Ennio Morricone affiche
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Concert : Morricone, une légende de l’Ouest à la Halle

En grande pompe. C’est ainsi que se présentera l’immense Ennio Morricone, 86 ans, double musical de Sergio Leone mais pas que, sur la scène de la halle Tony-Garnier ce mercredi, pour diriger un colossal ensemble chargé de se débattre avec le meilleur de sa colossale œuvre. Étrange impression et grand privilège que de voir une légende se célébrer elle-même de son vivant, en un ultime tour de piste.

Ennio Morricone © DR

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Ennio Morricone.

Au jeu si drôle (sauf pour les intéressés) du “mort/pas mort”, Ennio Morricone pourrait être un sérieux client. D’abord parce que, à force de légende ayant dépassé la réalité, on ne sait plus très bien qui du mythe, de l’homme ou des deux est encore vivant. On ignore par exemple souvent qu’Ennio Morricone est le seul compositeur de l’histoire à avoir reçu de son vivant un oscar pour l’ensemble de son œuvre – le genre d’attention qui vous colle un pied dans la tombe et, s’il y est déjà, y précipite le second.

Plus de 500 au compteur

Comme un symbole, après avoir été empêché dans sa gigantesque tournée des popotes par une grave maladie, Ennio Morricone a annoncé lui-même officiellement son retour sur scène. Ce que l’on savait déjà, en fait. Au programme, un barnum invraisemblable de 170 musiciens et choristes, des surprises et ses plus grandes œuvres composées pour le cinéma.

Et des grandes œuvres, il y en a plus qu’il n’en faut. Car Morricone, 86 ans, a composé plus de 500 scores, dont des dizaines sont inoubliables. Bien sûr, le Romain a œuvré pour la crème du cinéma italien, qui plus est au plus fort de sa carrière, à une époque où le cinéma italien vit son âge d’or : Pasolini (sur tous ses chefs-d’œuvre), Marco Bellocchio, Elio Petri, les frères Taviani, Dino Risi, Bertolucci, le maître du giallo Dario Argento, Lucio Fulci (le George Romero italien), Sergio Corbucci (l’autre grand maître ès spaghetti) – une liste raccourcie qui à elle seule permet de se rendre compte de la capacité de Leone à travailler, tout en imprimant sa patte, avec tous les types de cinéastes et tous les genres de cinéma.

Le son du spaghetti

Mais c’est avec le plus américain d’entre eux, celui qui entrera à Hollywood par la fenêtre du western spaghetti, cette relecture postmoderne et esthétisante du mythe compassé de l’Ouest qui donnera une seconde jeunesse au genre et des références au cinéma pour les trente ans à venir, que Morricone accédera au statut qui est le sien : Sergio Leone.

Henry Fonda dans “Il était une fois dans l’Ouest”, de Sergio Leone © DR

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Henry Fonda dans “Il était une fois dans l’Ouest”, de Sergio Leone.

Leur collaboration débute avec Pour une poignée de dollars et, à partir de là, on n’imagine plus les images de l’un sans la musique de l’autre et vice-versa. Le Bon, la Brute et le Truand, Il était une fois dans l’Ouest, Il était une fois la révolution et bien sûr le chef-d’œuvre américain de Leone, Il était une fois en Amérique (dont Morricone composa la musique avant le tournage du film afin qu’elle puisse être jouée sur le plateau pour mettre les acteurs dans l’ambiance).

De ce côté-ci de la frontière, on se souvient surtout des BO du Clan des Siciliens d’Henri Verneuil, de La Cage aux folles (eh oui, et même de ses suites) ou de la célébrissime scie du Professionnel de Georges Lautner, qui fit aussi les grandes heures d’une marque de pâtée pour chien.

Aux États-Unis, le CV est tout aussi impressionnant : John Boorman, Terence Young, Terrence Malick (Les Moissons du ciel), Roland Joffé (Mission, l’une de ses plus belles réussites), Samuel Fuller, Don Siegel, Richard Fleischer, De Palma (Les Incorruptibles), William Friedkin, Oliver Stone et bien sûr Quentin Tarantino, l’un de ses plus grands fans. On sait peut-être moins que Morricone composa également le fameux Here’s to You de Joan Baez, sur la BO de Sacco et Vanzetti – ou qu’il fut repris sur un album entier par... Mireille Mathieu, ce qui vaut toutes les distinctions du monde.

Ces légendes qui ne meurent jamais

Tout le monde (c’est la marque des grands compositeurs) a une musique de Morricone qui le suit depuis l’enfance, liée à un film, à une image, à ces successions de notes qui semblent d’une simplicité évangélique mais laissent une empreinte indélébile et complexe dans le cerveau, faite d’images et d’une espèce de frisson qui vous saisit.

Quand, par exemple (non contractuel mais personnel, on s’en excuse), résonne le thème sautillant de Mon nom est Personne ou, dans le même film, celui follement épique citant la Chevauchée des Walkyries qui, sous le regard amusé de Personne (Terence Hill), accompagne Henry Fonda alias le cow-boy vieillissant Jack Beauregard dans son ultime combat, seul contre la Horde Sauvage, à la toute fin du film, personne (sauf... Personne et le spectateur) ne sait que Beauregard, vieille légende de l’Ouest “entrée dans les livres d’histoire” dont la mort a été mise en scène, est toujours de ce monde. Sa gloire a fait de lui un mythe et l’éternité un fantôme. Bref, toujours la même histoire de légendes qui ne meurent jamais.

Ennio Morricone – Mercredi 18 mars à 20h (ouverture des portes à 18h30), à la halle Tony-Garnier, Lyon 7e/Gerland.
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