus médecins se partagent-ils entre cabinet et Hôtel de Ville, entre patients et contribuables ? Pour Etienne Tête, ceci n’est possible qu’en exerçant dans un CHU : "pour ma part je n’étais pas hospitalo-universitaire. En travaillant dans le privé, je ne pouvais donc pas matériellement cumuler une fonction politique et médicale." Pourtant, Jean-Louis Touraine estime que pour sa part, il aurait tout à fait pu cumuler ses deux carrières s’il avait travaillé dans le privé. "Il suffit juste de réduire son activité de cabinet. Aujourd’hui je suis à l’Assemblée deux jours par semaine. Tous les autres jours je passe à l’Hôtel de Ville et à l’hôpital. Quand je vois les malades, cela me permet de relativiser les broutilles politiques."

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Le laboratoire à politiques

Il y a quelques années de cela, le professeur Touraine accueillait dans son service un jeune médecin diplômé de la faculté d’Oran : Nora Berra. "Elle est arrivée en difficulté car elle ne pouvait pas exercer en France, son diplôme n’étant pas reconnu. Ça a été un réel plaisir pour moi de l’aider à s’épanouir dans mon service. Je n’ai que deux regrets sur cette période. J’aurais aimé qu’elle passe son équivalence en France, car avec ses connaissances et son expérience c’est quelque chose qu’elle aurait eu sans problème. Deuxième regret, qu’elle se présente contre moi aux élections sans me l’expliquer avant." Pour sa part, Nora Berra garde le souvenir d'une période active et passionnante : "Mon engagement a été moteur dans l'organisation de la recherche clinique. Lorsque j'ai rejoint l'industrie pharmaceutique, plus tard, la reconnaissance de ce service en recherche clinique a permis de lui confier d'importantes études".

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