Collomb Mercier
Michel Mercier et Gérard Collomb

L’eurométropole de Lyon : rêve ou réalité ?

Bernard Constantin, ancien responsable de l’aménagement du territoire à la préfecture de région (Sgar), critique dans la tribune ci-dessous le projet de métropole actuel et prône un élargissement de la vision territoriale.

La nouvelle “métropole de Lyon” n’a pas le niveau européen

Créée par la loi de décentralisation de décembre 2013, cette nouvelle collectivité territoriale, qui se substituera début 2015 à la communauté urbaine du Grand Lyon et au département du Rhône, ne permet pas à Lyon, loin s’en faut, d’atteindre la dimension européenne pour rivaliser avec Barcelone, Milan, Munich, Francfort ou Manchester, contrairement à ce qu’affirme Gérard Collomb.

La taille critique européenne est de l’ordre de 3 millions d’habitants, Barcelone ou Milan étant même plus proches de 5 millions. Seules quelques grandes métropoles en Europe n’ont pas plus de 2 millions d’habitants, mais elles sont des capitales politiques comme Stockholm, Copenhague, Dublin ou Amsterdam, ou de grandes places financières comme Zurich ou Genève (par ailleurs, grand centre diplomatique international). Ce n’est pas le cas de Lyon, qui a un profil plutôt moyen et généraliste (malgré ses pôles de compétitivité).

Si la taille démographique n’est pas un objectif en soi, elle traduit néanmoins en Europe un potentiel et une capacité d’action. C’est une condition nécessaire. Il faut bien sûr, par ailleurs, de grandes fonctions métropolitaines, une bonne accessibilité, un aéroport international, un cadre de vie de qualité et une capacité à s’inscrire dans toutes sortes de réseaux, afin d’attirer les talents et les investisseurs, développer les centres de décision, les organismes de recherche, les entreprises innovantes, les salons, les congrès…

Or, cette nouvelle “métropole de Lyon” reste strictement dans les limites du périmètre actuel du Grand Lyon, avec ses 1 300 000 habitants, sans même intégrer à cette occasion le pôle multimodal de Saint-Exupéry, faute stratégique grave. Et la fusion des compétences de la communauté urbaine et du département du Rhône sur ce périmètre limité n’ajoute rien au potentiel lyonnais (ni en superficie, ni en population, ni en ressources fiscales, ni en richesse économique). Dans cette configuration, Lyon ne peut donc pas être une métropole de niveau européen.

Selon la Datar, au vu d’un ensemble de critères métropolitains, Lyon n’est pas aujourd’hui dans le peloton de tête des 25 premières métropoles européennes mais dans un deuxième groupe d’une trentaine de “métropoles moyennes”, dans lequel on trouve également Marseille ou Toulouse.

Même à l’horizon 2040, selon l’Insee, la “métropole de Lyon” ne gagnera que 200 000 habitants, pour atteindre 1 500 000 habitants, donc très loin de la taille critique européenne, et heureusement, Lyon n’ayant pas intérêt à rechercher l’hyperconcentration. Pour atteindre les 3 millions d’habitants, Lyon n’a donc pas d’autre solution que de changer d’échelle en organisant des partenariats et des alliances avec ses voisins !

La nouvelle “métropole de Lyon” vise un objectif principalement financier, difficile à atteindre, mais constituant un enjeu majeur

Outre la recherche d’une plus grande efficacité des politiques publiques, tout à fait pertinente, notamment en matière sociale, cette nouvelle collectivité territoriale a principalement un objectif financier : la recherche d’économies. La suppression d’un échelon peut en effet permettre de réaliser des économies, mais sous réserve d’une réorganisation drastique des services de la communauté urbaine et du département, difficile à mettre en œuvre. Par ailleurs, un nouveau département du Rhône est créé pour la partie résiduelle hors métropole, avec ses prérogatives, ses effectifs, ses coûts de fonctionnement. Au final, cette réforme institutionnelle devrait engendrer plus de coûts que d’économies.

