Lyon Capitale n°163
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Il y a 20 ans : Oullins, les comptes n'étaient pas bons

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – En 1998, deux anciens maires d'Oullins sont épinglés par la chambre régionale des comptes pour des irrégularités dans leurs comptes. Ils auraient manié plusieurs millions d'euros à travers une association de leur ville.

Lyon Capitale n°163, 18 mars 1998, © Lyon Capitale

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Au printemps 1998, Roland Bernard et Michel Terrot, qui ont tout deux été maires d'Oullins, sont déclarés "gestionnaires de fait" par la chambre régionale des comptes. Là où en temps normal la gestion des finances publiques prévoit que ceux qui décident d'une dépense ne soient pas ceux qui enregistrent et contrôlent ces mouvements d'argent, les deux anciens élus auraient géré l'intégralité du processus de dépense de 15 millions d'euros à travers une association de la ville. La situation est d'autant plus étrange que certaines dépenses n'entrent pas du tout dans le cadre du fonctionnement de l'association en question. Celle-ci gère les restaurants municipaux, et a par exemple versé près de 70 000 francs pour… restaurer un gymnase.

Lyon Capitale n°163, 18 mars 1998, p. 6 © Lyon Capitale

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Un article publié dans Lyon Capitale n°163 le mercredi 18 mars 1998, signé par Sandrine Boucher.

Oullins : les comptes n'étaient pas bons

Pour avoir géré des fonds publics par L'intermédiaire d'une association paramunicipale, Michel Terrot et Roland Bernard, anciens maires d'Oullins, ainsi que plusieurs de Leur collaborateurs, ont été reconnus "gestionnaires de fait" par La chambre régionale des comptes. Une irrégularité qui pourrait valoir à leurs auteurs de payer une amende de 5 000 à 10 000 francs. Jugement définitif Le 18 mars.
Mercredi 18 mars à midi, lors d'une audience publique, Michel Terrot, ancien maire d'Oullins de 1990 à 1997, et son prédécesseur Roland Bernard, ainsi que plusieurs membres de leur équipe respective, auront entendu le jugement de la chambre régionale des comptes, qui, après les avoir déclarés gestionnaires de fait, devrait également les condamner à verser, sur leurs fonds propres, une amende au receveur municipal de leur ville. Que leur est-il reproché ? D'avoir manié de 1989 à 1995 plus de 15 millions de francs d'argent public par le biais d'une association paramunicipale appelée Ogre, ou Office de gestion des restaurants municipaux d'Oullins, dont le conseil d'administration était composé d'adjoints, de conseillers municipaux et de fonctionnaires. Cette association, aujourd'hui dissoute, percevait une partie du prix des repas consommés par les usagers des cantines de la ville (enfants, fonctionnaires, personnes âgées), la différence avec le coût réel des menus étant assurée par des subventions municipales. Le hic, c'est que ces mouvements se faisaient sans le contrôle obligatoire du comptable public (voir encadré) ce qui rend ainsi les différents responsables de cette association "coupables" de gestion de fait. Ce qu'ils n'ont d'ailleurs jamais cherché à contester. Ce cas de figure n'est pas rare. Nombre d'associations dites "transparentes", car dirigées par des élus et fonctionnant avec des financements que ces mêmes élus leur octroyaient, ont été ainsi mises en place dans les communes. L'avantage : éviter par ce "bidouillage" les procédures longues et complexes de la comptabilité publique pour gérer des fonds selon les règles beaucoup plus souples s'appliquant aux associations loi 1901. En créant Ogre, Roland Bernard, maire d'Oullins jusqu'en 1990, avoue qu'il "n'avait pas du tout réfléchi" aux sources d'illégalité induites par ce fonctionnement, bien pratique pour "simplifier les choses". Sauf que ce genre de "simplification" est une irrégularité qui s'est poursuivie jusqu'à ce que Michel Terrot, qui la découvre lors de son arrivée, y mette finalement terme au ter janvier 1995. Pas de chance : la même année, la chambre régionale des comptes met son nez dans les affaires de cet Office de gestion des restaurants municipaux. Et découvre, outre la gestion de fait, que la comptabilité de l'association est un beau micmac. Au point que, pour répondre à la demande des magistrats de produire un compte unique retraçant l'ensemble des recettes et des dépenses effectuées depuis 1989, les dirigeants de l'association sont obligés d'avoir recours à un cabinet spécialisé, KPMG, pour rendre le tout à peu près présentable. La situation est considérée en tout cas comme potentiellement grave. En soit, "ce système permettait de faire n'importe quoi", remarque Jacques Belle, président de la chambre régionale des comptes. Difficile en effet de savoir comment l'argent est réellement entré et sorti de cette association qui aurait pu brasser des sommes en espèces sans que l'on puisse en retrouver la trace. Au vu des comptes rendus par KPMG, la chambre régionale de comptes ne décèle cependant aucune trace de délit ou de malversation de nature à envoyer devant les tribunaux correctionnels les gestionnaires d'Ogre, mais découvre quand même quelques bizarreries.

