Mécénat : les recommandations de la CRC à la Biennale de Lyon

La chambre régionale des comptes a salué la situation financière – “un résultat net positif” pour l’exercice 2012-2014 – de l’association Biennale de Lyon, tout en adressant plusieurs recommandations pour que celle-ci clarifie ses politiques de mécénat et d’appel d’offres.

Ce mardi, la chambre régionale des comptes (CRC) d'Auvergne-Rhône-Alpes a publié son rapport sur l'exercice 2008-2014 de l'association Biennale de Lyon, qui organise les biennales de danse et d'art contemporain. La CRC salue une situation financière avec "un résultat net positif" pour l'exercice 2012-2014. Les magistrats notent aussi que les "comptes de l’association sont globalement fiables". L'association disposait d'un budget de 7 914 478 euros en 2014, dont 65,63% provenaient de subventions publiques (1). Pour autant, la chambre régionale des comptes soulève plusieurs points juridiques sur lesquels l'association doit se mettre en règle, notamment sa politique de mécénat.

1. 2 740 000 euros du Grand Lyon, 956 988 euros du conseil régional, 1 439 173 euros de l'État et 58 029 euros de subventions diverses.

Des mécènes chouchoutés

Avec 1 603 185 euros de dons en 2014, le mécénat représentait une part non négligeable des finances de l'association Biennale de Lyon. En retour, cette dernière organise des soirées privées ou des voyages organisés à l'intention des membres du Club de la Biennale et de ses “grands partenaires”. L'objectif : "fidéliser et remercier les donateurs en leur offrant un parcours culturel dans une cité à la dimension artistique internationalement reconnue (New York, Londres, Barcelone, Venise, Berlin, Lisbonne, Bruxelles", écrit la CRC.

"Les membres du Club paient l'intégralité de leur voyage et la totalité des coûts induits pour l'association [...] Les grands partenaires paient leur transport et leur chambre d'hôtel lorsque le soutien de leur entreprise à la Biennale est inférieur à 100 000 euros [et], au-delà d'un soutien de 100 000 euros, la Biennale prend en charge le transport et l'hôtel", explique l'association.

Ces voyages, selon la Biennale, constituent un investissement "judicieux" puisqu'en 2013 les frais liés aux partenariats ont représenté 630 054 euros (salaires compris) quand le mécénat a rapporté 2 294 079 euros. Malgré un solde positif de cette politique, la CRC rappelle que le mécénat se définit comme "le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général". Un mécénat que ces entreprises peuvent utiliser pour obtenir des réductions de l’impôt sur les sociétés de 60 % du montant du don effectué en numéraire ou en nature (dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxe).

"La Biennale s’est engagée dans une politique ambitieuse de mécénat qui présente des risques juridiques qui mériteraient d’être soumis à ses organes délibérants, à qui il appartient de les endosser ou non. Leur complète information et un suivi financier détaillé (notamment au rapport d’activité) des différents types de mécénat et de partenariat sont indispensables", conclut la CRC.

Des défauts dans les appels d’offres

La chambre régionale des comptes avait déjà fait état d'un non-respect de la réglementation en matière de commandes publiques lors de son précédent contrôle, portant sur la période 2005 à 2007, et avait alors recommandé à l'association "de respecter des règles plus strictes en matière de publicité pour ses commandes, même si elle affirme faire appel à au moins trois prestataires de service avant de se décider. Ce formalisme serait souhaitable au-delà d’un certain seuil de commande globale prévisionnelle, par exemple celui de 90 000 €, par analogie avec ce qui est prévu en matière de marchés publics. L’association aurait tout intérêt à formaliser un guide interne pour ses achats et commandes, lui permettant de s’assurer du respect de ses obligations dans la mise en œuvre de l’ordonnance du 6 juin 2005".

Ces recommandations n'ont pas été respectées. L’association s’affranchit de toute publicité ou mise en concurrence pour l’essentiel des prestations de service auxquelles elle a recours, écrit la CRC. La pratique généralisée de l’attribution de gré à gré de prestations récurrentes à des mêmes entreprises rompt la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement de candidats potentiels."

Quand l'association réalise un appel d'offres, les critères en sont flous : "Ils révèlent une confusion entre les éléments qui doivent relever de l’appréciation de la capacité technique, professionnelle et financière des candidatures et ceux qui correspondent à de véritables critères d’attribution des offres", poursuit la CRC.

La chambre note aussi que certains mécènes sont prestataires de services pour l'association. La CRC indique que le commissaire aux comptes, la société In Extenso – "qui vend à la Biennale une prestation annuelle de 10 000 €" – est aussi mécène de l’association à hauteur de 100 000 euros (40 000 euros, avec la déduction fiscale). Pour autant, cette transaction s'est faite à somme positive pour la Biennale, qui a reçu plus d'argent en dons qu'elle n'en a donné en prestation. On l’imagine donc difficilement faire faire sa comptabilité par un concurrent.

Autre exemple : le prestataire de services techniques et artistiques, GL Events, a offert, "au titre d’un don en mécénat évalué à 47 300 €, la sonorisation du spectacle donné place Bellecour à l’occasion du défilé 2014 alors qu’il est prestataire technique et artistique régulier de l’association en dehors de toute procédure de mise en concurrence (pour des montants annuels de prestations entre 50 000 et 100 000 €)", écrit la CRC. Mêmes arguments pour le prestataire d’impression graphique, qui a apporté 22 880 euros de don en 2014 et effectué des prestations pour un montant de 27 501 euros la même année.

La question des frais de taxi

La chambre relève que pour l'année 2014 les frais de taxi de la directrice générale ont "été pris en charge à hauteur de 4 470,10 €, dont 55% de ces déplacements correspondent à des déplacements domicile-travail" et qu’elle disposait "d’une carte bancaire de l’association, qui a servi, la même année, à retirer pour 2 644 € d’argent liquide et à payer pour 23 975,68 € de dépenses diverses (…) dont 37 % de ce montant était toujours dans l’attente d’une justification neuf mois après".

Concernant le taxi, l'association a indiqué qu'il s'agissait de trajets "domicile-travail effectués lorsque les délais et les contraintes imposés par l’emploi du temps professionnel ne permettaient pas d'utiliser les transports en commun ou quand la charge de travail l’exigeait". Quant à la carte, elle explique qu’"exceptionnellement sur l'exercice 2014 une partie des justificatifs des frais engagés a été remise tardivement à la comptabilité du fait d'une longue et renouvelée absence de l’assistante en charge de cette tâche. Cette remise tardive et discontinue a été à l'origine d'une difficulté ponctuelle et inhabituelle à retrouver quelques factures ou tickets de caisse".

L'association a aussi assuré qu'elle allait modifier son mode de contrôle en mettant en place "une procédure écrite et approuvée de l'utilisation de sa carte bancaire. Cette procédure devra, en particulier, prévoir des plafonds d’emploi et des délais de remise des pièces".

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