Emmanuel Grand Quai du Polar Leipzig
©Mathilde Régis

Quand le polar rapproche Lyon de Leipzig

Jumelées depuis 1981, les villes de Lyon et de Leipzig partagent pour la deuxième année consécutive la passion du polar. Ce samedi soir, la ville la plus peuplée de Saxe accueillait six auteurs français publiés en Allemagne pour "Krimi à la française", organisée avec la complicité de l'équipe lyonnaise de Quais du Polar.

Casque sur les oreilles, l'audience est particulièrement attentive. Au sous-sol du Café Telegraph, le public est concentré pour écouter des auteurs français lire des passages de leurs romans. Alors que la foire du livre bat son plein à Leipzig, l'Institut français a organisé pour la deuxième année consécutive un événement spécialement axé sur le polar francophone du 15 au 18 mars. Comme à Lyon lors de Quais du Polar, une enquête dans la ville a été proposée aux scolaires ainsi qu'au grand public. Écrite par Volly Tanner, l'une des figures de l'underground lipsien, l'enquête démarre sur le cambriolage d'une radio de la ville et la mystérieuse disparition d'une interview d'un couple de jeunes parents binationaux qui les emmènera dans des lieux clés de la ville. Les enquêteurs amateurs, sollicités par l'inspecteur Shevek, peuvent ainsi remporter un week-end pour deux personnes à Lyon s'ils sont les premiers à résoudre l'affaire des "enfants de Leipzig et de Lyon", qui a comme volonté de mettre en avant des valeurs solidaires et démocratiques.

Des liens culturels forts entre les deux villes

Si le jumelage entre Lyon et Leipzig date de 1981, le lien établi autour de la littérature policière a vu le jour l'année dernière à l'occasion de l'année de la France de la Foire du livre allemande. Lors d'une première édition, l'enquête dans la ville avait attiré plus de 2000 participants à Leipzig. "Les liens culturels entre les deux villes sont très forts autour de la musique classique et de l'art contemporain", explique Joëlle Molliera, chargée de mission partenariats internationaux à la Métropole de Lyon. Et grâce au travail de l'Institut français de Leipzig, le roman noir vient désormais s'ajouter à cette liste de passion commune. "Il y a une culture du polar à Leipzig et énormément d'ouvrages français traduits. Comme Quais du Polar marche très bien à Lyon, il n'y a aucune raison que ça ne marche pas dans une ville partenaire", ajoute-t-elle.

Valoriser le polar français

Après une première rencontre avec le public allemand dans l'immense bâtiment qui accueille la Foire du livre, c'est dans un lieu plus intimiste que s'est déroulée la nuit du polar francophone de l'Institut français ce samedi soir. Les auteurs français Jérémy Fel, Emmanuel Grand, Grégoire Hervier, Joseph Incardona, Louise Mey et Antonin Varenne étaient attendus pour trois tables rondes autour des romans policiers. Touché par cette première rencontre avec le public allemand autour de son deuxième roman, Les salauds devront payer, Emmanuel Grand s'amuse d'ouvrir le livre sur lequel il a passé plusieurs années et "ne rien y comprendre". "C'est une expérience assez étonnante" confiera-t-il à la salle après la lecture d'un extrait de son roman, traduit en direct en allemand pour l'audience avant d'être lu de nouveau par une lectrice allemande. Il expliquera ensuite à la salle ce qui fait le sel de l'écriture d'un polar social. "Je donne une importance significative à faire voyager le lecteur dans les lieux que les personnages traversent". Une petite île en Bretagne,une ville désindustrialisée du Nord de la France puis le Congo et les appétits de la France et de la Chine pour ses ressources minières sont, à chaque fois, "un personnage à part entière".

La fiction pour aborder les sujets sociaux

Louise Mey a choisi quant à elle de mettre la femme au centre de ses romans en créant une brigade du crime et des délits sexuels et son duo de flics, Alex et Marco. "Je voulais écrire pour que les femmes soient au centre, car j'en ai un peu marre de l'histoire de la princesse à sauver", explique-t-elle. Après avoir lu un passage de son roman Embruns, elle expliquera à la salle les recherches sociologiques qu'elle a effectuées sur les violences faites aux femmes, bien avant le mouvement de libération de la parole de ces dernières sur les réseaux sociaux. Son prochain roman, dont la sortie est prévue en mai, se penche d'ailleurs plus précisément sur le harcèlement en ligne et la difficulté, voire l'impuissance de la justice à agir sur le virtuel. Après des lectures et interventions nourries par les applaudissements de la salle, les six auteurs français ont pu continuer la rencontre avec le public de Leipzig lors de séances de dédicaces.

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