68 788 francs dans la nature

Ainsi la trésorière de l'association signe un chèque d'un montant de 68 788 francs en 1992, correspondant normalement au montant total de trois factures émises par une société privée, CBM Crescendo, alors en charge de la fête d'inauguration du gymnase Maurice-Herzog. Si on a du mai à concevoir en quoi il appartient à un office de gestion de restaurants municipaux de régler ce genre de frais, le plus troublant est que la société en question ne voit pas la couleur de cet argent jusqu'en avril 1994, date à laquelle elle se manifeste par le biais de son avocat. Un nouveau chèque d'un montant identique est signé le jour même par l'association qui s'est ainsi retrouvée à payer deux fois ces fameux 68 788 francs. Quant au premier chèque, établi en omettant de mentionner le nom de son destinataire, il a disparu dans la nature... Son bénéficiaire, "un escroc" selon Michel Terrot, était l'animateur de l'inauguration qui aurait obtenu de la trésorière de l'association le règlement immédiat, sans y faire figurer d'ordre, de sa prestation. "On n'arrive pas à mettre la main sur ce bonhomme", peste l'ancien maire d'Oullins qui a pourtant, assure-t-il, dépêché à trois reprises et en vain un huissier pour demander des comptes à l'individu en question. Il explique également qu'il était tout à fait justifié qu'Ogre paye l'inauguration du gymnase puisque les enfants de la ville ainsi que la Sodexho, entreprise de restauration collective, étaient présents. Reste que les responsables de l'association ont dû, sur injonction de la chambre régionale des comptes, y aller de leur poche pour combler le "trou" de 68 788 francs dans les caisses communales. Les magistrats ont également estimé anormal le fait que les responsables d'Ogre aient fait supporter à l'association les frais de remise en ordre de ses comptes, soit 34 974 francs facturés par KPMG, somme qui aurait dû être à leur charge. La chambre régionale des comptes leur a donc demandé de régulariser cette situation en cassant leur tirelire personnelle. Les intéressés ont cependant passé outre, affirmant être dans leur bon droit et menaçant de faire appel auprès de la Cour des comptes. Les magistrats, qui les ont entendus le 26 février dernier, devraient nem-moins maintenir cette injonction et leur demander, solidairement, de rembourser à la Ville le montant de la facture. Outre ce point qui sera tranché par le jugement du 18 mars, les magistrats rendront public le montant définitif des amendes qui seront réclamées aux gestionnaires de fait. En juin dernier la chambre avait condamné provisoirement, les deux anciens maires, Michel Terrot et Roland Bernard, et trois anciens responsables de l'association Ogre (1) à payer des amendes. Comprises entre 5 000 et 10 000 francs chacun. Sandrine Boucher
(1) II s'agit de Josiane Vermorel, ancienne présidente de l'association et ancienne adjointe de Roland Bernard, de Jean-Marie Mehl, ancien adjoint de Michel Terrot et ancien président de l'association, et d'Yves Ganivet, ancien secrétaire de l'association sous les deux mandatures, fonctionnaire territorial et ancien chef du service des affaires scolaires et sportives de la Ville.
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