Maternité cx rousse
© Tim Douet

La maternité de la Croix-Rousse en pointe sur les grossesses à risque

Depuis 2003, l’hôpital de la Croix-Rousse dispose d’une maternité de type 3. Avec un service de réanimation néonatale de pointe, la maternité de la Croix-Rousse se voit confier les grossesses à haut risque de la région. Lyon Capitale a franchi les portes de cette maternité un peu particulière.

Huit heures du matin à l'hôpital de la Croix-Rousse. À l'accueil de la maternité, dans le bâtiment F, la journée commence dans le calme. Quelques familles attendent patiemment de pouvoir s'enregistrer au guichet. Le bureau du professeur Rudigoz se situe au 4e étage. Nous le trouvons en pleine discussion avec Corinne Dupont, la sage-femme du réseau Aurore (Association des utilisateurs du réseau obstétrico-pédiatrique régional), dont il est le fondateur.

2003, un tournant pour la maternité de la Croix-Rousse

Après avoir dirigé le service de gynécologie-obstétrique de la Croix-Rousse pendant une trentaine d'années, ce médecin de renom a cédé la place l'an dernier au professeur Dubernard, formé par ses soins. Le professeur Rudigoz se consacre désormais à faire vivre le réseau Aurore, qu'il a créé en 2003. Ce réseau, qui s'étend sur un vaste périmètre allant d'Oyonnax à Montélimar, organise les transferts de femmes enceintes vers les établissements adaptés en cas de nécessité médicale.

Ce n'est pas une coïncidence si également en 2003 la maternité de la Croix-Rousse fait peau neuve. Alors que le service de néonatologie de l'hôpital Debrousse ferme ses portes, la Croix-Rousse se métamorphose en maternité de type 3. Après dix-huit mois de travaux et plus de 11 millions d'euros d'investissement, les Hospices Civils de Lyon dotent l'hôpital de la Croix-Rousse, jusqu'ici simple maternité de type 1, d'un service de néonatologie. Depuis, de nombreuses grossesses à haut risque sont redirigées vers cet hôpital via le réseau Aurore.

“Il faut revenir à une médecine de bon sens”

À la Croix-Rousse, il faut donc trier les grossesses. Il y en a plus de 3 000 chaque année. Le professeur Rudigoz se dirige d'abord vers une unité de suite de couches classique. "Sept grossesses sur dix se passent normalement", explique-t-il. Pour ces grossesses à bas risque, la politique de la maternité est de démédicaliser au maximum l'accouchement. "Nous avons déjà une salle d'accouchement physiologique [naturel, NdlR], nous aimerions en avoir deux ou trois", raconte le professeur Rudigoz. Si le gynécologue-obstétricien est fondamentalement opposé aux accouchements à domicile, très dangereux en cas de complications, il se positionne contre les actes médicaux non nécessaires. L'utilisation par exemple de l'ocytocine pour accentuer les contractions ne fait pas partie de la politique de l'hôpital. "Il faut revenir à une médecine de bon sens", affirme-t-il.

Ici, tout est fait pour le bien-être des mamans. Les locaux sont accueillants et en bon état. Et terminé chaque matin le plateau-repas servi dans les chambres. "Mais on ne les laisse pas mourir de faim", plaisante le professeur Rudigoz. Une salle est mise à disposition toute la matinée pour le petit-déjeuner. Les mères peuvent s'y rendre avec leur bébé lorsqu'elles sont réveillées. Chacune à son rythme. "C'est aussi un espace de rencontre", se félicite-t-il. Un état d'esprit qui plaît. "Mes trois enfants sont nés ici et à chaque fois c'est un bonheur", confie une maman, avant de tremper sa tartine dans son café. Surtout, l'équipe médicale fait en sorte que les patientes restent hospitalisées le moins longtemps possible. Depuis un an, un réseau de sages-femmes libérales a été mis en place afin de les aider lors de leur retour au domicile familial.

