À Lyon, Mélenchon rêve d’espace et attaque Macron

À Lyon et à Aubervilliers, Jean-Luc Mélenchon a poursuivi sa campagne présidentielle en fustigeant, le lendemain du meeting d’Emmanuel Macron, l’ancien ministre de l’Économie et des Finances.

“Où suis-je ? À Lyon ? débute Jean-Luc Mélenchon. Et maintenant, à Paris.” L'hologramme du candidat de la “France insoumise” apparaît alors à Aubervilliers et sur les écrans d'Eurexpo. En tout, 12 000 personnes à Lyon (dont près de 4 000 à l'extérieur de la salle) et 6 000 personnes à Paris suivent le meeting. A priori, pas de bug, et "seulement deux secondes de décalage", expliquent les équipes de M. Mélenchon. "Je suis à Lyon et à Paris, mais moi, je ne suis pas un clone", s'amuse-t-il.

Un discours sur “les frontières de l’humanité”

Thème central de son discours, le candidat de la “France insoumise” a proposé sa vision de l'avenir de l'humanité à travers trois thèmes : la mer, l'espace et le numérique. "Plus on partage du savoir, plus il y en a. C'est ce qui nous distingue des animaux. Nous partageons le savoir", débute-t-il.

Sur le numérique, plusieurs propositions : la neutralité du Net, l'utilisation de logiciels libres – “Si nous gagnons, j'annonce à Microsoft qu'ils peuvent passer par-dessus bord tout leur travail commun avec l'Education nationale”. Il dénonce aussi la politique fiscale de Google, Facebook, Microsoft, Apple et l'ubérisation de la société : "Nous ne permettrons pas que ces plateformes détruisent nos métiers et nous réduisent à être des travailleurs à la tâche comme au Moyen Âge. Même si la collaboration peut être utile, elle ne doit pas détruire les métiers et la juste rémunération."

“Reconquérir l’espace”

"Vous êtes venus ici avec un GPS, donc vous êtes déjà en contact avec l'espace”, lance Jean-Luc Mélenchon. "Les Français sont le deuxième peuple au monde pour sa contribution individuelle à la conquête de l'espace. Nous concentrons 50 % du travail dans ce domaine !" annonce le candidat, qui souhaite aussi dépolluer l'orbite géostationnaire. "Vous avez vu le film Gravity ?" demande-t-il pour appuyer sa proposition. Il souhaite aussi revenir sur la privatisation d'Arianespace et créer un protectionnisme pour Ariane.

Mélenchon, l’écolo ?

Le candidat de la “France insoumise” consacre ensuite un long passage à l'économie maritime et à la protection des océans, en insistant sur l'importance stratégique que ce secteur revêt pour la France : "La France possède le deuxième territoire maritime du monde. N'est-ce pas extraordinaire ? Nous avons tous les moyens de l’explorer."

Un secteur où il souhaite investir "une part des 100 milliards d'euros d'investissement" qu'il propose s'il est élu. Un monde maritime qu'il souhaite aussi utiliser pour sortir du nucléaire. La mer "contient 75 fois toute l'énergie dont nous avons besoin sur terre !" explique-t-il, annonçant que ce sera "300 000 à 400 000 emplois nouveaux".

Macron dans le viseur

S'il a débuté son meeting en attaquant Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon concentre surtout son feu sur Emmanuel Macron, en meeting à Lyon lui aussi la veille. "Macron [sifflets] incarne une famille de pensée. Celle qui nous a fait si cruellement souffrir au cours des trente dernières années. Ce qui compte pour elle, par-dessus tout, c'est la compétitivité, la flexibilité, et produire avant de distribuer", entame-t-il.

Jean-Luc Mélenchon attaque aussi Emmanuel Macron sur les quelques propositions que celui-ci a avancées la veille dans son discours. Quand Macron veut une Europe de la défense, Mélenchon lui répond : "L'Europe de la défense, c'est l'Europe de la guerre. Et nous sommes pour l'Europe de la paix."

Sur la proposition du candidat En Marche d'ouvrir les bibliothèques le soir et le week-end, le candidat de la “France insoumise” répond : "Les bibliothèques sont déjà ouvertes le samedi." Les ouvrir le dimanche ? "Donc, c'est pour faire travailler les gens le dimanche !" se moque Jean-Luc Mélenchon. D'après lui, Macron "a pourri la vie de milliers de gens, et maintenant, il rajoute les bibliothécaires".

Enfin, sur le chèque culture de 500 euros qu'Emmanuel Macron veut donner aux jeunes de 18 ans : "Je ne sais pas à combien ils se sont mis pour trouver ça. Avant de distribuer des chèques pour consommer de la culture, il faut d'abord la produire. La création ne tombe pas du ciel, il faut que des gens créent et donc puissent vivre dignement."

