Diversité : le palmarès des 10 premières villes de France

Lille, Nantes, Montpellier et Lyon sont les villes ayant le plus ouvert leur exécutif à la diversité, selon notre classement des plus grandes villes françaises. Les municipalités socialistes trustent les meilleures places, excepté Paris. Au final, 9,6 % des élus municipaux sont issus de la diversité. Ce constat cache un déséquilibre : parmi les minorités visibles, les femmes sont presque deux fois plus nombreuses que les hommes.

9,6 % des 793 élus municipaux des 10 plus grandes villes françaises sont issus de la diversité. Ce chiffre, nous l'avons obtenu à la suite d'un long décompte des adjoints et conseillers municipaux où ont été pris en compte tous ceux et celles qui ont des origines extra-européennes ou des DOM-TOM. Objectif : mesurer le poids de ces minorités visibles, jusqu'alors sous-représentées en politique.

La progression est nette par rapport à la dernière mandature. Le Haut Commissariat à l'intégration avait dénombré 6,68 % d'élus municipaux issus de l'immigration extra-européenne en 2008 dans les villes de plus de 9 000 habitants et 3,18 % après le scrutin de 2001.

“Plus de sous-représentation dans les grandes villes”

"On a coutume de dire que les personnes issues de la diversité représentent 10 % de la population française. Cela voudrait dire qu'il n'y a plus de sous-représentation dans les grandes villes. Ce serait une première", réagit le sociologue Eric Keslassy, auteur de l'étude “Ouvrir la politique à la diversité” (1). Il s'était prêté au même décompte lors de la précédente mandature (2008-2014). La progression est nette : d'un adjoint issu de la diversité à Lyon et à Montpellier à trois aujourd'hui, de deux à cinq à Nantes, de zéro à deux à Bordeaux...

Dans le baromètre établi avant les élections de mars par le Conseil représentatif des associations noires (Cran), 11 villes parmi les 50 plus importantes de France étaient pointées du doigt comme ayant à leur tête des "exécutifs apartheid", 100 % blancs. Parmi elles, Bordeaux et Lyon (2), qui se sont bien rattrapées depuis. Aucune municipalité parmi les dix plus grosses ne peut ainsi être stigmatisée en 2014, même s'il faut noter qu'aucun maire n'est de couleur. Seule ombre au tableau, Paris qui accuse un recul très net, de cinq adjoints issus de la diversité sous Delanoë à une seule sous Hidalgo. Une situation notamment causée par l'accord avec Europe Ecologie-Les Verts, qui a lésé certains candidats, comme Hamou Bouakkaz, adjoint sortant.

"C'est en 2008 que le rééquilibrage a commencé, observe le politologue Gilles Kepel, auteur de Passion française. Après les émeutes de 2005, il y a une inscription massive sur les listes électorales des habitants des quartiers populaires. Et on a vu surgir des candidatures massives d'enfants d'immigrés deux ans après." Selon lui, cette soif d'engagement a rencontré un intérêt chez les têtes de liste et les partis politiques, qui y ont vu "des médiateurs" en cas de tensions sociales.

(1) Institut Montaigne, 2009.
(2) Najat Vallaud-Belkacem avait démissionné de son mandat d'adjointe pour rentrer au Gouvernement.

 

Les villes de gauche en pointe, excepté Paris

Cette progression est cependant hétérogène. Pour l'appréhender ville par ville, nous nous sommes intéressés aux seuls adjoints, choisis par le maire et ayant autorité sur un champ d'action municipale. Lille et Nantes caracolent en tête de notre classement, avec cinq adjoints issus des minorités visibles. Suivent Lyon, Montpellier et Strasbourg, où plus de 10 % des adjoints sont issus des minorités visibles. Ces cinq villes sont gouvernées par des municipalités de gauche.