En cas de complications, la priorité est d’agir vite

Malheureusement, certaines grossesses ne se passent pas comme prévu. "Nous accueillons aussi beaucoup de grossesses à risque", raconte le professeur Rudigoz, en traversant la passerelle qui mène au bâtiment G. De ce côté-ci, sur trois étages, on gère les grossesses difficiles. Il est neuf heures passées. L'équipe médicale est en pleine réunion. Composée d'un médecin, d'un interne et de quelques sages-femmes, elle contrôle l'état des patientes jusqu'à trois fois par jour. Le personnel médical a toujours un œil sur la centrale de surveillance, qui affiche l'état des contractions et les battements du cœur du bébé. Certaines femmes sont même suivies à distance. Grâce à un petit appareil, elles peuvent mesurer les battements du cœur de leur enfant et envoyer ces mesures à l'équipe médicale de la Croix-Rousse.

En cas de problème, tout est prévu pour agir vite. Les femmes enceintes, au premier étage, sont placées juste en dessous des blocs opératoires. Un ascenseur est réservé aux situations d'urgence. Sur les deux blocs, "il y en a toujours un de libre en cas de problème", explique le professeur Rudigoz. En cas de code rouge, c'est-à-dire de détresse fœtale, l'équipe dispose d'à peine quinze minutes pour sortir le bébé. "Cela arrive deux à trois fois par mois, raconte le professeur. La principale complication est l’hémorragie interne. Cela concerne 1% des cas, mais elle peut être rapidement fatale pour la mère."

Aujourd'hui, pas de code rouge, mais un accouchement par césarienne. Posté devant la porte du bloc opératoire, le professeur Rudigoz suit le travail des chirurgiens, que l'on reconnaît à leurs bonnets colorés. Au bout de quelques minutes d'opération, une sage-femme ressort, un petit être hurlant dans les bras. Tout s'est bien passé. "Nous avons en moyenne 20% de césariennes", explique le professeur Rudigoz. Cela correspond à la moyenne nationale, mais, pour une maternité de type 3, qui accueille beaucoup de grossesses à risque, c'est finalement peu. Après avoir vu plus de 100 000 accouchements, ce médecin désormais grand-père avoue être toujours un peu ému.

Un service dédié aux grands prématurés

La particularité de la maternité de la Croix-Rousse se situe au troisième étage. Le service de réanimation néonatale est composé de 45 berceaux. "Ils sont un peu les uns à côté des autres", regrette le professeur Rudigoz, qui aimerait que les nourrissons soient moins nombreux par salle. Le service de néonatologie du professeur Picaud prend en charge des prématurés à partir de 500 grammes. "Nous nous occupons de prématurés à partir de 24 semaines, explique le professeur Rudigoz. Avant, malheureusement, on ne sait pas faire."

Une fois entre les mains de l'équipe du professeur Picaud, ces grands prématurés ont 90% de chance de survie à partir de 26 semaines et 97% passé les 28 semaines. Difficile à croire lorsque l'on jette un œil à la couveuse du petit Antoine*, 800 grammes, né presque trois mois avant le terme. Dans cet espace, les bébés sont alimentés par perfusion et respirent grâce à un système de ventilation assez lourd. L’inquiétude se lit sur le visage des parents.

Cette jeune maman, qui peut désormais tenir son bébé dans ses bras, ne s'inquiète plus. "Il fait 3 kilos maintenant", raconte-t-elle. Son fils aurait dû naître cette semaine. Né à 27 semaines, il a 95% de chances de n'avoir aucune séquelle par la suite. Il fera tout de même partie des 600 enfants qui entrent chaque année dans le dispositif Eclaur, qui suit médicalement les enfants nés prématurément jusqu'à leurs 7 ans. En attendant, il passe quelques jours avec sa mère dans l'unité Kangourou. "Le retour à la maison peut être brutal", explique le professeur Rudigoz. Après avoir passé des mois à ne voir leur enfant que quelques heures par jour, on laisse ici le temps aux mamans de se familiariser avec les gestes du quotidien. Nous laissons cette jeune mère et son enfant s'apprivoiser et regagnons discrètement la sortie, encore un peu sonnés par ce que l'on vient de vivre.

* Le prénom a été changé.

"Hospices civils : les services en crise, les services à la pointe", enquête à retrouver dans le numéro de mars 2017 de Lyon Capitale.

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