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© photomontage

Dans la tête du petit Nicolas

Alors que la gué-guerre à l’UMP-RUMP ressemble de plus en plus au chahut d’une cour d’école, Lyon Capitale inaugure une nouvelle série de nouvelles, intitulée : Dans la tête du petit Nicolas, bien entendu très directement inspirée de l’œuvre culte de Sempé et Goscinny. Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé, n’est, par conséquent, que fortuitement involontaire.

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François a été renvoyé

Il est arrivé une chose terrible à l’école :

François a été renvoyé ! Ca s’est passé pendant la deuxième récré du matin.

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Nous étions tous là à jouer à la balle au chasseur, vous savez comment on y joue : celui qui a la balle il essaie de taper sur un copain et puis le copain pleure et devient chasseur à son tour. C’est très chouette. Les seuls qui ne jouaient pas, c’étaient Bernard-Henri, qui est absent ; Alain, qui repasse toujours ses leçons pendant la récré, et François, qui mangeait son dernier pain au chocolat du matin. François garde toujours son plus gros pain au chocolat pour la deuxième récré, qui est un peu plus longue que les autres.

Le chasseur, c’était Jean-François, et ça n’arrive pas souvent : comme il est très vicieux, on essaie toujours de ne pas l’attraper avec la balle, parce que, quand c’est lui qui chasse, il fait drôlement mal. Et là, Jean-François a visé Bruno, qui s’est jeté par terre avec les mains sur la tête ; la balle est passée au-dessus de lui, et bing ! Elle est venue taper dans le dos de François qui a lâché son pain au chocolat.

François, ça ne lui a pas plu ; il est devenu tout rouge et il s’est mis à pousser des cris ; alors, la Matrone –c’est notre surveillante- elle est venue en courant pour voir ce qui se passait ; ce qu’elle n’a pas vu, c’est le pain au chocolat et elle a marché dessus, elle a glissé et elle a failli tomber. Elle a été étonnée, la Matrone, et François, ça a été terrible, il a agité les bras et il a crié :

- Nom d’un chien, zut ! Pouvez pas faire attention où vous mettez les pieds ? C’est vrai, quoi, sans blague !

Il était drôlement en colère, François ; il faut dire qu’il ne faut jamais faire le guignol avec la nourriture, surtout quand c’est le pain au chocolat de la deuxième récré. La Matrone, elle n’était pas contente non plus.

- Regardez-moi bien dans les yeux, elle a dit à François ; qu’est-ce que vous avez dit ?

- J’ai dit que nom d’un chien, zut, vous n’avez pas le droit de marcher sur mes pains au chocolat ! a crié François.

Alors, la Matrone a pris François par le bras et elle l’a emmené avec elle. Ca faisait chouic, chouic, quand elle marchait, la Matrone, à cause du chocolat à tartiner que François avait rajouté dans son pain et qui collait maintenant à son pied.

Et puis, monsieur Mouchabière a sonné la fin de la récré. Monsieur Mouchabière est un nouveau surveillant pour lequel nous n’avons pas encore eu le temps de trouver un prénom rigolo. Nous sommes entrés en classe et François n’était toujours pas revenu. La maîtresse a été étonnée.

- Mais où est donc François ? elle nous a demandé.

Nous allions tous lui répondre, quand la porte de la classe s’est ouverte et le directeur est entré, avec François et la Matrone.

- Debout ! a dit la maîtresse.

- Assis ! a dit le directeur.

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Il n’avait pas l’air content, le directeur ; la Matrone non plus ; François, lui, il avait sa grosse figure toute pleine de larmes et il reniflait.

- Mes enfants, a dit le directeur, votre camarade a été d’une grossièreté inqualifiable avec la Matr… avec madame Matone. Je ne puis trouver d’excuses pour ce manque de respect vis-à-vis d’un supérieur et d’un aîné. Par conséquent, votre camarade est renvoyé. Il n’a pas pensé, oh ! bien sûr, à la peine immense qu’il va causer à ses parents. Et si dans l’avenir il ne s’amende pas, il finira au bagne, ce qui est le sort inévitable de tous les ignorants. Que ceci soit un exemple pour vous tous !

Et puis le directeur a dit à François de prendre ses affaires. François y est allé en pleurant, et puis il est parti, avec le directeur et la Matrone. Nous, on a tous été très tristes. La maîtresse aussi.

- J’essaierai d’arranger ça, elle a promis.

Ce qu’elle peut être chouette la maîtresse, tout de même !

Quand nous sommes sortis de l’école, nous avons vu François qui nous attendait au coin de la rue en mangeant un petit pain au chocolat. Il avait l’air tout triste, François, quand on s’est approchés de lui.

- T’es pas encore rentré chez toi ? j’ai demandé.

- Ben non, a dit François, mais il va falloir que j’y aille, c’est l’heure du déjeuner. Quand je vais raconter ça à Papa et à Maman, je vous parie qu’ils vont me priver de dessert. Ah ! c’est le jour, je vous jure…

Et François est parti, en traînant les pieds et en mâchant doucement. On avait presque l’impression qu’il se forçait pour manger. Pauvre François, on était bien embêtés pour lui.

Et puis, l’après-midi, nous avons vu arriver à l’école la maman de François, qui n’avait pas l’air contente et qui tenait François par la main. Ils sont entrés chez le directeur et la Matrone y est allée aussi.

Et un peu plus tard, nous étions en classe quand le directeur est entré avec François, qui souriait avec ses gros sourcils.

- Debout ! a dit la maîtresse.

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- Assis ! a dit le directeur.

Et puis il nous a expliqué qu’il avait décidé d’accorder une nouvelle chance à François. Il a dit qu’il le faisait en pensant aux parents de notre camarade, qui étaient tout tristes devant l’idée que leur enfant risquait de devenir un ignorant et de finir au bagne.

- Votre camarade a fait des excuses à madame Matone, qui a eu la bonté de les accepter, a dit le directeur ; j’espère que votre camarade sera reconnaissant envers cette indulgence et que, la leçon ayant porté et servi d’avertissement, il saura racheter dans l’avenir, par sa conduite, la lourde faute qu’il a commise aujourd’hui. N’est-ce pas ?

- Ben… oui, a répondu François.

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Le directeur l’a regardé, il a ouvert la bouche, il a fait un soupir et il est parti.

Nous, on était drôlement contents ; on s’est tous mis à parler à la fois, mais la maîtresse a tapé sur la table avec une règle et elle a dit :

- Assis, tout le monde. François, regagnez votre place et soyez sage. Nadine, passez au tableau.

Quand la récré a sonné, nous sommes tous descendus, sauf Nadine qui est punie, comme chaque fois qu’elle est interrogée. Dans la cour, pendant que François mangeait son sandwich aux rillettes, on lui a demandé comment ça s’était passé dans le bureau du directeur, et puis la Matrone est arrivée.

- Allons, allons, elle a dit, laissez votre camarade tranquille ; l’incident de ce matin est clos, allez jouer ! Allons !

Et elle a pris Maixent par le bras et Maixent a bousculé François et le sandwich aux rillettes est tombé par terre, du côté des rillettes.

Alors, François a regardé la Matrone, il est devenu tout rouge, il s’est mis à agiter le bras, et il a crié :

- Nom d’un chien, zut ! C’est pas croyable ! Voilà que vous recommencez ! C’est vrai, quoi, sans blague, vous êtes incorrigible !

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A suivre …

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