Sécurité : évolution du rôle des sapeurs-pompiers dans le Rhône

Pour clôturer l’exposition “Mémoire d’une catastrophe à Feyzin” aux archives départementales, une conférence ouverte au public était organisée ce jeudi : “2016, les risques chimiques et les réponses apportées par la sécurité civile. L’occasion pour le colonel Serge Delaigue, directeur du SDMIS, d’évoquer les évolutions du métier de sapeur-pompier et les spécialités de ses troupes.

"Finalement, nous intervenons de moins en moins sur des feux de structure, ce qui nous pose un peu problème, puisque c'est quand même notre fonction essentielle", plaisante le colonel Serge Delaigue, qui ne se fait pas prier pour évoquer sa passion, laquelle s'avère être également son métier. Directeur du service départemental et métropolitain des services d'incendie et de secours (SDMIS), il détaille avec précision l'organisation de son service et ne rechigne pas à expliquer tous les rouages du métier de sapeur-pompier car, "en trente ans, il y a eu des évolutions très importantes", souligne-t-il.

Sur les 200 à 300 interventions quotidiennes des pompiers du département, plus de 80 % concernent avant tout du service à la personne et un peu plus de 6 % un incendie. Le colonel Delaigue précise d'ailleurs que, dans ces incendies, il s'agit d'"un tiers de véhicules pas vraiment accidentels, d'un tiers de feux de structure et d'un autre tiers de feux divers".

Le SDMIS a deux missions : la prévention, ainsi que la préparation et les interventions en cas de pépin. "La mission de prévention est peu connue, mais elle est très importante. Aujourd'hui, rien ne se fait dans la cité sans que l'on nous demande notre avis", précise Serge Delaigue.

Le département du Rhône compte 1 200 pompiers professionnels, auxquels s'ajoutent 4 500 pompiers volontaires. Dans la centaine de casernes que compte la zone, les entraînements sont permanents. Le directeur du SDMIS se félicite que, lors des 100 000 opérations de secours effectuées cette année, le temps moyen d'arrivée sur les lieux ait été de l'ordre de 10 minutes.

“On a très clairement changé d’échelle avec la menace terroriste”

Si les sapeurs-pompiers interviennent beaucoup dans du secours à la personne, ils ont évidemment la responsabilité d'intervenir dans les usines de la région, comme dernièrement pour éteindre un feu dans une usine classée Seveso de Saint-Fons. "En quarante ans, les industriels ont fait des progrès considérables. Le niveau de sécurité des usines à risque est énorme aujourd'hui", explique le colonel, avant de préciser que la menace terroriste a immédiatement changé l'échelle des risques : "On est passé d'un risque civil à un risque terroriste, mais l'idée, c'est que l'on a les mêmes unités pour faire l'ensemble."

Depuis une trentaine d'années, les sapeurs-pompiers se sont de plus en plus formés à des domaines qui, dans le passé, étaient avant tout militaires. Ils se sont notamment adaptés à l'utilisation de plus en plus massive de produits chimiques par les industries. Le lieutenant-colonel Roger Viney est responsable du groupement de réponses aux crises majeures et attentats du département. Il explicite pour l'audience ce qui se cache derrière le sigle NRBCE : “nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif". Dès les années 2000, notamment avec l'attentat du World Trade Center et l'épisode des enveloppes d'anthrax, le SDMIS a créé les premières doctrines d'intervention NRBCE.

NRBCE : une spécialité des sapeurs-pompiers du département

Les premiers engins à même d'intervenir sur des accidents nucléaires, radiologiques ou chimiques ont fait leur apparition dans le département en 2005. Le groupement spécialisé du domaine NRBCE est, assez logiquement, le groupement sud-est, localisé dans la vallée de la chimie, à savoir la vallée du Rhône. Deux casernes sont spécialisées dans la réponse opérationnelle aux risques NRBC : celles de Saint-Priest et de Gerland. Au SDMIS, le directeur a mis en place depuis 2014 un pôle NRBC puisque le risque devenait de plus en plus croissant. Ce pôle est également le centre d'entraînement zonal NRBC pour les 12 départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. "Tous les médecins, pompiers, préfets, militaires, policiers ou gendarmes qui se préparent à participer à une intervention où il y a du NRBC se forment chez nous à Saint-Priest", précise Serge Delaigue.

"La probabilité d'un attentat NRBC n'est pas nulle, estime le colonel. Malheureusement, nous savons que Daech tente de préparer ce type d’événement sur l'Europe. Seront-ils capables de les mettre en œuvre, c'est une autre chose, mais il n'est pas pensable de faire une impasse là-dessus. Aujourd'hui, nous n'avons plus peur de le dire, puisque c'est une réalité. Les services de renseignement font tout pour que cela ne se réalise pas, mais les services de secours se préparent à l'éventualité d'un attentat classique ou NRBC." Il confie cependant que, "sur les attentats, je suis plus inquiet d'un mitraillage dans une école que de l'explosion d'une cuve dont on sait aujourd'hui mieux comment il faudrait faire".

Sur les cinq véhicules français capables d'analyser en direct, en quelques minutes, la nature des produits chimiques présents dans une zone, l'un est stationné à Lyon. Environ 200 pompiers sont formés aux réponses opérationnelles NRBC dans le département et ils interviennent déjà en moyenne 200 fois par an.

Changement de stratégie : “Avant, on avait peur du plan et on ne parlait pas”

Lors des opérations exceptionnelles pour lesquelles la préfecture doit être contactée, les sapeurs-pompiers se basent sur les plans Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) afin de faire face à des catastrophes naturelles, industrielles ou sanitaires. Pour Serge Delaigue, l'utilisation de ces plans a largement évolué : "Avant, il y avait un plan Orsec qu'on ne déclenchait jamais. Quand on le déclenchait, cela voulait dire que c'était la catastrophe du siècle et tout le monde venait : pompiers, militaires, etc."

Désormais, la stratégie a sensiblement changé : "Les choses sont plus dynamiques, nous avons plutôt tendance à déclencher ces dispositifs "comme une cloche", c'est-à-dire que l'on déclenche le plan au plus grand et l'on rétrécit après. Tout le monde sait ce qu'il a à faire : bouclage, fermeture des voies, etc. Toutes les usines Seveso ont l'obligation d'avoir un dispositif Orsec, avec un plan particulier d'intervention. À Saint-Fons, le plan n'a été déclenché que pendant trois heures, on a maîtrisé l'incendie assez rapidement. En vingt minutes, il y avait 120 pompiers sur les lieux. Nous ne sommes plus dans la logique de courir après, mais dans celle de mettre le paquet. Cela veut dire qu'il faut des gens protégés, entraînés et spécialistes."

Dans le département, sur les 80 plans préfectoraux, les pompiers en préparent directement 50 et ces plans sont révisés tous les trois à cinq ans. Tous les lieux d'affluence ont des plans particuliers : gare de la Part-Dieu, aéroport Saint-Exupéry, Parc OL à Décines…

Pour les événements tels que l'Euro ou la Fête des lumières, le dispositif est déclenché a priori. L'autre changement majeur est l'importance qu’a prise la communication. "Avant, on ne parlait pas des catastrophes, ni des entraînements. Maintenant c'est le contraire, on n'a pas peur d'en parler clairement et d'expliquer aussi le niveau de sécurité. C'est un changement de stratégie, on explique à la population les enjeux. La réponse opérationnelle et la communication sont plus rapides car nécessité fait loi."

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