Pourquoi des instituteurs désobéissent

L’université d’été du réseau des enseignants du primaire en résistance s’est tenue à Lyon, lundi et mardi derniers. L’occasion pour eux de faire le point sur l’année écoulée et pour réfléchir aux actions à mener à partir de la rentrée. La "résistance pédagogique" de ces trublions de l’Éducation nationale constitue un moyen de faire entendre qu’ils n’acceptent pas les changements qui affectent l’école depuis plusieurs années.

Cinquante membres du réseau, venus de toute la France, ont fait le déplacement à Lyon cette semaine. Ils sont, en tout, 3000 enseignants à désobéir publiquement aux directives du ministère sur les 380 000 instituteurs du primaire en France. Une minorité, certes, mais le réseau affirme que "beaucoup le font de façon non-affichée, de peur des sanctions". Le collectif tire à boulets rouges sur la politique de l’Éducation nationale qui "est en train de construire l’école de l’échec des publics difficiles".

Leurs discours critiques se doublent d’actions concrètes dans le quotidien avec leurs classes. "Pour le bien des élèves", la désobéissance est de mise. "C’est une résistance éthique et responsable" qui ne faiblit pas malgré les retraits sur salaires infligés à certains membres.

Non-application des programmes officiels

"Les programmes actuels sont des machines à exclure. Ils sont trop lourds pour le temps qui nous est imparti. Cela participe au stress des enseignants pour boucler le programme et à celui des élèves. Notre mission est, certes, d’apprendre à lire, écrire, compter mais aussi d’éveiller les enfants", déclare Marie-Odile Caleda. Pour ce qui en est des contre-propositions concrètes en matière de programme, chaque membre du réseau prend ses propres initiatives. "Les enseignants bricolent des programmes à partir de l’esprit des anciens où on prenait le temps de faire en sorte que chaque élève apprenne à son rythme, ajoute-t-elle. Des enfants se retrouvent en perdition par manque de temps et à cause des objectifs trop élevés et l’aide personnalisée n’y peut rien".

Refus de l’aide personnalisée et des stages de remise à niveau

La mise en place de l’aide personnalisée de deux heures par semaine ne convient pas non plus à ces enseignants. Ils dénoncent une mesure qui ne pallie que très mal les effets des suppressions de postes (13 500 pour la rentrée 2010 et 16 000 prévus en 2011) et les gonflements des effectifs. "Certains professeurs utilisent ces deux heures pour monter des projets avec toute la classe. Ces projets motivent les élèves en difficulté et leur redonnent le goût de l’école".

Les stages de remise à niveau avant la rentrée ? "Une escroquerie". Pour les mêmes raisons, ce dispositif est vivement critiqué : "De quoi parle-t-on ? Les enfants sont avec des enseignants qu’ils ne connaissent pas, voire qui ne sont même pas enseignants".

Refus de renseigner le fichier "base élève"

Le fichier “base élève” fait aussi l’objet d’une désapprobation acerbe. Condamné par le Conseil d’État car il comprenait des données sur la santé des élèves et ne laissait pas le choix aux parents d’y faire figurer leurs enfants ou pas, le fichier doit néanmoins être alimenté par les résultats aux tests effectués en CE1 et CM2. Plusieurs directeurs d’école ont fait l’objet de sanctions disciplinaires pour avoir refusé de renseigner le fichier "base élève". Le réseau apporte son soutien à de telles initiatives et rappelle que "15% des résultats d’évaluation n’ont pas été transmis au ministère". "Nous ne voulons pas entrer dans une logique de concurrence entre les écoles en fonction de leurs résultats aux tests", proteste Marie-Odile Caleca.

Le réseau appelle également "les enseignants du primaire à ne pas cautionner la mise en place du service minimum d’accueil, en refusant de remplir la déclaration préalable de grève". Le réseau s’apprête à lancer, dès la rentrée, un appel aux professeurs du secondaire, puis à l’ensemble du service public, afin que ceux qui refusent les réformes en cours rentrent, à leur tour, en désobéissance.

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