Palais de justice de Lyon © Tim Douet
Palais de justice de Lyon © Tim Douet

Les méthodes de la PJ en accusation au tribunal de Lyon

Depuis ce lundi, le tribunal correctionnel de Lyon se penche sur une affaire de go-fast* dans laquelle les méthodes de la police judiciaire sont elles aussi dans le box des accusés. (mis à jour à 13h50)

Le dossier s’ajoute à la liste déjà longue des procédures controversées que l’on voit émerger dans les juridictions de Lyon et Grenoble. Devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Lyon comparaît une figure du grand banditisme lyonnais. Mohamed Bessame, dit “Bébé”, et cinq de ses complices sont jugés pour avoir transporté 624 kilos de résine de cannabis dans un go-fast intercepté le 20 juin 2012 au péage de Valence Sud lors d’une spectaculaire opération de police.

Origine de la banlieue de Lyon, Bébé a donné dans le trafic de stupéfiants à Grenoble mais s’est surtout rendu célèbre pour son évasion en hélicoptère de la prison d’Aiton en décembre 2005.

Ce n’est pourtant pas le pedigree de Bessame, ni les 624 kilos de résine de cannabis qui ont occupé les débats de la 16e chambre correctionnelle de Lyon. Au premier jour du procès, comme tout au long de la procédure, ce sont les méthodes de l’antenne grenobloise de la PJ de Lyon qui ont été au premier plan.

Méthodes qui auraient conduit les enquêteurs à exfiltrer de la procédure l’une de leurs taupes dans le go-fast, un dénommé Habib K., bien connu à Grenoble pour être un indic de la police. Ami de longue date de Bessame, K. l’aurait exhorté à faire cette remontée de stupéfiants depuis l’Espagne. Jamais mis en examen dans ce dossier, K. vit aujourd’hui à Grenoble sans se cacher et sans être inquiété. Simplement entendu comme témoin assité par le juge d'instruction, l'implication de Habib K. a totalement été occulté de la procédure et parfois de manière grossière.

Lorsque le juge et les enquêteurs ne parviennent pas à lire la plaque d’immatriculation d'un véhicule censé appartenir à K., tout le monde parvient à la déchiffrer, à commencer par le président de la 16e chambre, Jean-Hugues Gay, qui ne s’est pas privé pour le dire d'ailleurs.

Irrégularités

Il y a également ces bandes vidéo d’une station-service d’autoroute du côté de Grenoble, que les enquêteurs ont récupérées près de quinze jours après l’enregistrement du passage de Bessame, comme l’atteste une réquisition judiciaire. Or, les bandes vidéo sont écrasées au bout de quatre jours, comme l’ont rappelé à la barre deux responsables de la station-service. Les avocats de la défense soupçonnent donc que la réquisition judiciaire tente de corriger a posteriori des irrégularités de procédure. Bizarrement, on ne voit pas la tête de K. sur ces bandes. Qui a alerté les enquêteurs du passage de Bessame, sinon K. ? questionnent les avocats de la défense.

Suppositions ?

Il y a également ce policier du commissariat de Grenoble venu témoigner à la barre du tribunal. Il évoque les méthodes louches de la PJ de Grenoble avec leurs indics, qui s’adonnent à des actes criminels avec l’assentiment de la flicaille de la capitale des Alpes : le braquage du casino d’Uriage, celui de la bijouterie Delatour sont évoquées. Les accusations sont graves, mais personne ne bronche. Le procureur de la République tente un timide “Ce ne sont que des suppositions”. Mais le témoin affirme qu’un président de cour d’assises de l’Isère lui a confirmé que Habib K. était un indic de la PJ de Grenoble. Le nom de ce haut magistrat est donné à la barre. Personne ne le convoquera cependant. Les usages veulent que l’on ne mette pas dans l’embarras un si haut magistrat.

Supplément d'information

La procédure est truffée de faux procès-verbaux, de manipulations et de dissimulations diverses. Les avocats de la défense plaideront la relaxe, quand bien même les 624 kilos de résine de cannabis ont été retrouvés et que les prévenus reconnaissent les faits.

Dans l’hypothèse où Habib K. serait bien l’infiltré de la PJ qui a permis d’interpeller Bessame et ses complices, les éléments de preuve recueillis l’auraient été de manière déloyale. Justement, la jurisprudence condamne les procédés déloyaux ou illicites dans l'administration de la preuve auxquels se livreraient policiers et magistrats.

Ce mardi matin, Me Sayn, avocat de Bessame, a déposé des conclusions pour réclamer un supplément d’information sur toutes les dissimulations qui traversent le dossier. Par exemple, les fadettes (factures détaillées) de Habib K. n'apparaissent étrangement pas dans le dossier alors que sa ligne a été identifiée. “Monsieur le président, vous êtes le dernier recours dans ce dossier. Car, tout au long de l’instruction, on n’a rien eu !” Tout au long de la procédure, les demandes d'actes des avocats de la défense ont en effet toutes été rejetées.

* Pour l’explication de ce mode opératoire, voir : “Go-fast et double réservoir, les pratiques des trafiquants de drogue évoluent”

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