Hamon presque absent du discours

Deux gauches résolument irréconciliables qui vont chercher aussi à séduire les électeurs PS. Si certains appellent à un rassemblement entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, le candidat n'a pas dit un mot ou presque sur son ancien "camarade" socialiste.

Sans donner de nom, Jean-Luc Mélenchon a seulement donné ses conditions pour un rassemblement : "Chaque fois que l'on nous tend la main, jamais quelqu'un d'entre nous n'a dit non. Mais nous avons toujours dit non aux arrangements en échange de circonscriptions. Ça, il n'en sera pas question. Le sens de ma candidature, c'est cette intransigeance. Je suis le rassemblement des têtes dures, des insoumis à qui on ne le refait pas une deuxième, une troisième fois."

Les élus présents parlent du meeting

Andréa Kotarac, engagé aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, salue "un succès en nombre et en technique. En parlant des frontières de l'humanité, il a répondu à Macron qui veut faire croire qu'il est la modernité alors qu'il représente surtout l'archaïsme, par son action. Il est certain que ce meeting va amener encore plus de monde à nous soutenir par la suite".

Nathalie Perrin-Gilbert, la maire du 1er arrondissement, candidate aux législatives dans la 2e circonscription du Rhône, nous confiait avant le meeting qu'elle était venue “pour écouter” – “Pour le moment, je n'ai pas fait mon choix et je ne sais pas si je vais lui donner mon parrainage. J'ai jusqu'au 17 mars pour le faire.” À la fin du meeting, elle semble enthousiasmée et parle d'un “meeting réussi” : “Je peux me reconnaître sur ce qu'il dit sur la culture, sur la recherche fondamentale et sur la réappropriation du temps long.”

Elliott Aubin, adjoint à la maire du 1er arrondissement : "Jean-Luc Mélenchon a fait un discours sur les frontières de l'humanité en parlant de l'espace, du numérique. C'est différent de Macron qui lui ne parle que du passé. Être ici est important parce qu'il y a Marine Le Pen qui est aussi à Lyon avec ses élus. Et aujourd'hui, on montre que nous, nous sommes avec le peuple."

Paroles de spectateurs

Thomas, 22 ans

"C'est la première grosse élection à laquelle je peux participer. Politiquement, je me cherche. J'ai suivi Hamon durant la primaire. Et j'espère qu’ils vont s'allier, même si Mélenchon a dit qu'il ne le ferait pas si Hamon ne se désolidarise pas du gouvernement. J’aime aussi beaucoup ce qu'il fait sur Internet. C'est intelligent et drôle, et je préfère écouter ce qu'il fait sur YouTube que d'écouter ce que l'on dit de lui à la télé."

Sophie, la quarantaine

"Je ne suis pas du tout la politique, car je n'aime pas trop mettre d'étiquette. J'ai déjà voté pour Jean-Luc Mélenchon, il a beaucoup évolué, il s'est un peu apaisé, même s'il a gardé son caractère. Quand j'ai dit que je venais, mon mari a dit :"Oh, tu vas encore voir l'autre Mélenchon !" Lui il vote plutôt Macron, même s'il commence à se rendre compte que c'est le candidat de la finance. J'espère qu'il va se rassembler avec Hamon, car Hamon a l'air d'un type bien. Et je pense que Mélenchon l'est aussi et qu'il n'a pas de cadavre dans le placard. Si c'était le cas, je serais sur le cul."

Charles-Henri, la cinquantaine

"Ce que j'ai aimé, c'est tout son discours sur le partage et comment il remotive les gens grâce au partage. Il y a eu plein de nouvelles idées, notamment sur la culture. J'ai un souhait, c'est surtout qu'il ne nous vende pas au PS, parce que je préfère une gauche qui perde avec quelqu'un d'honnête qui la représente, plutôt qu'une gauche qui gagne mais qui perde ses valeurs. La primaire de la gauche a montré une révolution des sans-dents et il faut que le Gouvernement s'attende à un retour du bâton dans les dents."

Manon, 23 ans

"J'ai aimé parce qu'il parle de choses dont personne ne parle : la mer, l'espace, les jeux vidéo. J'ai l'impression que ce sont des configurations qui correspondent au monde dans lequel je vis. J'ai aussi aimé ce qu'il a dit sur la recherche fondamentale, et le fait qu'il faut une recherche libre et pas liée à des entreprises, car moi aussi je veux devenir chercheuse. En vérité, je suis inquiète d'une possible alliance avec le PS, et ça m'a rassurée qu'il ait dit ne pas vouloir le faire pour des sièges."

Retrouvez le discours de Jean-Luc Mélenchon commenté par nos grands témoins dans le live de Lyon Capitale.
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