“On a du mal à penser que des gens pauvres puissent voter pour Le Pen”

Direct, sans filtre, malpoli pour certains, il a été l’irruption du réel dans le débat entre les 11 candidats à la présidentielle le 4 avril. En meeting à Vénissieux ce mardi 11 avril, Philippe Poutou était l’invité de L’autre Direct pour parler des banlieues, du FN et d’une possible alliance avec Jean-Luc Mélenchon.

Lyon Capitale : Nous sommes à Vénissieux, une ville qui cumule ségrégation spatiale et sociale. Quelles sont vos solutions pour que ces banlieues, mises à l’écart des grands centres urbains, puissent éviter la ghettoïsation ?

Philippe Poutou : Il faut déjà apporter une réponse sociale à ce qui se passe. Avec la réduction du temps de travail, la retraite à 60 ans, l'interdiction des contrats à temps partiel imposé. Apporter des réponses qui assurent une vie décente à tout le monde. Et à côté de ça il faut développer les services publics. On voit bien que depuis des tas d'années il y a un démantèlement de ces services publics. Aujourd'hui, il faut les redévelopper pour empêcher la ghettoïsation.

“À l’usine, personne ne dit : Moi je vais voter pour le FN”

En termes de politique de la ville, estimez-vous qu’il faudrait raser les barres d’immeubles ?

Oui, parce que certaines sont moches. Il faut une politique de rénovation et de transformation pour éviter que les pauvres soient virés des centres-ville. Il y aura tout à revoir. Mais le problème est que le pouvoir est entre les mains des riches, d'une classe sociale qui dirige tout et qui fait tout pour ses propres intérêts. Les beaux quartiers sont pour eux et ceux qui sont éloignés du centre pour les pauvres. Mais il ne faut pas deux ou trois lois pour changer tout ça. Il faut que la population ait un véritable droit de contrôle.

Vous vous présentez comme le candidat de la souffrance ouvrière. Aujourd'hui, une partie des ouvriers, anciens communistes (ou leurs enfants), vont voter pour le Front national. Est-ce une réalité que vous côtoyez du fait de votre métier ?

Oui, on le voit à l'usine, même si ça ne se dit pas tant que ça. On devine que les gens votent Front national à travers les discussions. Mais les personnes ne disent pas : "Moi je vais voter pour le FN." On a du mal à comprendre que des gens pauvres, frappés par la crise et dans la galère, puissent voter pour Le Pen et penser que cette millionnaire, qui fait partie du système et qui fait de la politique comme tous les autres politiciens, puisse leur donner des illusions.

“On ne partage pas le projet politique de Mélenchon”

Comment essayez-vous de les convaincre ?

On essaie de discuter de la façon dont le FN récupère le mécontentement populaire en faisant croire que la crise et le chômage sont la faute des immigrés. On essaie de contrer ça, mais ça ne fonctionne pas toujours, parce que ce sentiment n'est pas rationnel. On essaie de rediscuter de notre camp social, de qui l’on est. De faire comprendre que notre problème c'est l'exploiteur, le capitaliste, le banquier et ceux qui essaient de s'en mettre plein les poches et qui divisent pour régner. Ce n'est pas simple parce qu'à partir du moment où les gens subissent, baissent la tête, cela crée les conditions pour que Le Pen puisse récupérer le mécontentement.

Jean-Luc Mélenchon est actuellement porté par les sondages. Seriez-vous prêt à appeler à voter pour lui dès le premier tour de la présidentielle ?

Non, parce que l'on n'est pas là pour se marrer. On ne va pas dire : "Salut on s’en va !" (Rire.)

Vous avez tout de même une proximité avec certaines de ses idées et vous manifestez souvent avec ses militants.

C’est vrai qu'au quotidien on est dans des syndicats avec des gens du PC et de l'ex-Front de gauche. On les côtoie aussi dans les manifestations et les luttes. Évidement que l'on a une proximité politique et humaine avec eux, mais on ne partage pas leur projet politique. Le projet de Mélenchon est celui d'un carriériste, qui a fait toute sa vie dans la politique en restant trente ans au PS. Sa solution politique reste dans le cadre du système alors que nous, on veut renverser ce système.

Retrouvez l’intégralité de notre entretien avec Philippe Poutou dans la vidéo ci-dessous.

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