Si l’on avait vraiment voulu que la “métropole de Lyon” permette de faire les économies espérées, il aurait fallu supprimer le département du Rhône et créer la nouvelle métropole sur l’ensemble départemental ou, au moins, sur le périmètre du schéma de cohérence territoriale (avec l’espace de Saint-Exupéry), l’Ouest lyonnais étant alors rattaché au département de la Loire. Après répartition du budget départemental actuel et compensation, les quelque 3,5 milliards d’euros du budget annuel de la nouvelle métropole seront probablement trop justes pour faire face dans le temps à la charge des nouvelles compétences, notamment sociales (sans oublier le musée des Confluences), alors que les quelque 700 millions d’euros annuels du nouveau département du Rhône seront vraisemblablement plus confortables.

Quoi qu’il en soit, cette réforme ayant été ainsi validée par la loi, le choix n’est plus possible. Ce double objectif de recherche d’efficacité et d’économies constitue donc désormais un enjeu majeur pour la “métropole de Lyon”.

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Pour devenir une métropole de niveau européen, Lyon doit changer d’échelle, sur un modèle de développement urbain durable et équilibré

Alors que la plupart des grandes métropoles européennes atteignent cette taille de 3 millions d’habitants dans un territoire relativement restreint, avec une densité élevée, Lyon doit au contraire s’appuyer sur un territoire beaucoup plus large et aéré pour y parvenir. Or, le grand bassin de vie et d’emploi de Lyon, dans un rayon d’environ 60 km autour de Lyon, est déjà vécu par bon nombre d’acteurs comme le “territoire métropolitain” de Lyon, pertinent pour traiter efficacement les questions de transport, de développement économique, d’enseignement supérieur/recherche ou d’environnement, quelles que soient les frontières administratives et politiques entre les entités qui le composent. Il comprend l’espace de Saint-Exupéry, le sud de la Loire avec Saint-Étienne, le Nord-Isère avec L’Isle-d’Abeau/Bourgoin, l’Isère rhodanienne avec Vienne, la plaine de l’Ain et la Bresse avec Ambérieu et Bourg, le Beaujolais et le Val-de-Saône avec Villefranche voire Mâcon, chacun avec ses atouts et ses spécificités.

Il ne s’agit donc pas de rechercher la concentration sur un périmètre limité, celui du Grand Lyon, bientôt “métropole de Lyon”, objectif ni réaliste par rapport aux prévisions démographiques ni pertinent par rapport à l’enjeu européen. Au contraire, il s’agit de rechercher la concertation avec d’autres partenaires, sur un territoire élargi donc aéré, pour concrétiser un “modèle lyonnais” de métropole, organisée en réseau, peu dense, intégrant la nature ! Ce modèle de développement urbain durable vise à un équilibre entre pôles urbains, espaces économiques, espaces naturels et paysagers, espaces agricoles, espaces de loisirs, reliés par un système performant de transport intermodal. En cela, il est vertueux car il privilégie la qualité du cadre de vie, ce qui renforce l’attractivité de la métropole et favorise ainsi son développement économique, source d’activité et d’emplois.

Dans ce modèle, toutes les villes, y compris Lyon, doivent rester des “villes à vivre”, sans grossir ni trop se densifier (d’où la question des tours à la Part-Dieu), avec une priorité donnée au système de transport pour fluidifier les flux internes inter-cités, détourner les flux de transit et renforcer les liaisons européennes et internationales (d’où les questions des gares de la Part-Dieu et de Saint-Exupéry, de l’aéroport Saint-Exupéry et des contournements, COL, bouclage du périphérique et CFEL) et avec une place privilégiée donnée aux espaces naturels et agricoles, grâce à une maîtrise de l’étalement urbain, donc un modèle vertueux alliant l’efficacité économique, la qualité environnementale et la solidarité territoriale.

À cette échelle élargie, l’objectif est de constituer l’“eurométropole de Lyon”, capable de porter un projet innovant et ambitieux de niveau européen

Il ne s’agit pas de créer un nouvel échelon de collectivité territoriale, qui rajouterait encore de la complexité et des coûts au système existant. L’enjeu est de réunir autour d’un projet commun les principaux décideurs politiques et acteurs socioéconomiques de ce large territoire dans une structure légère de décision et d’action, donc peu coûteuse.

