Santé : Les nuits de nos enfants sont trop courtes !

À l’heure des bonnes résolutions et après des fêtes de fin d’année synonymes de coucher tardif, il est urgent de prendre soin de notre sommeil, surtout de celui des plus jeunes. À quoi attribuer leur déficit de sommeil et quelles en sont les conséquences ? Comment aider son enfant à bien dormir ? Témoignages de parents et réponses d’une spécialiste.

Les nuits de nos enfants sont trop courtes. C’est ce qui ressort d’une étude menée auprès de
900 000 enfants de 50 pays*. 49 % des enfants de 9-10 ans et
57 % des 13-14 ans manquent de sommeil, lequel n’est par ailleurs pas toujours de bonne qualité.

* Étude internationale menée par des chercheurs du Boston College en 2013.

6 à 12 ans : insomnies et parasomnies

“Environ 17 % des enfants de 6 à 12 ans souffrent d’insomnie, à savoir des difficultés d’endormissement et des réveils nocturnes.” Pour Patricia Franco, professeure de l’unité de sommeil pédiatrique à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Bron, ces difficultés trouvent leur origine dans la petite enfance, quand de mauvaises habitudes de coucher ont été prises. En cause, selon elle : “Des raisons psychologiques (angoisses) ou un manque de fermeté des parents.”

À ne pas confondre avec les parasomnies (terreurs nocturnes et somnambulisme), phénomènes qui apparaissent pendant le sommeil et qui concernent environ 30 % des enfants de cette tranche d’âge. “Favorisées par le manque de sommeil, ces manifestations involontaires surviennent en première partie de nuit, lorsque l’enfant est en sommeil lent profond”, précise la spécialiste.

Adolescence : décalage de l’horloge interne et séduction des écrans

À l’adolescence, la structure du sommeil change : “Le cerveau de l’adolescent devient plus proche de celui de l’adulte, souligne Patricia Franco. Résultat, l’adolescent va perdre une partie de son sommeil lent profond. En outre, du fait du bouleversement hormonal lié à la puberté, son horloge interne se décale, et son heure naturelle d’endormissement se fait plus tardive, vers 23 heures, parfois bien après !”

Séverine, mère de trois enfants, s’inquiète pour sa fille aînée (14 ans) : “Elle traîne le soir pour aller se coucher. Elle dit qu’elle n’a pas sommeil. En même temps, le lendemain, elle a beaucoup de mal à se lever. On essaie de la faire se coucher plus tôt, mais sans succès, elle rallume dès qu’on a le dos tourné...”

Outre ces phénomènes physiologiques, d’autres facteurs influent sur la qualité du sommeil. À commencer par la généralisation des écrans. C’est en effet bien plus excitant pour un adolescent de tchater, surfer, jouer en ligne, bloguer, twitter... plutôt que de dormir.

“Il faut savoir que la luminosité des écrans Led, comme ceux des tablettes, coupe la sécrétion de mélatonine, qui favorise l’endormissement, explique Patricia Franco. Du coup, on ne se sent pas fatigué !” Bon nombre d’adolescents dorment avec leur portable allumé sous leur oreiller, histoire de regarder leurs SMS et de pouvoir y répondre à n’importe quelle heure de la nuit.

Autre facteur : la pression scolaire, la pression sociale et la vigilance parentale qui diminue au fur et à mesure que l’enfant devient adolescent. Résultat, le jeune se retrouve vite en privation de sommeil. Il se lève épuisé, lutte toute la journée contre la fatigue à coups d’excitants : Coca, café, cigarette... Sans oublier la petite sieste en rentrant de l’école. Et le soir il se sent en pleine forme !

Le week-end, c’est pire : coucher à point d’heure, grasse matinée... Malheureusement, le sommeil ne se rattrape pas, il continue de se dérégler. “Les adolescents sont fatigués car ils ne dorment pas suffisamment, résume Patricia Franco. 55 % des jeunes de 15 à 18 ans déclarent se sentir somnolents dans la journée. La somnolence diurne constitue d’ailleurs le premier motif de consultation pour troubles du sommeil chez l’adolescent.”

Quels sont les risques ?

Les troubles du sommeil peuvent avoir des répercussions non négligeables sur le développement de l’enfant, sa santé, ses résultats scolaires... En manque de sommeil, les enfants sont moins concentrés, moins motivés, les apprentissages se font plus difficilement. “On constate qu’il y a trois à quatre fois plus de difficultés d’apprentissage chez les enfants qui souffrent de troubles du sommeil”, déplore Patricia Franco.