Les cinq dernières ont – excepté Paris – un exécutif de droite. En particulier Marseille, dernière, ne compte qu'une adjointe d'origine maghrébine sur trente. Pourtant, Nicolas Sarkozy avait donné une impulsion politique à la cause de l'égalité, en nommant en 2007 Rachida Dati, Fadela Amara et Rama Yade au Gouvernement. "Sarkozy l'a fait par conviction et par calcul politique. Mais il est allé à contre-courant de sa famille politique. Au niveau local, ça n'a jamais suivi", juge Eric Keslassy. Nous avons interrogé la commission nationale d'investiture de l'UMP. "Ce n'est pas un sujet pour nous", exprime avec franchise l'un de ses membres, qui se dit "anticommunautariste". "Il n'y a pas de contingentement. Quand quelqu'un fait l'unanimité sur son territoire, on le prend. Ce sera une évolution naturelle", parie-t-il.

Du côté du PS, le discours est bien différent. "Nous avons une attention à ces questions depuis 2001. Aux législatives de 2012, on avait un objectif de dix députés élus issus de la diversité", explique Christophe Borgel, secrétaire national du PS en charge des élections. Certaines candidatures avaient alors été imposées aux forceps à des fédérations réticentes, dans le cadre de circonscriptions explicitement réservées à la diversité, selon un principe de discrimination positive qui ne dit pas son nom. Parfois, des dissidences s'étaient déclarées, comme face à Kader Arif. "Il n'y a pas eu de défaites de ces candidats dans des circonscriptions que nous considérions gagnables", souligne Christophe Borgel. Pour les municipales, une circulaire avait été envoyée aux fédérations, qui rappelait certains objectifs comme la diversité ou le renouvellement. Mais les têtes de liste restaient décisionnaires. "C'est un signal qui donne de l'espoir et qui fait tomber des barrières", se félicite Christophe Borgel.

 

La parité a ouvert la porte à la diversité

Une question interpelle toutefois : pourquoi les villes comptent-elles 49 femmes issues de la diversité pour 27 hommes, soit un ratio de 64 %/36 % ? La loi sur la parité de 2000 (renforcée par l'obligation de compter autant d'hommes que de femmes dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants, une disposition appliquée pour la première fois en 2008) a incontestablement bousculé la représentation locale. Ce renouvellement obligé du personnel politique a sans doute profité aux femmes issues de la diversité. "Elles avaient deux qualités aux yeux des partis : femme et diversité", résume Ali Kismoune, président de l'association Rhône-Alpes Diversité et conseiller municipal délégué à la mairie de Lyon. Est-ce la seule raison ? Selon certains, ce même déséquilibre s'observe chez les sympathisants et adhérents des partis politiques. Christophe Borgel voit plus de militantes que de militants issus de la diversité. "Dans ma circonscription, c'est un rapport de 1 à 3", évalue-t-il. Ali Kismoune ne fait pas le même constat, et pense que les partis politiques opèrent une forme de discrimination. "Dans l'esprit de certains, l'homme issu de la diversité incarne moins la modernité, il est aussi moins consensuel, plus difficile à manager", analyse-t-il. Ce serait le dernier "plafond de verre" à percer.

Méthodologie
Les statistiques ethniques ne sont pas légales en France. Pourtant, des études ont cours, comme le baromètre de la diversité à la télévision, établi chaque année par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, retenant deux critères : “perçus comme blancs/perçus comme non blancs”. Faute de base légale commune, chaque enquête définit ses critères, sujets à critiques.
Nous avons procédé au décompte des élus issus de la diversité sur la base de leur patronyme et de leurs photos. Ont été considérés comme en faisant partie les personnes ayant des origines extra-européennes, en provenance d'Asie, d'Afrique sub-saharienne ou d'Afrique du Nord, ainsi que des DOM-TOM. Les rapatriés d'Afrique du Nord, ainsi que les personnes de confession juive qui disposaient en Algérie de la citoyenneté française avant la décolonisation n'ont pas été comptabilisées. Chaque fois qu'un doute pouvait s'exprimer, les élus ont été contactés.

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