Pour cela, le G4, ce “pôle métropolitain” créé à l’initiative de Gérard Collomb il y a environ trois ans avec seulement une partie des partenaires n’est pas adapté : ce syndicat mixte fermé réunit les seules agglomérations de Lyon, Saint-Étienne, Porte-de-l’Isère et Vienne, en excluant les autres partenaires importants du territoire métropolitain, notamment la région et les départements (Loire, Isère, Ain et même Rhône). Cette façon de faire, totalement contradictoire avec une démarche de projet, a conduit à une impasse, dans tous les domaines (transport, économie, aménagement du territoire, environnement), obligeant par exemple ces quatre agglomérations à créer un nouveau syndicat mixte “métropolitain” avec la région, autorité organisatrice en matière de TER, pour organiser et gérer le système de transport collectif entre ces pôles, rajoutant ainsi de la complexité au millefeuille institutionnel existant.

Cela explique pourquoi Gérard Collomb s’est résigné à se replier sur sa nouvelle “métropole de Lyon”, dans les limites du périmètre actuel du Grand Lyon, alors qu’il refusait d’envisager jusque-là toute solution de ce type.

Pour atteindre la dimension européenne, Lyon ne doit pas se replier, tel un îlot isolé, sur un périmètre limité mais, au contraire, être à l’initiative d’une dynamique collective à large échelle. Pour cela, il faut rompre avec l’absurdité du syndicat mixte fermé du G4, limité à quatre agglomérations et à des compétences d’études, et créer un syndicat mixte ouvert, l’“eurométropole de Lyon”, impliquant l’ensemble des acteurs concernés (les agglomérations, la région, les départements, les milieux socioéconomiques) et doté d’une capacité de maîtrise d’ouvrage pour décider et mettre en œuvre les équipements et les politiques publiques qui s’imposent, dans un consensus le plus large possible, sans hégémonie lyonnaise. Cette méthode est celle qu’ont déjà pratiquée avec succès de grandes métropoles européennes comme Barcelone ou Manchester.

L’“eurométropole de Lyon”, pour renforcer sa dimension européenne, doit rechercher des coopérations à différentes échelles, avec l’appui de la région Rhône-Alpes

Il s’agit de développer des relations plus fortes qu’aujourd’hui avec Grenoble, ce très grand pôle scientifique et technologique de renommée mondiale, à 100 km de Lyon, de façon à optimiser l’atout majeur que constitue le bipôle Lyon-Grenoble sur la scène internationale (par exemple, dans les nano-biotechnologies, mais aussi dans de nombreux autres domaines).

Il s’agit également de renouer les relations avec Genève, amorcées par Raymond Barre et totalement abandonnées par Gérard Collomb, afin de profiter de la très forte notoriété internationale de cette métropole – malgré sa petite taille – tout en lui apportant des opportunités dans nos domaines d’excellence. Genève, à seulement 150 km de Lyon, est d’abord le grand centre diplomatique francophone international que l’on connaît, soutenu pour cela par la France depuis très longtemps, premier pôle d’organisations internationales dans le monde, avec les plus grandes organisations mondiales de l’Onu, comme l’OMS ou l’OMC, et de très nombreuses ONG de toutes tailles, la plus importante étant la Croix-Rouge. Mais elle est également une grande place tertiaire internationale, avec ses banques, ses salons et congrès, son négoce international, et, en lien avec Lausanne, une référence mondiale en matière de recherche et de haute technologie, en particulier dans les biotechnologies.

Cette ouverture vers nos grands voisins proches, entre le bipôle Lyon-Grenoble et celui de Genève-Lausanne, doit être recherchée avec l’appui de la région Rhône-Alpes, qui a compétence et expérience en la matière, une métropole étant d’autant plus forte qu’elle peut compter sur une région forte.

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Lire aussi :

l’entretien de Lyon Capitale avec Bernard Constantin réalisé en 2009, portant déjà sur la métropole...

– les deux tribunes libres de Patrick Martin-Genier, également critique sur le sujet : “Métropole de Lyon, pour un moratoire !” et “Avant la métropole, éteindre les emprunts toxiques à Lyon !”

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