Un déficit de sommeil entraîne des troubles de l’humeur, une irritabilité, avec un risque de dépression plus élevé, voire de suicide dans les cas les plus extrêmes. Sans oublier les conséquences sur le métabolisme. Il existe en effet une relation entre le manque de sommeil et la prise de poids.

Comment trouver le bon rythme ?

Pour trouver le rythme qui convient à son enfant, on peut déjà se baser sur les besoins de sommeil en fonction des âges : entre 10 et 11 heures pour les enfants de 6 à 12 ans, de 8h30 à 9h30 pour les adolescents.

Pour trouver l’heure de coucher idéale, il faut repérer les premiers signes d’endormissement : l’activité de l’enfant se ralentit, il bâille, il a froid, ou est au contraire en grande excitation pour lutter contre la fatigue. “Autant que possible, il faut éviter les variations de rythme, notamment le week-end. Avec une tolérance d’une heure maximum”, recommande Patricia Franco.

Chez les plus jeunes, cela évitera les parasomnies (favorisées par le manque de sommeil) et les difficultés d’endormissement le dimanche soir.

Pour les adolescents, la problématique est plus complexe. Ils sont déjà décalés naturellement, sortent les soirs de week-end... “Il ne faut pas rentrer dans l’engrenage des grasses matinées du week-end, prévient Patricia Franco. Il vaut mieux réveiller son adolescent à 9h30 voire à 10h grand maximum, sinon le soir il ne pourra jamais se coucher. Quant à la sieste, c’est éventuellement une demi-heure après le déjeuner, mais surtout pas à 17h !”

Surveiller les écrans et poser des limites fermes aux plus jeunes

Les écrans dans la chambre sont à proscrire, à tout âge. La nuit, le téléphone portable doit être éteint. Il faut rester très vigilant sur le temps quotidien passé devant les écrans. Plus il est important, plus la qualité de sommeil se détériore. “L’idéal étant de privilégier, au retour de l’école, une activité de plein air ou un peu de sport, surtout pour ceux qui ont des difficultés d’endormissement, conseille Patricia Franco. Quant aux écrans, pas après le repas du soir !”

Il faut faire en sorte que l’enfant aille au lit avec plaisir. “Pour les plus jeunes, on fait attention à ce qui se passe dans la chambre. Il faut prévoir un temps de lecture, un moment calme avant de s’endormir.” À cet âge-là, le rituel du coucher ne doit pas s’éterniser. Les limites doivent être posées fermement par les parents. Ce qui d’ailleurs rassure l’enfant.

“Mon fils de 8 ans nous réclame toujours quelque chose au moment d’aller se coucher : un câlin, un bisou, de l’eau..., explique Anne, mère de deux enfants. On a convenu avec lui qu’il noterait sur un petit carnet l’heure à laquelle passe son “train du sommeil”, c’est-à-dire quand il commence à se sentir bien fatigué. Au bout de quelques jours, il a commencé à aller se coucher sans résistance ni réclamations. Je pense qu’il s’est senti responsabilisé.”

“Pour celui qui a vraiment du mal à s’endormir, on peut mettre en place un système de récompense : s’il s’endort bien, il a un petit soleil, suggère Patricia Franco. Au bout de sept soleils, on prévoit une activité sympa avec lui. Si, malgré le cadre strict, l’endormissement reste problématique, on n’hésitera pas à consulter. L’enfant souffre peut-être d’une inquiétude particulière.”

Bien dans son corps, bien dans son sommeil

Il faut être particulièrement vigilant sur l’hygiène de vie des adolescents. “Le lit, c’est pour dormir, pas pour faire les devoirs, ni pour jouer sur l’ordinateur, recommande Patricia Franco. Sinon, il y a une confusion des genres. Le corps ne reconnaît pas que c’est le lieu pour dormir.”

Le soir, on privilégiera un repas avec des sucres lents et pas trop de protéines. “Le matin, on favorise un éveil net : on s’expose à la lumière du jour, on prend une douche, un bon petit-déjeuner, si possible on va à l’école à pied...”, histoire d’éviter que l’adolescent arrive endormi en cours, s’avachisse sur son bureau, somnole tout au long des cours, fasse une sieste l’après-midi... mais soit en pleine forme le soir !

Si, malgré toutes ces bonnes habitudes, l’adolescent a des problèmes de sommeil, il ne faut pas hésiter à se faire aider.

Cet article est paru dans Lyon Capitale-le mensuel n°738.
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