“Permis de tuer”, le documentaire qui interroge la légitime défense

Le documentaire Permis de tuer d’Agnès Pizzini s’interroge sur la question de la légitime défense au travers de l’affaire Fournié dans le Tarn. Il est projeté en avant-première le 19 mai au Pôle Pixel à Villeurbanne.

L’affaire avait fait grand bruit. Le 14 décembre 2009 à Laveur, petite ville ultra tranquille du Tarn, le cafetier Luc Fournié abat sans sommation Jonathan Lavignasse, 17 ans alors que le jeune homme était entré par infraction dans son établissement avec un ami. Point sensible dans l’affaire : Luc Fournié attendait les cambrioleurs dans la réserve. Le fait-divers prend une ampleur nationale, relançant la question de la légitime défense.

Avec Permis de tuer, Agnès Pizzini se plonge dans le quotidien de Laveur à quelques mois du procès qui acquitterait ou non Luc Fournié. L’affaire cristallise une certaine actualité qui se dessine depuis des années en France : l’existence d’un réel soutien populaire envers ceux qui se sont fait justice eux-mêmes. Luc Fournié est très écouté à Laveur contrairement à Estelle Lavignasse, la mère de Jonathan qui a d’ailleurs dû quitter la ville après des insultes, des menaces et des attaques racistes. Elle a vu son fils appelé “le négro voyou” et son éducation remise en cause.

“Peut-on accepter que des hommes et des femmes se fassent justice eux-mêmes ?”

À l’inverse, peu s’accordent à trouver le geste de Luc Fournié, commerçant placide et sensible très apprécié de ses habitués, déplacé au vu de la menace que représentaient deux enfants non armés. Agnès Pizzini donne la parole aux deux parties pour explorer cette difficile question qu’est la légitime défense. L’idée pour la réalisatrice est de faire comprendre que “la réponse judiciaire apportée à cette affaire nous interroge tous dans notre place de citoyen. Peut-on accepter que des hommes et des femmes se fassent justice eux-mêmes au nom de l’autodéfense ?” Autrement dit, ce qui est questionné ici c’est la place de l’État de droit. On retrouve le même son de cloche chez Jérôme Duc-Maugé, producteur du film qui estime que son “métier est de questionner la société et qu’un 1.5 millions de like pour un bijoutier qui a tué un cambrioleur, ça m’interpelle.

Dans le film, les deux camps affûtent leurs arguments comme autant de couteaux à planter : d’un côté le ras-le-bol, la peur et la défense de ses biens et de l’autre un enfant qui a “fait une gigantesque connerie” et qui aurait dû être réprimandé sévèrement pour ses actes. D’un côté l’avocat de la défense, Maître Catala pour qui son client a agi en “père de famille” et de l’autre Maître Cohen pour qui “accorder la légitime défense dans ce cas là serait une régression primitive”.

L’État contre la violence individuelle

Tout réside ici dans le titre, Permis de tuer, une référence à James Bond qui lui a le droit d’abattre pour la sécurité du Royame-Uni. Agnès Pizzini rappelle le Léviathan de Thomas Hobb qui écrit “la nécessité de soustraire au citoyen tout moyen de vengeance, en mettant en place un pouvoir étatique qui confisquerait la violence individuelle au profit de l’État.

Au-delà de ces questions, un parallèle inévitable se dessine et pose une réelle question : avec tous les scandales liés à la légitime défense et au port d’armes aux États-Unis, veut-on voir un système similaire s’installer en France ? Luc Fournié, pour qui sa faute a été “d’être plus citoyen que citoyen”, veut juste un “havre de paix”.

Le documentaire est produit par Cocottes Minute Productions, installées au Pôle Pixel de Villeurbanne. Le studio 24 du Pôle Pixel le diffuse en avant-première ouverte à tous sur réservation le 19 mai dernier en présence de la réalisatrice et de Florence Verrey-Carron, déléguée régionale à la culture.

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